Question de M. BÉRIT-DÉBAT Claude (Dordogne - SOC) publiée le 14/01/2010

M. Claude Bérit-Débat attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la position actuelle du Gouvernement concernant la promotion des langues régionales, notamment l'occitan.

Aujourd'hui, le Gouvernement s'interroge sur la pertinence d'une intervention législative supplémentaire dans l'optique de mieux promouvoir ce patrimoine linguistique tant que toutes les possibilités existantes n'auront pas été explorées et appliquées sur le sujet.

Bon nombre d'associations en Périgord et sur l'ensemble du territoire national ainsi que de parlementaires attendent pourtant qu'une nouvelle législation vienne poser un statut approprié aux langues régionales, lesquelles, si elles sont reconnues comme patrimoine de la France par la Constitution depuis 2008, ne bénéficient pas d'un réel cadre législatif permettant concrètement de mieux faire vivre ces langues.

Aussi, il lui demande quels seraient alors les outils plus adaptés qu'une loi qu'il compte mettre en place pour favoriser le développement des langues régionales.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 24/03/2010

Réponse apportée en séance publique le 23/03/2010

M. Claude Bérit-Débat. Moussu lou ministré, que poudeyri m'adressa à bous en biarnes ou en occitan, ûe lénga que aymi parla e douc soy amourous més que boy lo hà en francés per respect pour lou gouvernament e pour lou parlamén.

Monsieur le ministre, depuis 2008, la Constitution reconnaît les langues régionales comme faisant partie intégrante du patrimoine de la France. Malgré cela, nous attendons toujours le projet de loi pérennisant leur pratique, promis par le Président de la République. En vain semble t-il, si l'on se réfère aux réponses qui nous ont été fournies jusqu'ici.

Pourtant, la vitalité des langues régionales en France ne se dément pas. Une enquête sociolinguistique réalisée en Aquitaine à la fin de l'année 2008 démontre que 250 000 Aquitains – soit un Périgourdin sur six – parlent occitan. Et surtout, 80 % d'entre eux souhaitent le renforcement de son enseignement à l'école.

Malgré cela, l'État rechigne à mettre en place les solutions adaptées pour pérenniser cet engouement incontestable. Aujourd'hui, 500 élèves occitanistes sont répartis dans trois collèges et lycées périgourdins. Leurs effectifs croissants nécessiteraient une augmentation du nombre de postes d'occitan ouvert au CAPES. Hélas ! les heures de cours, et donc les postes d'enseignant, manquent pour répondre convenablement à cette demande.

Plus largement, les cahiers des charges des radios et des chaînes audiovisuelles publiques devraient comprendre la diffusion, mais aussi la production d'émissions en langue régionale. Les médias devraient en effet être un support davantage utilisé pour promouvoir la diversité culturelle. Or le magazine occitan Punt de Vista, certes diffusé sur France 3 Aquitaine, n'a pu voir le jour que parce qu'il est financé par le conseil régional d'Aquitaine.

Loin d'être anachroniques, les langues régionales sont un facteur d'insertion professionnelle et de cohésion sociale. Ainsi, en Dordogne, une formation assure l'apprentissage de l'occitan aux professionnels en charge de l'accompagnement à domicile ou en établissement pour personnes âgées.

Il est reconnu que, pour les aînés, communiquer dans leur langue maternelle est un moyen efficace de maintenir leur capacité cognitive et retarde le développement de maladies de type Alzheimer. On le voit, la culture vient ici au service de la santé.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous tenir les promesses présidentielles en faveur de langues régionales dont je n'ai pu évoquer les apports qu'à grands traits ? Pouvez-vous me dire comment vous entendez pérenniser l'occitan, le provençal, le basque, le breton, bref, l'ensemble des langues régionales, c'est-à-dire en fait la culture française qui, comme la nation, si elle est unique, n'est pas pour autant uniforme ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, le projet de loi relatif aux langues régionales que le Gouvernement avait envisagé de déposer en mai 2008 était conçu comme un élément au sein d'un dispositif global de développement des langues régionales en France. Il visait en premier lieu à donner une forme institutionnelle au patrimoine linguistique de la nation et, en second lieu, à rassembler dans un même texte des dispositions existantes, mais que leur dispersion rend parfois difficilement accessibles à nos concitoyens.

Or, notre loi fondamentale ayant été modifiée en juillet 2008, le premier objectif a été pleinement atteint puisque le titre XII de la Constitution, consacré aux collectivités territoriales, comporte désormais un article stipulant que « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la Constitution a une portée supérieure à tout autre texte législatif national.

Par ailleurs, on peut envisager le développement des langues régionales sans avoir nécessairement à légiférer. En effet, l'appareil législatif et réglementaire actuel offre des possibilités qui ne sont pas toujours exploitées. De la signalisation routière à la publication des actes officiels des collectivités territoriales, il y a maintes occasions de manifester un bilinguisme français-langue régionale.

De nombreuses marges de manœuvre existent, qui pourront être utilisées si les collectivités locales, aux côtés de l'État, font valoir pleinement leurs compétences en la matière, comme les y invite le titre XII de la Constitution.

L'État, de son côté, consent d'ores et déjà un effort important en faveur du développement des langues régionales. Je pense au ministère de l'éducation nationale et à son action en matière d'enseignement, mais aussi au ministère de la culture et de la communication, qui soutient les initiatives contribuant à renforcer la création en langues régionales.

Pour ce qui concerne la langue et la culture occitanes en particulier, sur lesquelles vous m'interrogez également, je tiens à vous dire que mon ministère apporte notamment son soutien financier aux productions cinématographiques et audiovisuelles occitanes, à la création théâtrale – Théâtre La Rampe de Montpellier et Centre dramatique occitan de Toulon – ainsi qu'à la publication et à la traduction d'œuvres littéraires représentatives. Il encourage les actions de valorisation menées dans un cadre interrégional, particulièrement adapté à une langue parlée sur une vaste zone, qu'il s'agisse de l'Estivade de Rodez ou du travail de l'Institut d'études occitanes pour la promotion et la socialisation de la langue. Plusieurs programmes font l'objet d'une coopération avec les conseils régionaux et autres collectivités publiques, dont bénéficie par exemple le Centre inter-régional de développement de l'occitan, à Béziers.

D'une manière générale, sont privilégiées les initiatives qui favorisent et diffusent la création occitane dans sa modernité et qui contribuent à conforter sa place dans le paysage culturel de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, les efforts de l'État dans ce domaine me semblent nettement insuffisants.

Vous soutenez qu'il est inutile de légiférer puisque la Constitution mentionne les langues régionales. Ensuite, comme le fait le Gouvernement chaque fois qu'il est interpelé par mes amis occitanistes ou défenseurs des langues régionales, vous dressez un état des lieux de la situation actuelle, affirmant qu'il existe déjà des moyens de promouvoir et de défendre une langue régionale, notamment par le biais de la signalétique. Le maire que j'ai été peut vous dire que ces moyens sont utilisés depuis longtemps. Sans les collectivités locales, rien ne pourrait être fait.

Je souhaite que le Gouvernement dégage des moyens, notamment pour l'apprentissage de la langue régionale. Comme je l'ai indiqué voilà un instant, mon département – pour ne parler que de l'occitan – compte trois lycées et collèges qui accueillent 500 élèves. La demande des jeunes est très forte. Nombre d'entre eux considèrent que l'apprentissage de leur langue maternelle ou paternelle est un moyen de se réapproprier une part de l'histoire de leur région et, au-delà, de la nation tout entière. Parallèlement, 80 % des parents souhaitent qu'un effort soit réalisé dans ce domaine.

Or, le ministère de l'éducation nationale ne fait rien : ni nomination d'enseignants, ni création de postes au CAPES ou d'heures supplémentaires.

Pour vous donner une idée de la disproportion de l'effort consenti par l'État et par les collectivités locales, permettez-moi de rappeler que, au cours de son dernier mandat, le président du conseil régional d'Aquitaine, M. Alain Rousset, a consacré un million d'euros à la promotion de l'occitan, alors que, dans le même temps, l'État ne dépensait que 10 000 ou 20 000 euros.

Il me semble que le ministère de la culture et de la communication devrait accroître la mobilisation des médias, de la télévision. L'émission en occitan Punt de Vista que j'ai mentionnée est entièrement financée par le conseil régional. Sans cet effort, elle n'existerait pas.

Je lance un appel pour que se crée une véritable prise de conscience. Il est bien que les langues régionales soient reconnues dans la Constitution. Encore faut-il leur donner les moyens de vivre, qu'il s'agisse de l'occitan, du basque, du breton, du provençal. Ces langues font la richesse de notre pays et ne portent en rien atteinte à l'unité de la nation.

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