Question de Mme TASCA Catherine (Yvelines - SOC) publiée le 17/12/2010

Question posée en séance publique le 16/12/2010

Mme Catherine Tasca. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Dans quelle République vivons-nous ?

Comme à son habitude, le ministre de l'intérieur a commenté, pour la contester, une décision de justice. Ses propos, destinés à jeter le discrédit sur le jugement du tribunal de Bobigny, qui a condamné en premier ressort sept policiers, ont rallumé la guerre récurrente entre police et justice.

Le préfet de la République, quant à lui, a cru bon d'apporter séance tenante son soutien aux policiers condamnés.

Le garde des sceaux a finalement rappelé l'indépendance de la justice, mais on peut s'interroger sur cette version nouvelle de la solidarité gouvernementale.

Ce tumulte, sur fond de manifestations policières contestant une décision de justice, ne doit pas occulter le vrai problème : des policiers ont, de façon concertée et préméditée, monté un dossier contre un citoyen, l'accusant d'une agression à l'égard des forces de l'ordre, alors qu'ils étaient eux-mêmes auteurs des faits. Ce faisant, ils savaient qu'ils pouvaient faire lourdement condamner cet homme.

Tous les élus connaissent les difficultés des métiers de policier et de magistrat. Leurs missions sont rendues encore plus difficiles par la réduction des moyens et des effectifs que vous leur imposez. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. Roland Courteau. C'est vrai !

Mme Catherine Tasca. Mais les contraintes du maintien de l'ordre dans certains quartiers ne sauraient justifier de tels comportements.

Le soutien du ministre de l'intérieur à ces policiers condamnés est incompréhensible pour la grande majorité de leurs collègues qui remplissent leur tâche avec rigueur. Il vous revient de donner fermement un coup d'arrêt à des actes qui, ici ou là, déshonorent la police et qui ne doivent pas la gangrener.

Une police républicaine, armée d'une vraie déontologie, est un pilier fondamental de notre démocratie.

En laissant prospérer la loi du silence – dont une jeune policière, Sihem Souid, semble aujourd'hui faire les frais –, en défendant la culture de l'excuse pour ceux qui piétinent les lois en escomptant l'indulgence de leur hiérarchie et l'impunité, alors qu'ils ont pour mission de les faire appliquer, vous contribuez à dégrader la confiance des citoyens dans nos forces de l'ordre.

M. Jean-Claude Frécon. Très bien !

Mme Catherine Tasca. Ainsi, vous affaiblissez l'État de droit et la République.

Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour que ces agissements d'une gravité exceptionnelle, mais qui restent, heureusement, minoritaires, ne puissent se reproduire ni être couverts ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère du budget, des comptes publics , de la fonction publique et de la réforme de l'État publiée le 17/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2010

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Sueur. Le ministre de l'intérieur s'est défilé ! Où est-il ?

M. Guy Fischer. C'est se moquer de nous !

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Madame le sénateur, sur cette affaire, le Premier ministre, le ministre de l'intérieur et le garde des sceaux se sont déjà exprimés.

Je me permettrai simplement de vous rappeler que c'est l'autorité policière elle-même qui a signalé ces actes que la justice a condamnés.

Je vous rappellerai également que c'est le ministre de l'intérieur lui-même, Brice Hortefeux, qui a saisi l'inspection générale des services, ce qui a permis, d'une part, que la vérité se manifeste,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. C'est la moindre des choses !

M. David Assouline. Faut-il dire merci ?

M. François Baroin, ministre. … d'autre part, que le tribunal puisse prononcer un jugement.

Dans quelle République vivons-nous, demandez-vous ? Alors, je vous invite à revenir quelques années en arrière. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. Vous allez finir par percuter le mur à toujours regarder dans le rétroviseur !

M. François Baroin, ministre. Nous sommes en janvier 1999. Je ne me souviens plus si vous étiez alors membre du Gouvernement, madame Tasca. En revanche, je me souviens que le ministre de l'intérieur s'appelait Jean-Pierre Chevènement. Celui-ci souhaitait remettre en cause l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante : tollé général du côté de la justice, encouragé et accompagné par sa collègue garde des sceaux, qui n'en a pas moins cru bon, de manière très audacieuse, d'interroger le Gouvernement, mardi dernier, à l'Assemblée nationale.

Dans quelle République vivions-nous donc en 1999 ?

Mme Raymonde Le Texier. Et si vous répondiez à la question !

M. François Baroin, ministre. Pendant un mois, un débat ubuesque a opposé le ministre de l'intérieur, M. Chevènement, et la garde des sceaux, Mme Guigou, sans que jamais le Premier ministre, M. Jospin, n'exprime la position officielle du Gouvernement. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Dans quelle République vivions-nous ? (Mêmes mouvements sur les travées de l'UMP. – Les protestations s'amplifient sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Zéro !

M. Didier Boulaud. C'est lamentable !

M. Yannick Bodin. Réponse nulle, monsieur Baroin !

M. Roland Courteau. Il était à bout d'arguments !

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, défendez le Sénat !

M. Jacques Mahéas. Ils ont tout raté !

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