Question de M. TRILLARD André (Loire-Atlantique - UMP) publiée le 21/01/2010

M. André Trillard attire l'attention de M. le Premier ministre sur les graves difficultés rencontrées par la filière aquacole, reflet d'un véritable paradoxe : alors que la France a été pionnière dans le développement de nombreuses espèces, que les compétences (professionnels, chercheurs, jeunes bien formés) existent et sont reconnues dans le monde entier, que la consommation de poissons en France ne cesse de progresser - autant de facteurs potentiellement favorables à la filière piscicole - celle-ci, malgré les efforts engagés par l'interprofession sur le plan de la qualité et de la durabilité, se trouve aujourd'hui littéralement étranglée, moins par la crise mondiale que par les importations et l'empilement de contraintes franco-françaises : surcoûts liés à la libéralisation du service public de l'équarrissage, insuffisance des mesures de repeuplement prévues dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), faiblesse des solutions mises en œuvre pour parer aux déprédations des cormorans, prohibition des carpes amour, distorsions de concurrence d'origine réglementaire qui pénalisent la production française confrontée sur les même étals à des poissons d'origine étrangère décongelés etc ...

L'ensemble de ces handicaps, qui ont pour effet de priver notre pays des performances économiques d'une filière saine et prometteuse sont d'origines si diverses que seule une volonté politique affichée au sommet du Gouvernement permettra de prendre et coordonner les décisions indispensables à la survie de cette filière tout en diminuant notre dépendance alimentaire. Il le remercie de bien vouloir lui faire de ses intentions en la matière.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la politique de la ville publiée le 17/02/2010

Réponse apportée en séance publique le 16/02/2010

M. André Trillard. La filière piscicole française vit aujourd'hui un véritable paradoxe. Malgré la situation pionnière qu'occupe notre pays dans le développement de nombreuses espèces aquacoles, malgré une consommation de poissons croissante, malgré une volonté politique affichée de renforcer la filière pour réduire notre dépendance alimentaire vis-à-vis des pays tiers, malgré des structures solides, des professionnels reconnus et des jeunes bien formés, elle régresse. J'irai même plus loin, elle plonge littéralement, étranglée moins par la crise mondiale que par les importations et l'empilement de contraintes franco-françaises.

Pourtant, au cours de ces dernières années, des signes encourageants avaient été donnés avec la mise en place du plan d'avenir pour la pêche et l'aquaculture, suivi de la mission Tanguy. C'est en fait une accumulation de contraintes de toute nature et d'orientations prises sans concertation suffisante avec les professionnels qui risque de conduire à l'asphyxie d'une filière pourtant saine.

Je veux parler des surcoûts liés à la libéralisation du service public de l'équarrissage, de l'insuffisance du repeuplement lié notamment à la priorité donnée par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, à la préservation de l'environnement par rapport à la gestion de la ressource, du caractère anecdotique des solutions mises en œuvre par le ministère de l'écologie pour parer aux déprédations des cormorans – la population est passée de 4 000 en 1970 à 130 000 en 2007 ! –, de la prohibition de la production et de la commercialisation des carpes amours, espèce pourtant la plus produite à travers le monde – pourquoi sommes-nous le seul pays d'Europe dans ce cas ? –, des distorsions de concurrence résultant des nouvelles législations en santé animale et en sécurité alimentaire qui pénalisent la production française, laquelle se trouve confrontée sur les étals à des poissons d'origine étrangère décongelés, etc.

Un plan d'aide à l'agriculture a été mis en place, allez-vous me répondre, madame la secrétaire d'État, et vous venez d'en parler. Il est vrai que nombre de pisciculteurs seront amenés à y faire appel.

Il n'en reste pas moins qu'il est essentiel de traiter les causes du mal. L'ensemble des handicaps que je viens d'évoquer sont d'origines si diverses – leur solution relevant soit du ministère de l'écologie, soit du ministère de la santé, soit du ministère de l'agriculture – que seule une volonté politique affichée au sommet du Gouvernement permettra de prendre et de coordonner les décisions indispensables à la survie de cette filière tout en diminuant notre dépendance alimentaire.

C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité poser cette question à M. le Premier Ministre, certain qu'il partagera mon point de vue selon lequel nous n'avons pas les moyens, dans le contexte actuel, de nous priver des performances économiques d'une filière saine et dynamique. Je comprends qu'il ne puisse me répondre aujourd'hui, mais je compte sur vous, madame la secrétaire d'État, pour vous faire auprès de lui l'interprète de l'inquiétude et des attentes de toute la profession.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Bruno Le Maire, qui m'a demandé de vous faire part de sa réponse.

Vous avez raison, le secteur piscicole stagne en France, alors que la demande des consommateurs en produits aquatiques augmente régulièrement. La balance commerciale en produits de la pêche et de l'aquaculture est en effet fortement déficitaire, de l'ordre de 640 000 tonnes, ce qui représente 2,56 milliards d'euros en 2008.

Dans ce contexte, la France a élaboré au mois de juin 2008 un mémorandum pour le développement de l'aquaculture européenne, qui a été signé par dix-sept autres États membres. La Commission européenne a présenté au mois d'avril 2009 une nouvelle stratégie pour le développement de l'aquaculture durable en Europe, à la suite de laquelle le Conseil a adopté à l'unanimité, au mois de juin 2009, des conclusions en faveur du développement d'une aquaculture durable.

Dans ce cadre communautaire, le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche souhaite promouvoir le développement de ce secteur en France, en complément du secteur de la pêche. En effet, notre pays ne peut asseoir sa stratégie d'alimentation de sa population en produits aquatiques à partir des seuls produits importés des pays tiers.

Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui sera examiné prochainement par le Parlement, vise à développer le secteur aquacole en France. Il sera proposé l'élaboration de schémas régionaux de l'aquaculture marine identifiant les sites propices à cette activité.

La vente de produits d'importation décongelés au rayon frais entraîne de réelles distorsions de concurrence, inacceptables pour la filière. C'est pourquoi des consignes ont été données aux agents de contrôle afin de vérifier, dans les points de distribution, le respect de l'étiquetage des produits décongelés et l'origine des produits. Le consommateur doit en effet disposer d'une information claire et précise.

Pour orienter les choix du consommateur vers les produits frais et originaires de nos régions, le Comité interprofessionnel des produits de l'aquaculture, le CIPA, lancera prochainement, avec l'aide de FranceAgriMer, une campagne nationale de promotion.

En outre, le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a initié, en collaboration avec le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, à qui incombe la mise en place des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, un guide de bonnes pratiques pour maintenir les opérations de repeuplement dans certains cours d'eau.

J'en viens à la pisciculture extensive en étang. De nouvelles mesures aqua-environnementales ont été mises en place dans le cadre du Fonds européen pour la pêche, le FEP. Elles visent à maintenir une pisciculture extensive contribuant à l'amélioration de l'environnement et au maintien de la biodiversité dans les zones traditionnelles d'étang.

De plus, le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche contribue, avec le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer à la mise en place d'un plan de régulation du cormoran à l'échelon communautaire afin de limiter les pertes liées à ces oiseaux piscivores.

M. le président. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Je rappelle qu'une grande partie des problèmes auxquels est confrontée la filière piscicole est due à nos propres législations, qui se coordonnent mal. Oserais-je suggérer la création d'une commission interministérielle destinée à identifier les obstacles et à les lever, quand cela est possible ? C'est une mesure de bon sens.

Plutôt que d'attendre la résolution de ces difficultés à l'échelon européen, il serait raisonnable de rechercher les causes internes de ce blocage de la production. Il est fâcheux – inacceptable, avez-vous dit, madame la secrétaire d'État – que nous soyons amenés à acheter sans le savoir des produits décongelés dont nous ne connaissons pas l'origine.

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