Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 04/03/2010

Mme Nathalie Goulet attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur le recrutement des personnels des ambassades, en particulier dans la zone du Golfe persique .
En effet, alors que les débats des commissions des affaires culturelles et des affaires étrangères du Sénat et de l'Assemblée nationale insistent sur la nécessité de procéder à des recrutements locaux pour une meilleure efficacité des services rendus, et alors que les recrutements locaux sont moins dispendieux pour le budget en période de RGPP, les procédures anciennes perdurent au mépris des besoins et de la réalité du terrain.
Telle ambassade située dans la péninsule arabique a vu le recrutement d'un chargé de la presse ne parlant ni anglais ni arabe et a dû l'affecter à un poste de "secrétaire général "de l'ambassade; telle autre doit maintenir en poste un attaché culturel qui n'a aucune connaissance de la région et ne peut dés lors établir aucun contact. La liste est longue de ces errements.
Elle souhaite savoir combien de temps la diplomatie française va encore poursuivre ces erreurs de "casting" dont la France n' a pas les moyens.

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Réponse du Secrétariat d'État aux affaires européennes publiée le 29/09/2010

Réponse apportée en séance publique le 28/09/2010

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à titre liminaire, je voudrais préciser que je vise par cette question non des personnes en particulier, mais le fonctionnement – ou plutôt le dysfonctionnement – de nos ambassades.

Le ministère des affaires étrangères est sans aucun doute le plus « grenello-compatible », car on y recycle les agents fonctionnaires, les agents ou les amis en mal d'exotisme. (Sourires.)

Le poste d'attaché de presse de l'ambassade des Émirats Arabes Unis, qui était nécessaire, a ainsi été attribué à un agent de Cultures France qui ne parle ni arabe – admettons… – ni anglais. Avouez que cela pose un problème !

Il a donc fallu toute l'inventivité de notre ambassadeur pour créer un poste de secrétaire général de l'ambassade, qui nous coûte 10 000 euros par mois, à quoi il faut ajouter les primes d'expatriation : on ne peut en effet pas, compte tenu de son statut, le rapatrier. Avouez que la révision générale des politiques publiques, la RGPP, n'est pas très bien appliquée sur ce point !

Un autre ambassadeur dans un pays du Golfe a un goût très prononcé et connu pour l'alcool, alors que la consommation publique en est interdite !

Et que dire de cette personne nommée ministre plénipotentiaire au Quai d'Orsay, poste le plus important dans un pays dont le rôle est essentiel pour trouver des solutions au conflit du Proche-Orient, et qui a fait toute sa carrière à Médecins du monde ?

Cerise sur le gâteau – pardonnez-moi cette expression, monsieur le secrétaire d'État –, je suis étonnée, vous le comprendrez, que le nouvel attaché culturel à Mascate, désignée capitale culturelle du monde arabe par l'UNESCO, vienne du Yémen. Vous me direz que ce n'est pas loin et que c'est bon signe. Pas du tout, car, au Yémen, il était conseiller pour l'agriculture, et non pour la culture ! Je suppose que cette nomination à un poste aussi important est due à une erreur de « copier-coller » !

Monsieur le secrétaire d'État, combien de temps encore le ministère des affaires étrangères et notre économie vont-ils supporter ces erreurs de casting ?

Tous les rapports de la commission de la culture comme de la commission des affaires étrangères préconisent pourtant des recrutements locaux, moins chers et beaucoup plus efficaces pour notre action culturelle. Vous le savez, nos agents sont bien implantés dans ces pays, qu'ils connaissent parfaitement. En outre, le problème de leur promotion personnelle ne se pose pas.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Madame le sénateur, je vous remercie de cette question rafraichissante, qui rappelle certains de nos bons auteurs du début du XXe siècle, tel Anatole France.

Je vous prie d'excuser M. le ministre des affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner, en charge de la totalité de ces nominations – le modeste secrétaire d'État que je suis ne s'occupe que de la partie européenne –, qui ne peut être présent ce matin et m'a donc demandé de vous transmettre sa réponse.

Le recrutement des personnels servant dans nos ambassades, dans celles du Golfe arabo-persique comme dans celles d'autres régions du monde, donne lieu à un examen minutieux des profils des agents et du contenu des postes à pourvoir.

Toutes nos représentations diplomatiques comptent des emplois qui, en raison des exigences de confidentialité et des contraintes d'habilitation, sont à pourvoir par des agents titulaires du ministère des affaires étrangères et européennes, le MAEE, ou par des agents en détachement d'autres administrations. Les emplois de la chancellerie diplomatique, des services consulaires, du chiffre ou du poste de défense entrent, notamment, dans cette catégorie. Il n'est alors pas possible de recourir à des agents de recrutement local.

Le MAEE, engagé comme les autres départements ministériels dans la RGPP, a recours à des recrutements d'agents locaux lorsqu'il identifie des fonctions qui peuvent, sans remettre en cause les obligations suscitées, être occupées par ces personnels. Nos ambassades accueillent d'ailleurs de nombreux recrutés locaux, et ce dans le monde entier.

L'envoi d'agents titulaires du MAEE dans la zone arabo-persique fait l'objet d'une analyse des besoins détaillée, notamment sur le plan linguistique. Le MAEE s'attache ainsi à privilégier l'affectation de locuteurs arabes dans nos postes de la zone. Nombre des titulaires du MAEE servant actuellement dans cette région sont de parfaits arabisants qui, de surcroît, connaissent bien le Golfe.

Enfin, il faut noter qu'à l'automne 2010 l'ensemble des chefs de poste nommés dans les pays concernés seront de parfaits arabisants !

J'ajoute à titre personnel, madame le sénateur, que j'ai pris note des cas que vous avez mentionnés, et que je ne manquerai pas de les examiner de très près.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse et de l'attention que vous pourrez porter à ces sujets. Je précise que je suis surtout préoccupée par le poste culturel, qui est un poste de base.

Dieu merci, Allah akbar et Barouch Hachem – soyons œcuméniques (Sourires.) –, le nouvel ambassadeur du Koweït, une femme remarquable qui était consul à Dubaï, est arabisante, tandis que son prédécesseur ne l'était pas. C'est là un recrutement formidable.

Mais s'agissant du poste culturel, il nous faut un poste régional, occupé par un agent recruté localement, connaissant bien la région.

Il y a du travail, et la marge de progression est extrêmement importante ; mais je ne doute pas que, de remarque en remarque, de commission en rapport, nous parvenions, dans un délai plus raisonnable que celui qui nous sépare de l'époque d'Anatole France, à mener une politique culturelle cohérente dans cette région du monde.

À ce propos, vous me pardonnerez de souligner que le rédacteur de votre réponse voulait sans doute parler du Golfe persique et non du Golfe arabo-persique…

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