Question de Mme DUPONT Bernadette (Yvelines - UMP-A) publiée le 07/05/2010

Question posée en séance publique le 06/05/2010

Mme Bernadette Dupont. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Didier Boulaud. C'est la journée des transfuges !

Mme Bernadette Dupont. Depuis le terrible séisme qui a ravagé Haïti, de nombreux parents adoptifs, en possession d'un jugement d'homologation d'adoption, bien que rassurés sur la relative bonne santé de leurs jeunes enfants, sont cependant toujours dans le plus grand désarroi et attendent impatiemment que ceux-ci puissent enfin être autorisés à les rejoindre en France et échapper ainsi à l'insécurité qui règne dans ce malheureux pays.

Les jugements d'homologation d'adoption ont été rendus et signifiés, mais la procédure n'est pas terminée pour autant.

À partir de cas concrets de familles yvelinoises, je suis à même de suivre les espoirs suscités par l'annonce de l'accélération de certaines mesures, cependant vite déçus par de nouveaux retards dans la procédure.

Ainsi, le 7 avril, l'ambassade de France en Haïti a reçu une note du Premier ministre haïtien demandant que la France lui présente à signer une liste définitive des enfants en cours d'adoption par les familles françaises, autorisant ainsi l'émission accélérée des passeports de tous les enfants, au fur et à mesure du dépôt de leur dossier, avec jugement, à l'ambassade.

À la suite de cette information, le service de l'adoption internationale a donc sollicité les familles pour refaire la liste d'identification des parents et des enfants déjà adoptés, mais sans passeport autorisant la sortie du territoire. Les familles se sont prêtées de bonne grâce à cette nouvelle requête, heureuses de voir l'effort fait pour réduire les délais.

Il semble que cette liste établie, monsieur le ministre, soit parvenue au Quai d'Orsay le 21 ou le 22 avril dernier, pour que vous y apposiez votre signature, qui doit accompagner celle du Premier ministre haïtien, entérinant ainsi l'accord franco-haïtien qui permettra à tous les enfants dont le dossier avec jugement a été déposé à l'ambassade depuis le 8 mars 2010 d'acquérir le passeport qui leur est nécessaire pour quitter Haïti.

M. Didier Boulaud. La liste s'est perdue !

Mme Bernadette Dupont. Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, en arriver à l'obligation du retour à la procédure normale. En effet, les délais impartis étaient de plusieurs mois et l'administration qui en donnait les autorisations ne fonctionne hélas plus depuis le séisme.

Il y a urgence. On commence de nouveau à parler de risques d'émeutes, de la saison des pluies et de son lot d'épidémies. Autant de menaces qui pèsent sur ces enfants, dont les parents adoptifs n'aspirent qu'à les mettre enfin en sécurité.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, me dire où en est la situation à ce jour et quels espoirs d'une résolution rapide vous pouvez donner aux familles concernées ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Mme Raymonde Le Texier et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

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Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 07/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2010

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Didier Boulaud. Il n'y a que des transfuges !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Dupont, le droit est là, certes, pour être appliqué dans notre pays, mais il existe aussi un droit international destiné à protéger les enfants.

Je comprends votre ton : la situation est souvent dramatique pour les familles qui attendent les enfants. Mais la situation là-bas est encore plus dramatique pour les familles d'Haïti.

Il existe une liste de 69 noms. Je vous rappelle que 552 enfants ont été accueillis dans notre pays, dans des conditions assez exceptionnelles, parce que la situation, l'urgence et l'état des enfants l'exigeaient, de sorte que notre pays - les États-Unis ensuite - a accueilli le plus grand nombre de ces enfants.

À cette liste de 69 enfants s'ajoute une autre liste, d'environ 250 enfants, non officielle celle-là, parce que les Haïtiens n'ont pas donné leur autorisation. Nous ne pouvons pas, madame, forcer l'autorisation.

Les 69 enfants attendent leur passeport. Mais quel passeport, madame ? Le passeport haïtien. Or, vous le savez très bien, dans les conditions qui sont celles qui prévalent sur l'île – je l'espère, elles s'améliorent tous les jours, mais, pour le moment, ce sont des conditions de survie –, on peut comprendre que les passeports ne soient pas prêts. Il ne s'agit pas d'un frein mis par le Quai d'Orsay ni d'un combat entre une ambassade qui serait gentille et un quai d'Orsay qui serait méchant ! Désolé, mais ce n'est pas le cas du tout !

M. Jean-Louis Carrère. D'ailleurs, le Quai d'Orsay n'est jamais méchant !

M. René-Pierre Signé. Il ne mord pas !

M. Bernard Kouchner, ministre. Pour le moment, nous attendons ces enfants et nous les accueillerons très vite ; les familles sont prévenues.

Il existe, pour ces enfants particuliers que sont les enfants haïtiens, un grand espoir, non seulement d'être accueillis dans des familles mais aussi de voir Haïti signer la convention de La Haye, qui réglemente l'adoption des enfants, non pas à leurs dépens mais à leur profit.

Et puis, madame, avec tout le respect que j'ai pour vous, pour tous ceux qui s'intéressent à ce problème et, surtout, pour les familles adoptantes, je me dois d'ajouter que, autour des enfants haïtiens, s'est développé tout un commerce difficile à supporter, et jusque dans les rues de Paris, où des personnes se promènent avec des catalogues, mesdames, messieurs les sénateurs...

Nous avons envoyé sur place une mission de psychiatres et de pédopsychiatres, accompagnés de représentants des familles. Ils ont vu 117 enfants dans des conditions très différentes, suivant ce que l'on appelle les orphelinats, dont ils étaient les hôtes, parfois les prisonniers, puisque tout cela rapporte de l'argent ! Sur ces 117 enfants, madame, il n'y avait pas un orphelin !

Il ne faut pas confondre les enfants qui sont adoptés et les enfants des pauvres, que l'on pourrait accueillir dans les pays plus riches.

Je tenais à vous apporter très respectueusement ces précisions, tout en vous assurant que nous essayons d'accélérer le plus possible l'accueil de ces enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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