Question de M. MIRASSOU Jean-Jacques (Haute-Garonne - SOC) publiée le 05/11/2010

Question posée en séance publique le 04/11/2010

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.

Il y a trois semaines, la direction américaine de l'entreprise Molex a décidé de déposer le bilan de sa filiale française (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) et de la placer en liquidation judiciaire pour « punir » les salariés de Villemur-sur-Tarn, coupables d'avoir osé engager une action devant les prud'hommes destinée, tout simplement, à contester le motif économique de leur licenciement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est scandaleux !

M. Guy Fischer. Patrons voyous, Gouvernement complice !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cette décision inadmissible, prise au mépris du droit français, s'accompagne mécaniquement du refus de continuer à financer le plan social, privant les 19 représentants du personnel de leur congé de reclassement et de leurs indemnités de licenciement et frustrant tous les autres salariés de leur formation, ce qui représente, de la part de Molex, un désengagement financier de l'ordre de cinq millions d'euros.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Patrons voyous !

M. Jean-Jacques Mirassou. Or, la semaine dernière, nous avons appris avec stupeur et indignation – les mots sont faibles –, de la part de ceux-là mêmes qui, pendant de long mois, ont tenté de justifier, pour des raisons économiques, la fermeture du site de Villemur-sur-Tarn, une hausse du chiffre d'affaires de l'entreprise de 33 % sur un an, avec, à la clé, une augmentation de près de 15 % des dividendes versés aux actionnaires.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est honteux !

M. Jean-Jacques Mirassou. Un tel cynisme, car c'est le mot qui convient, a provoqué…

M. Guy Fischer. La colère !

M. Jean-Jacques Mirassou. … de vives réactions en Haute-Garonne, et c'est un département tout entier qui vous demande des comptes aujourd'hui, monsieur le ministre, car le Gouvernement a engagé sa responsabilité à travers la signature apposée par Mme Lagarde sur le plan social.

Par ailleurs, faut-il vous rappeler que, le 24 mars 2010, M. Woerth, nouveau ministre du travail, a autorisé, contrairement à la décision prise par l'inspection du travail, le licenciement pour motif économique de ces mêmes 19 représentants du personnel,…

M. Guy Fischer. Scandaleux ! On s'en souviendra !

M. Jean-Jacques Mirassou. … qui se trouvent aujourd'hui dans les plus grandes difficultés ? Vous avez donc, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, une dette morale et sociale imprescriptible à l'égard de ces 19 salariés.

Monsieur le ministre, les mesures que vous avez annoncées à Toulouse l'autre jour n'ont pas rassuré, et le mot est faible, ceux qui vous ont entendu.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sûr.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il est donc urgent et indispensable de répondre à deux questions.

Premièrement, que comptez-vous faire pour assurer la pérennité du plan social et des salaires ?

M. Didier Boulaud. Une table ronde. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Deuxièmement, que comptez-vous faire, sur le plan pénal, pour contraindre les patrons voyous à respecter le droit français et à remettre les choses à l'endroit ? (Mme Odette Terrade applaudit.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rien !

M. Jean-Jacques Mirassou. En effet, au moment où je vous parle, deux représentants du personnel sont convoqués dans les locaux de la police judiciaire à la suite d'une plainte déposée par les mêmes patrons voyous. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et voilà ! La police contre les salariés.

M. Guy Fischer. C'est la criminalisation des syndicalistes !

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous conviendrez avec moi, monsieur le ministre, que ce n'est pas le moindre des paradoxes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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Réponse du Ministère chargé de l'industrie publiée le 05/11/2010

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2010

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur Mirassou, si je peux partager en partie votre indignation face à l'injustice dont sont victimes 19 salariés de Molex, je ne puis accepter les accusations que vous avez formulées, notamment en ce qui concerne la décision d'autoriser leur licenciement économique. Celle-ci, je vous le rappelle, a été prise par la Direction générale du travail qui, dans ce type d'affaires, se prononce ainsi dans 70 % des cas.

Pour le reste, comme vous le savez puisque je vous invite, depuis près d'un an, à participer à chacun des comités de pilotage que j'organise au sujet de l'avenir de Molex, je m'oppose, d'une part, à ce qu'un seul salarié soit laissé sur le bord du chemin et, d'autre part, à ce qu'on mette un terme à l'activité industrielle à Villemur-sur-Tarn, dans la région Midi-Pyrénées.

J'ai mené le combat au moment où l'on considérait qu'il n'y avait plus rien à faire. Nous avons obtenu que Molex France maintienne une petite partie de ses activités, à travers une société qui s'appelle Villemur-Industrie : le site, qui n'accueillait plus que 15 salariés, en emploie désormais près de 50. Ceux-ci sont soutenus par le Gouvernement, qui a aidé à la signature de nouveaux contrats pour l'entreprise.

Ensuite, un nouvel événement s'est produit : après que des salariés eurent déposé un recours devant les prud'hommes, ce qui était parfaitement leur droit, Molex États-Unis – et ce comportement est inacceptable – a mis sa filiale française en situation de cessation de paiement, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, pour qu'elle ne puisse faire face à ses obligations à l'égard des 19 salariés protégés.

Si 264 salariés sur 283 ont d'ores et déjà touché la totalité de leurs indemnités, nous serons attentifs à ce que ces 19 représentants du personnel perçoivent également les leurs.

C'est la raison pour laquelle je me suis rendu à Toulouse il y a dix jours, pour prendre, au nom du Gouvernement, un double engagement : d'une part, l'AGS, l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, prendra en charge les congés de reclassement pour ces 19 salariés ; d'autre part, l'État lui-même financera la totalité de la cellule de reclassement. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

J'ai demandé également à PSA et à Renault d'indiquer très clairement à Molex États-Unis qu'ils n'adresseraient plus de commandes à ce groupe, que ce soit directement ou par l'intermédiaire de leurs équipementiers, s'il ne respectait pas le droit des salariés en France. Je les remercie d'avoir accédé à la demande du Gouvernement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Molex en tremble encore !

M. Christian Estrosi, ministre. Enfin, un liquidateur a été nommé ce matin par le tribunal de commerce. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Le Gouvernement accompagnera sa démarche en justice dans le cadre d'un recours en responsabilité pour insuffisance d'actifs.

Oui, monsieur le sénateur, lorsqu'on ne respecte pas le droit des salariés dans notre pays le Gouvernement est fondé à mettre en œuvre, avec toute l'énergie nécessaire, les moyens adéquats pour les défendre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le passé, on a souvent vu l'État baisser les droits,… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Joli lapsus !

M. Didier Boulaud. Oui, vous baissez les droits.

M. Christian Estrosi, ministre. … baisser les bras, veux-je dire. Vous le voyez, aujourd'hui, nous faisons preuve de volontarisme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

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