Question de M. HUE Robert (Val-d'Oise - CRC-SPG) publiée le 23/12/2010

M. Robert Hue rappelle à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative qu'en 2008, Monsieur Xavier Darcos annonçait la suppression de 3 000 postes de réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) et programmait la suppression totale de ce dispositif pour la rentrée scolaire 2011. Depuis cette annonce, et devant l'incompréhension d'une telle décision, le Gouvernement a été amené à reconnaître le rôle des RASED dans la lutte contre l'échec scolaire et est revenu partiellement sur cette décision en dissimulant la non suppression de postes en budgétant 1 500 postes classés en surnombre.

Ainsi sur le département du Val-d'Oise, 86 postes sur 293 devaient être supprimés mais devant l'émoi de la communauté scolaire ne comprenant pas que l'on puisse s'en prendre à un dispositif reconnu et travaillant efficacement contre l'échec scolaire, il a été décidé de réaffecter la moitié de ces postes. Or aujourd'hui et alors que ce département connait à nouveau une augmentation importante de ses effectifs dans le 1er degré ayant déjà entériné une hausse importante de la moyenne d'élèves par classe et le non remplacement systématique des enseignants absents, l'on constate dans les perspectives budgétaires préparant la rentrée 2011 que 43 postes RASED ne sont pas budgétés. De fait, cette décision si elle était confirmée entérinerait la fin d'un dispositif efficace d'aide aux enfants en difficulté. Au moment où l'année en cours a vu sur ce département l'accueil de 1 867 enfants scolarisés et seulement sept créations de postes, a vu des crédits pédagogiques et de fonctionnement fortement réduits, il est essentiel que l'éducation nationale réaffirme sa volonté de donner les moyens humains nécessaires au fonctionnement et au développement des réseaux d'aides aux élèves en difficulté.

C'est pourquoi, il lui demande de rouvrir d'urgence les discussions avec l'ensemble des partenaires concernés sur l'avenir des réseaux d'aides et, dès maintenant, de réaffecter budgétairement les postes dédiés à cette mission essentielle dans le département du Val-d'Oise.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative publiée le 12/01/2011

Réponse apportée en séance publique le 11/01/2011

M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous me permettrez d'évoquer la situation et l'avenir des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, à partir de la réalité de mon département, sachant que la situation du Val-d'Oise est, à bien des égards, représentative de la réalité nationale.

Cette situation renforce, s'il en était besoin, l'extrême inquiétude qui traverse aujourd'hui les communautés scolaires face au désengagement de l'État dans leur domaine. Toutefois, le fait de s'en prendre aux RASED, dispositif performant, est pour moi révélateur de la volonté régressive des initiateurs de cette démarche.

Le fait d'avoir supprimé depuis trois ans des dizaines de milliers d'emplois d'enseignement et d'accueil n'est pas sans conséquences sur la qualité de notre service public de l'éducation nationale. De surcroît, ces réductions massives de capacités humaines sont décidées au moment où les effectifs scolaires sont, quant à eux, en hausse, notamment dans le premier degré.

Les chiffres sont là. Ils sont divulgués de la manière la plus officielle qui soit par le préfet présidant le conseil départemental de l'éducation nationale. Le Val-d'Oise comptera, en 2011, 1 408 élèves supplémentaires, évolution renforçant la tendance des précédentes années. Or ce chiffre se heurte à une baisse du nombre d'emplois, qui passe de 7 113 emplois en 2008 à 7 000 emplois aujourd'hui, du fait notamment de la non-affectation, l'an prochain, de 78 nouveaux postes.

De fait, nous ne sommes pas confrontés à une volonté de faire des économies, mais nous subissons le « dogme » de la suppression d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cette politique a des conséquences directes sur les dispositifs de lutte contre l'échec scolaire, aujourd'hui sacrifiés.

La « preuve par le Val-d'Oise » est criante. En effet, le rectorat confirme non seulement la suppression budgétaire des 43 postes dédiés au dispositif RASED, mais prévoit également, au travers de nouveaux glissements d'emplois, la suppression supplémentaire de 11 postes affectés au dispositif RASED.

Par conséquent, l'annonce de la non-budgétisation de 54 postes affectés au dispositif RASED, sur les 78 postes non-affectés que j'ai évoqués, démontre que sont principalement visés les postes d'enseignant dédiés au travail spécifique en direction des élèves les plus en difficulté.

Du fait de l'action du Gouvernement, madame la secrétaire d'État, nous passons de la discrimination positive au nivellement par le bas.

Au moment où l'on prétend faire de l'illettrisme une cause nationale, ces décisions, si elles étaient confirmées – j'attends votre réponse à cet égard –, seraient intolérables. Elles annonceraient en effet la mise à mort d'un dispositif vanté par l'ensemble de la communauté scolaire. Nous ne pouvons oublier que ces choix auront des conséquences particulièrement douloureuses pour les familles et les élèves ayant le plus besoin d'une école susceptible de répondre aux inégalités sociales et scolaires.

Je souhaite donc une réponse précise de votre part, madame la secrétaire d'État, quant à l'annonce de ces 54 suppressions de postes dédiés au dispositif RASED.

En apportant votre réponse, vous ne pourrez oublier que cette question précise sur l'avenir des RASED est posée alors qu'un sentiment de colère et d'incompréhension émerge face aux dysfonctionnements récurrents émaillant la vie quotidienne des groupes scolaires.

Il ne peut en être autrement quand, dans un département comme le mien, 150 classes sont quotidiennement privées d'enseignant.

M. Daniel Reiner. On trouve les mêmes problèmes dans d'autres départements !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Luc Chatel.

Monsieur le sénateur, la réforme de l'enseignement primaire a permis de recentrer les actions de l'école sur les apprentissages fondamentaux.

Chaque élève en difficulté – c'est l'ambition qui est au cœur de cette réforme – doit recevoir une réponse adaptée à sa situation, grâce d'une part à l'institution d'une aide personnalisée de deux heures hebdomadaires en petit groupe, assurée par les enseignants et, d'une part, à des stages de remise à niveau gratuits proposés aux élèves de CM1 et de CM2, pendant les vacances scolaires, à raison de trois heures par jour pendant une semaine.

M. Daniel Reiner. Gadget !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Désormais, les enseignants ont la possibilité, en prolongement de la classe, de traiter eux-mêmes les difficultés d'apprentissage de leurs élèves. Il ne s'agit pas d'une régression (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), bien au contraire !

Ces deux heures d'aide personnalisée représentent au total soixante heures annuelles consacrées par chaque maître à des actions directes auprès des élèves en difficulté. Cet effort représente l'équivalent de 16 000 postes d'enseignants.

Avec cette évolution, nous avons fait le choix de réinvestir l'action des maîtres spécialisés du RASED sur les plus graves difficultés d'apprentissage des élèves. C'est là que la compétence spécialisée de ces maîtres trouve réellement à s'employer avec efficience.

Le ministère de l'éducation nationale vise donc non pas la disparition du dispositif RASED, mais sa mise en cohérence avec la réforme de l'école primaire et avec les moyens nouveaux dont elle dispose pour lutter contre l'échec scolaire.

M. Daniel Reiner. Des mots !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j'en viens à la situation particulière que connaît votre département, le Val-d'Oise.

Dans ce département, au cours de l'année scolaire 2009-2010, pas moins de 33 000 élèves ont bénéficié du dispositif d'aide personnalisée de deux heures hebdomadaires, soit 25,5 % des effectifs. Peut-on dès lors parler d'une régression ?

Pour cette année scolaire, votre département a obtenu une dotation supplémentaire de 52 équivalents temps plein, ou ETP.

En ce qui concerne les RASED, il est vrai que les inspecteurs d'académie ont été invités, dans le cadre de la préparation de la rentrée de 2011, à dresser un état précis des besoins et à en tirer les conséquences en termes d'organisation.

Dans le Val-d'Oise, cette analyse a amené à réduire le nombre de postes de RASED pour le fixer à 207 ETP. La diminution de 43 ETP que vous évoquez correspond à une situation antérieure de « surnuméraires ». Elle n'aura donc absolument aucune incidence sur les personnels titulaires, d'autant que le Val-d'Oise compte aujourd'hui 52 postes de RASED vacants.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, nous n'abandonnons pas les élèves en situation de difficulté scolaire, loin s'en faut. Nous leur apportons une réponse précise, de proximité, assurée par les enseignants, c'est-à-dire par ceux qui connaissent le mieux les élèves. Nous n'abandonnons pas non plus les RASED : nous leur donnons une fonction précise en adéquation complète avec leur mission.

Notre ambition pour l'école est d'aider chaque élève selon ses besoins, afin de lui permettre de construire sa réussite.

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Madame la secrétaire d'État, malheureusement, votre réponse va terriblement accroître la colère et l'incompréhension de la communauté scolaire éducative et des parents d'élèves de mon département.

M. Daniel Reiner. C'est vrai !

M. Robert Hue. Avec le respect que je vous porte, madame la secrétaire d'État, pardonnez-moi de vous dire que vous êtes à mille lieues de la réalité ! Vous voulez enfermer les inspecteurs d'académie dans votre dogme, les contraindre à des choix qui ne fonctionnent pas.

M. Daniel Reiner. Bien sûr !

M. Robert Hue. En réalité, de par votre politique, des enfants en grande difficulté, en situation d'inégalité sociale majeure, ne bénéficieront plus de l'aide qui leur était accordée jusqu'à présent. C'est extrêmement grave ! C'est ainsi que l'on tue un système, et vous êtes bien en train de tuer celui-ci !

En effet, nous passons d'une discrimination positive, que permettaient les RASED, à un total nivellement par le bas. Que vous le vouliez ou non, et je suis très respectueux de votre réponse, ce processus annonce la disparition à terme de ce dispositif, qu'au demeurant nombre de nos voisins européens nous envient au point de rechercher les moyens d'instituer un système similaire.

Le dogme aveugle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a des conséquences gravissimes dans l'éducation nationale, comme dans le reste de la fonction publique. Cette démarche provoquera inévitablement de graves mouvements, car elle est inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

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