Question de Mme VOYNET Dominique (Seine-Saint-Denis - SOC-R) publiée le 24/12/2009

Mme Dominique Voynet attire l'attention de M. le Premier ministre sur la situation dramatique de milliers de personnes en errance dans le département de Seine-Saint-Denis, dont plusieurs centaines à Montreuil.

Ces personnes, dont de nombreuses familles avec enfants, sont notamment issues des diverses communautés roms.
Chassées de la capitale et expulsées d'autres villes voisines, elles n'ont souvent d'autre choix que de se réfugier dans les rues, les parcs publics ou les terrains en friche, dans des conditions extrêmement précaires et inacceptables d'un point de vue sanitaire.

Les villes se trouvent démunies devant une telle situation, y compris à Montreuil où des moyens considérables ont été déployés pour affronter l'urgence humanitaire et instaurer une politique d'accueil de long terme, à travers une maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS) signée avec l'État. Ce dispositif d'insertion sociale et professionnelle donne des résultats encourageants en terme de scolarisation des enfants, de santé et d'apprentissage du français, mais les moyens actuels ne suffisent plus. La municipalité ne peut pourtant pas laisser se développer l'errance des populations et se constituer des camps de fortune qui se transformeront inévitablement en bidonvilles.

Les expulsions, qui ne font que déplacer le problème, ainsi que les dispositifs sociaux traditionnels d'accueil, déjà engorgés, ne peuvent constituer une solution pérenne. À ce stade, seule l'intervention de l'État, qui dispose, comme on le constate dans son action contre la grippe H1N1, des moyens humains, financiers et logistiques nécessaires, est en mesure d'apporter une réponse d'urgence à la hauteur de la situation.

Elle lui demande quels moyens il entend mobiliser, auprès des municipalités qui s'engagent en la matière, et des ONG, pour répondre à l'urgence humanitaire et sanitaire sur le terrain et élaborer des solutions d'hébergement.

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Transmise au Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire


Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire publiée le 03/02/2010

Réponse apportée en séance publique le 02/02/2010

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, des milliers de personnes sont en situation d'errance dans mon département, la Seine-Saint-Denis, dont plusieurs centaines à Montreuil, la ville dont je suis maire. Parmi ces personnes, souvent issues des diverses communautés Roms, se trouvent de nombreuses familles avec enfants.

Chassées de la capitale ou expulsées d'autres villes voisines, elles n'ont souvent d'autre choix que de se réfugier dans les rues, les parcs publics ou les terrains en friche, dans des conditions extrêmement précaires et inacceptables d'un point de vue sanitaire. L'enchaînement implacable des squats et des expulsions interdit toute prise en charge sérieuse de ces populations.

Nous la connaissons bien la règle qui leur est applicable. Le séjour de ces citoyens européens est autorisé pour une durée de trois mois ; ceux d'entre eux qui bénéficient d'une autorisation de séjour, parce qu'ils exercent des professions figurant sur la liste des métiers autorisés, peuvent rester en France ; quant aux autres, ils sont invités à rejoindre leur pays d'origine, avec ou sans pécule, sur des bases plus ou moins volontaires.

Mais cette stratégie ne peut qu'échouer face à des populations et des familles par définition mobiles, qui vont de région en région, de commune en commune, au rythme des saisons… ou des expulsions.

À Montreuil, nous sommes convenus, avec le soutien de l'État, de mettre en place une maîtrise d'œuvre urbaine et sociale – MOUS – pour prendre en charge quelques centaines de personnes dont il est avéré qu'elles vivent à Montreuil depuis plusieurs années, voire une décennie. Si ce dispositif d'insertion sociale et professionnelle donne des résultats encourageants en matière de scolarisation des enfants, de santé, d'apprentissage du français, de bilan professionnel pour les adultes, les difficultés restent considérables.

Permettez-moi d'insister ici sur deux d'entre elles.

La première est celle des coûts : bien que l'État prenne à sa charge une petite part du financement de la MOUS, et bien que la région et le département soient des partenaires fiables, l'essentiel des coûts reste à la charge de la ville, qui n'y peut mais. Qu'il s'agisse d'aménager les terrains et d'en assurer le gardiennage ou de prendre en charge durablement les populations, notamment sur le plan sanitaire, nous pâtissons du manque de moyens.

L'autre difficulté est liée par l'arrivée quasi quotidienne de nouvelles familles, au rythme des expulsions décidées dans d'autres communes, ce qui suscite l'incompréhension des habitants de notre ville tout en minant nos efforts auprès des populations que nous avons décidé de prendre en charge.

Je voudrais donc, monsieur le ministre, que vous m'indiquiez les moyens que le Gouvernement entend mobiliser, au-delà de son habituel discours de fermeté, pour aider les ONG et les communes à répondre à l'urgence humanitaire ou sanitaire, ainsi qu'à mettre en place des solutions d'hébergement dignes.

En effet, les dispositifs sociaux d'accueil traditionnels sont engorgés ; les dispositifs spécifiques, quant à eux, sont absents. À ce sujet, je tiens à votre disposition un courrier envoyé à la section UMP de ma ville par le préfet de mon département, dans laquelle apparaît au grand jour le fossé qui existe, en la matière, entre les discours et les actes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Je rappellerai tout d'abord, madame la sénatrice, que pas moins de sept ministres sont directement impliqués par la situation des Roms en France, ce qui témoigne déjà de l'engagement de l'État, aux côtés des collectivités locales, sur cette question.

Permettez-moi, en préambule, de souligner deux points importants.

Premièrement, si les ressortissants roumains et bulgares bénéficient, depuis le 1er janvier 2007, de la liberté de circulation, ils doivent posséder, comme tous les ressortissants des États membres de l'Union, des ressources suffisantes et d'une couverture sociale pour séjourner en France.

Deuxièmement, à la différence des autres travailleurs de l'Union, les ressortissants bulgares et roumains ne bénéficient pas de la liberté pleine et entière d'installation : pour exercer une activité professionnelle salariée, il leur faut obtenir un titre de séjour et une autorisation de travail. Toutefois, 150 métiers, représentant 40% du marché du travail, leur sont librement accessibles, sans opposition possible de la situation de l'emploi.

Par ailleurs, tout en saluant l'implication des collectivités locales, je veux ici insister sur le rôle de l'État.

Avant tout, l'État soutient effectivement des actions d'accueil, de relogement d'urgence et d'intégration des populations Roms qui sont autorisées à rester sur le territoire français. Concernant votre département, la Seine-Saint-Denis, on peut citer l'expérience des cinq « villages d'insertion » engagée depuis 2007 à Saint-Denis, Aubervilliers, Saint-Ouen, Bagnolet et à Montreuil. Le préfet de la Seine-Saint-Denis mobilise l'ingénierie et les moyens budgétaires de l'Etat, pour accompagner les efforts des collectivités locales, à hauteur de 50%.

Conscient des difficultés que posait à la ville la présence nombreuse de Roms à Montreuil, l'Etat s'est engagé en juin 2009, dans le cadre d'un travail étroit avec vos services, à cofinancer pour moitié le fonctionnement de la MOUS et la gestion locative des sites, afin d'accompagner l'insertion sociale et économique et le relogement de 350 personnes d'origine Rom.

Des rapatriements humanitaires sont parallèlement organisés par l'office français de l'immigration et de l'intégration, l'OFII. Une aide financière est accordée dans ce cadre. Outre l'organisation du retour, les personnes concernées bénéficient d'une aide de 300 euros par adulte et de 100 euros par enfant mineur. Entre le 1er janvier et le 31 octobre 2009, sur 10 443 bénéficiaires, 8 684 étaient roumains et 715, bulgares. Cette charge financière, je le précise, repose non pas sur les communes mais exclusivement sur le budget de l'OFII, opérateur du ministère dont j'ai la charge.

Enfin, nous avons créé un dispositif d'aide à la réinsertion géré par l'OFII en Roumanie, prévoyant notamment un accompagnement social en cas de besoin pour les familles en difficulté ainsi que la mise en place d'une aide financière au démarrage de projets économiques à hauteur de 3 660 euros par projet. Depuis 2007, ce sont 321 projets économiques qui ont été acceptés en financement par l'OFII, permettant à des candidats au retour de se réinsérer en Roumanie et d'y créer une activité économique.

À cela s'ajoute une contribution importante de la France au budget européen au profit de la Roumanie et de la Bulgarie, en particulier à travers les fonds structurels.

Je souhaite également signaler que, dans le cadre de la présidence espagnole de l'Union Européenne et en préparation du deuxième sommet européen sur les Roms, qui se tiendra à Cordoue le 8 avril prochain, la France fera des propositions concrètes à ses partenaires européens pour œuvrer à une meilleure intégration des Roms dans leur pays d'origine

On ne peut donc pas, madame la sénatrice, parler de désengagement de l'État en ce qui concerne la prise en charge de ces populations. C'est un problème complexe, comme vous le savez ; mais le Gouvernement a pris le parti d'en traiter le fond, et non les conséquences.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, j'ai veillé à ne pas évoquer le « désengagement de l'État », précisément pour vous épargner les lamentations rituelles et les gimmicks de séance. J'admets tout à fait que l'État a pris une partie du fardeau à sa charge pour ce qui concerne les Roms de Montreuil. Si je souhaitais vous interpeller, c'est parce qu'il me semble que vous n'avez pas bien mesuré la complexité et l'incohérence des dispositifs existants.

Tout d'abord, les Roms ne sont pas des ressortissants roumains et bulgares comme les autres. En effet, ils constituent une minorité nationale discriminée, comme l'ont reconnu à la fois le Conseil de l'Europe, le Parlement européen et la Commission européenne elle-même. Cette dernière a d'ailleurs consacré à ces populations des colloques et des réflexions tout à fait intéressantes, sans toutefois proposer, hélas, de dispositifs suffisamment concrets.

Ensuite, il me semble que nous sommes soumis à des injonctions paradoxales. D'un côté, le droit nous oblige à prendre en charge ces populations en leur fournissant un certain nombre de prestations élémentaires, notamment en matière de scolarisation ou d'accès à l'eau. D'autre part, nous sommes invités par le préfet à ne pas nous montrer trop disponibles envers ces personnes, dont on nous dit qu'elles n'ont pas vocation à rester en France.

J'aimerais donc que le discours du Gouvernement soit cohérent et que les communes qui accueillent ces populations, tout simplement parce qu'elles sont chassées d'autres communes, puissent disposer de moyens suffisants pour assurer la salubrité des lieux où ces familles sont installées et la scolarisation de leurs enfants.

Car il ne faut pas oublier que la politique migratoire est essentiellement définie à un autre niveau que celui des communes et qu'elle s'impose à ces dernières dans des conditions qui mériteraient, d'ailleurs, d'être discutées.

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