Question de M. FICHET Jean-Luc (Finistère - SOC) publiée le 31/03/2010

Question posée en séance publique le 30/03/2010

Concerne le thème : L'éducation et l'ascension sociale

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, les carences de plus en plus criantes de notre enseignement public laïc conditionnent la réussite des élèves à la fréquentation de cours privés. Ce nouvel engouement, inquiétant à bien des égards, entraîne une ségrégation sociale entre les parents qui peuvent payer des cours particuliers à des tarifs prohibitifs et ceux dont les ressources leur permettent au mieux de faire vivre leur famille.

À cela s'ajoute une ségrégation géographique entre les élèves des établissements en difficulté, qui n'ont pas accès aux services de ces organismes de soutien scolaire, et ceux qui fréquentent les collèges des centres-villes, situés à proximité d'établissements d'enseignement privé.

Les élèves qui reçoivent des cours payants accèdent plus facilement aux classes préparatoires, puis aux grandes écoles. Ainsi, 55 % des élèves des classes préparatoires sont des enfants de cadres ou de membres de professions libérales, tandis que 16 % d'entre eux seulement ont des parents ouvriers, inactifs ou employés.

Certes, des mesures ont été prises. Ainsi, un crédit d'impôt a été institué en 2007 pour les familles non imposables : cette disposition constitue en quelque sorte le pendant de la possibilité ouverte aux familles imposables de déduire de leurs impôts 50 % des sommes consacrées à la rémunération brute d'un salarié à domicile.

Le marché du soutien scolaire privé s'élèverait a minima à 800 millions d'euros, et même beaucoup plus si l'on prend en compte le soutien à domicile. Sachant que 50 % de ce montant est remboursé aux familles par le biais de la réduction ou du crédit d'impôt, le soutien scolaire privé coûte donc quelque 400 millions d'euros à l'État. Cette somme suffirait à elle seule à financer les postes d'enseignants qui font tant défaut à l'enseignement public.

M. René-Pierre Signé. Très bien !

M. Jean-Luc Fichet. Cette stratégie d'excellence est injuste et inégalitaire, contraire aux fondements de la République. Un autre choix doit être fait, en utilisant cet argent pour financer des postes d'enseignants et de salariés de l'éducation nationale, mesure qui profiterait à tous les élèves.

Quelles dispositions comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour permettre un juste accès de tous à une éducation de qualité, et mettre fin à l'abonnement presque systématique des milieux ouvriers à l'échec scolaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)


Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 31/03/2010

Réponse apportée en séance publique le 30/03/2010

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, j'ai moi-même évoqué les chiffres que vous avez cités lors d'un récent entretien sur l'inégalité des chances dans le système éducatif.

Je ferai tout d'abord observer que le soutien scolaire a toujours existé : nous nous souvenons tous d'enseignants qui donnaient quelques heures de cours particuliers.

M. René-Pierre Signé. Ce n'était pas à la même échelle !

M. Luc Chatel, ministre. Je reconnais que cette activité, hier artisanale, est en quelque sorte passée au stade industriel. La meilleure réponse à cette évolution, c'est le soutien scolaire public, monsieur Fichet.

M. René-Pierre Signé. Pour cela, il faut des enseignants !

M. Luc Chatel, ministre. L'école a décidé d'être son propre recours.

C'est la raison pour laquelle nous avons créé en primaire une aide personnalisée de deux heures par semaine, gratuite, assurée par de vrais professeurs, pour tous les élèves qui rencontrent des difficultés.

De même, nous avons mis en place l'accompagnement éducatif au collège, qui permet de prendre en charge les enfants que leurs parents souhaitent laisser dans l'établissement entre 16 heures et 18 heures. Un tiers de ces élèves bénéficient d'un soutien scolaire dans ce cadre.

Enfin, à la rentrée prochaine, nous allons mettre en place un accompagnement personnalisé de deux heures par semaine au lycée, destiné à tous les élèves et assuré par de vrais professeurs, dans le cadre du temps scolaire. Il s'agit à la fois de permettre aux élèves les plus en difficulté de rattraper leur retard et d'aider les meilleurs à préparer leurs examens et à aller le plus loin possible dans leurs études, conformément à notre souhait de viser l'excellence.

À la question très légitime que vous posez sur le soutien scolaire, monsieur le sénateur, nous apportons donc, depuis maintenant trois ans, une réponse interne au système éducatif public. Telle est la volonté du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.

M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je crois comme vous qu'il vaut mieux améliorer les conditions d'enseignement au sein de l'école que favoriser le soutien scolaire par le biais de cours privés. Reste que le soutien scolaire au sein de nos établissements est encore tout à fait insuffisant aujourd'hui.

De surcroît, il faut savoir que ce soutien est généralement dispensé en dehors du temps scolaire. Une fois de plus, les enfants des milieux défavorisés ne peuvent en bénéficier, dépendants qu'ils sont des transports scolaires.

Cela étant, je suis satisfait des orientations que vous avez tracées, monsieur le ministre. J'espère que nous pourrons constater dans les mois et années à venir une régression des cours payants, au bénéfice du soutien scolaire dispensé au sein de l'enseignement public.

M. Jacques Legendre. Espérons-le !

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