Question de M. BAILLY Gérard (Jura - UMP) publiée le 08/04/2010

M. Gérard Bailly appelle l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur les dégâts importants causés par les campagnols terrestres dans les prairies herbagères et les massifs tant dans le Jura, la Franche-Comté que dans le Massif central (Limousin, Auvergne, Cantal, Savoie etc...): à titre d'exemple, les dégâts dans le Jura et dans le Doubs sont évalués à 8 millions d'euros pour une seule année.

La situation n'a, malheureusement, pas évolué depuis qu'il y a deux ans, il posait la même question au ministre de l'époque. Des sommes considérables ont été dépensées depuis plus d'une trentaine d'années par les collectivités territoriales et l'État qui financent un nombre important de programmes de lutte et rien ne change. On observe, au contraire, une augmentation de la fréquence et de la sévérité des pullulations de ces animaux dans les prairies, les éleveurs étant obligés d'acheter du fourrage qui, cette année, bat des records de coût. Au moment où les agriculteurs traversent une crise très grave, ils ont besoin d'informations détaillées sur les programmes de recherche, d'expérimentation et d'application car beaucoup ne comprennent pas l'inefficacité des méthodes mises en place depuis de si nombreuses années ...

Les traitements chimiques étant prohibés, il aimerait avoir un point sur les dernières méthodes en matière de lutte raisonnée et, notamment, l'empêchement de la reproduction. Il lui avait été répondu il y a deux ans que la solution passait par une coordination européenne du problème pour une mutualisation des programmes d'action : il demande donc au ministre un état des résultats des recherches sur le sujet. Par ailleurs, serait-il possible que les dégâts causés par les campagnols soient pris en compte dans les assurances-récoltes à l'occasion de la prochaine loi de modernisation agricole, étant donné la fréquence et la survenue régulière des infestations ? Il insiste sur la lassitude et le grand découragement des éleveurs de montagne et des plateaux face à ce fléau et au manque cruel de résultats ...

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Réponse du Ministère de l'espace rural et de l'aménagement du territoire publiée le 16/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 15/06/2010

M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, je souhaite attirer une nouvelle fois l'attention du Gouvernement sur les dégâts importants causés par les campagnols terrestres dans les prairies herbagères et les massifs, notamment dans le Jura, le Massif central, le Limousin, l'Auvergne, le Cantal, la Savoie. Peut-être pourriez-vous d'ailleurs m'indiquer, monsieur le ministre, s'il y en a aussi dans ces monts du Lyonnais que vous connaissez bien…

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Il y a des rats partout ! (Sourires.)

M. Gérard Bailly. À titre d'exemple, les dégâts sont évalués à 8 millions d'euros, pour une seule année, dans le Jura et le Doubs.

La situation n'a malheureusement pas évolué depuis que, voilà deux ans, je posais la même question à M. Barnier, alors ministre de l'agriculture.

Des sommes considérables ont été dépensées depuis plus d'une trentaine d'années par les collectivités territoriales et l'État, qui financent un nombre important de programmes de recherche et de lutte ; malgré cela, rien ne change.

On observe au contraire une augmentation de la fréquence et de la sévérité des pullulements de ces animaux dans les prairies, ce qui oblige les éleveurs à acheter du fourrage, lequel a battu cette année des records de coût.

Les agriculteurs, qui traversent une crise très grave, ont besoin d'informations détaillées sur les programmes de recherche, d'expérimentation et d'application, car beaucoup d'entre eux ne comprennent pas l'inefficacité de ces derniers depuis de si nombreuses années.

Sachant que les traitements chimiques sont prohibés, j'aimerais avoir plus de détails sur les dernières méthodes en matière de lutte raisonnée, notamment sur l'empêchement de la reproduction.

On m'avait répondu, voilà deux ans, que la solution passait par une coordination européenne du problème pour une mutualisation des programmes d'action. Où en est-on à l'échelle européenne à ce stade ?

Par ailleurs, ne pourrait-on pas envisager que les dégâts causés par les campagnols soient pris en compte dans les assurances récoltes, étant donné la survenue fréquente des infestations ?

Ne pourrait-on pas avoir aussi l'assurance que les parcelles qui ont été dévastées et « resemées » en avoine pour obtenir des fourrages de substitution soient considérées comme prairies pour les aides de la PAC ?

Une autre inquiétude se profile du fait de la recrudescence de la fièvre hémorragique à antivirus, dont le campagnol est le réservoir, dans les secteurs où sévissent ces animaux, notamment – je l'ai dit – dans le massif du Jura et l'est de la France : six cas dont le campagnol a été le vecteur viennent d'être signalés en six semaines par le centre hospitalier universitaire de Besançon.

Je me permets d'insister sur la lassitude et le grand découragement des éleveurs de montagne et des plateaux face à ce fléau qui se reproduit tous les trois ans environ et au manque cruel de résultats.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, quels progrès a pu accomplir depuis deux ans la recherche.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur Bailly, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, qui est retenu par la préparation de l'examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche à l'Assemblée nationale.

Vous avez interrogé mon collègue sur les dégâts importants causés par les campagnols terrestres dans les prairies herbagères et les massifs, sur les méthodes de lutte raisonnée contre ce nuisible et sur la prise en compte de cette problématique dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, projet de loi que le Sénat vient de voter

Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un vrai problème, qui se pose d'ailleurs également dans ma région.

Le campagnol terrestre est considéré comme pouvant être nuisible et figure, à ce titre, dans l'annexe B de l'arrêté du 31 juillet 2000 établissant la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets.

En conséquence, si la lutte contre son développement n'est pas obligatoire, sa propagation peut néanmoins justifier des mesures spécifiques de lutte obligatoire.

Le programme interrégional de recherche intitulé « campagnols terrestres et méthodes de lutte raisonnée », qui vient de s'achever, a conforté le bien-fondé d'une stratégie de lutte raisonnée contre ce rat-taupier.

Un dispositif d'épidémiosurveillance, impliquant de nombreux observateurs, a été mis en place sur tout le territoire national pour détecter le plus précocement possible les bioagresseurs des végétaux.

Dans les régions concernées par la prolifération des campagnols, un suivi spécifique sera organisé sur ce modèle et les observations en résultant figureront sur les bulletins de santé du végétal régulièrement diffusés.

Concernant la lutte elle-même, une stratégie de contrôle doit être mise en place dès l'apparition des premières populations, stratégie reposant sur des mesures de lutte directe, comme le piégeage ou l'emploi d'appâts.

Pour être efficaces, ces mesures doivent être doublées de mesures complémentaires, telles que la protection des prédateurs naturels des campagnols – rapaces, renards – et de leurs habitats, ou l'aménagement du territoire – des plantations de haies, par exemple.

L'action collective dès les premiers foyers est la seule solution pour maîtriser les populations de campagnols terrestres à un niveau acceptable économiquement.

Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche prévoit par ailleurs la création de fonds de mutualisation dédiés à l'indemnisation des pertes économiques découlant de l'apparition d'un foyer de maladie animale ou végétale ou d'un incident environnemental. Les pertes causées par ce rat-taupier, classé comme nuisible, pourraient potentiellement y être éligibles.

La priorité reste, pour l'heure, la poursuite des programmes de recherche.

À cet égard, un projet d'étude sur la problématique « rongeurs-environnement-santé-territoires » vient d'être proposé au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Il se traduira par la création d'un observatoire national des rongeurs prairiaux et de la taupe.

Il est également envisagé de renforcer les collaborations avec d'autres pays concernés par cette problématique.

Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que je suis en mesure de vous apporter au nom du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Je remercie M. le ministre de sa réponse. Elle contient un élément positif : la perte importante de fourrage due à l'infestation de campagnols pourrait être prise en compte dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. J'espère que cette promesse se concrétisera...

Les compagnies d'assurance, en revanche, se font un peu prier pour indemniser les risques naturels prévisibles et répétitifs ; j'attends, là encore, de voir ce qu'il adviendra.

J'aimerais en tout cas ne pas être obligé, dans deux ans, d'intervenir à ce même micro pour attirer l'attention de Mme la ministre de la santé sur ce problème. Le CHU de Besançon m'a transmis un rapport établissant que le nombre de personnes contaminées est en augmentation. Un jeune agriculteur âgé de 37 ans expliquait ainsi, au cours d'une réunion à laquelle je participais, dans la région de Nozeroy, qu'il ne pouvait plus exercer son métier, car il venait d'être contaminé par ce virus qui s'attaque aux poumons.

On compte sur certaines exploitations 1 200 campagnols à l'hectare, et vous imaginez quels dégâts ces animaux peuvent causer !

Certains évoquent le piégeage, mais il est impossible de résoudre le problème de cette façon ! Quel que soit le nombre de RMIstes et de chômeurs embauchés à cette fin, ils ne pourraient jamais parvenir à piéger tous les campagnols qui infestent une exploitation ! La situation est donc très grave.

Il n'est pas question non plus d'utiliser n'importe quels produits chimiques, qui peuvent avoir des répercussions négatives sur la faune et sur l'eau.

Les agriculteurs n'ont guère de solutions pour s'en sortir. S'ils essaient de semer de l'avoine pour disposer d'un fourrage de substitution, ils risquent de perdre les aides de la PAC : l'Union européenne ne considérera-t-elle pas que ces parcelles ne sont plus de la prairie compte tenu du fait que des céréales ont été semées ? Le ministre de l'agriculture pourrait-il nous confirmer que les aides de la PAC ne seront pas remises en cause dans ce cas ?

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la poursuite des programmes de recherche. Cela fait trente ans que, au sein du conseil général comme du conseil régional, nous votons des crédits pour lutter contre les campagnols, sans obtenir de résultat tangible. C'est même devenu un sujet de plaisanterie !

Voilà pourquoi je souhaitais attirer l'attention du Gouvernement sur ce fléau. Je vous fais confiance, monsieur le ministre, pour alerter sur ce point vos collègues en charge de l'agriculture et de l'environnement.

Alors même que notre agriculture est très vulnérable, il convient d'engager un véritable travail pour résoudre ce problème.

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