Question de M. LARCHER Serge (Martinique - SOC-A) publiée le 19/01/2011

Question posée en séance publique le 18/01/2011

Concerne le thème : Outre-mer et Europe

M. Serge Larcher. Madame la ministre, je souhaite revenir sur les accords de libre-échange conclus par l'Union européenne, au printemps 2010, avec certains pays d'Amérique du Sud, et vous interroger sur les mesures de sauvegarde dont la responsabilité incombe au gouvernement français.

En mai dernier, à l'occasion des questions d'actualité, je vous avais alertée sur l'impact potentiellement dévastateur, pour les économies des départements d'outre-mer, de l'accord signé en mars 2010 entre l'Union européenne, la Colombie et le Pérou.

Cet accord lève en effet les barrières douanières en matière de produits industriels et agricoles. Il permet notamment l'entrée dans l'Union européenne, et donc dans les départements d'outre-mer, de certains produits issus des pays aux coûts de production largement inférieurs. Or certains de ces produits, tels que la banane, le sucre, le rhum et l'igname, structurent l'agriculture de ces départements.

Cet accord fragilise donc le secteur agricole, secteur pivot des économies domiennes, et d'ailleurs consacré comme l'un des secteurs clés du développement endogène des départements d'outre-mer par la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM.

Je souhaite vous poser deux questions à ce propos.

D'une part, quelles initiatives avez-vous prises ou comptez-vous prendre, madame la ministre, afin que le préjudice causé aux départements d'outre-mer soit pris en compte au niveau européen et fasse l'objet des compensations nécessaires ? À ce titre, pouvons-nous espérer que la proposition de règlement dite POSEI, que la Commission a soumise au Conseil, soit complétée par des dispositions concrétisant cette compensation ?

D'autre part, de tels accords pourraient, à terme, être étendus à l'ensemble des pays de l'Amérique latine. Parallèlement, les négociations avec le MERCOSUR ont été relancées par la Commission européenne, qui affiche l'ambition de les conclure d'ici à quelques mois.

Quelles initiatives comptez-vous prendre, madame la ministre, afin que le devenir des départements d'outre-mer ne soit pas, une fois encore, sacrifié sur l'autel des intérêts de l'industrie européenne ?


Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 19/01/2011

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2011

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement prend de nombreuses initiatives pour défendre les intérêts des régions ultrapériphériques dans la période qui s'ouvre.

Je tiens à vous dire, en préambule, qu'il est beaucoup plus difficile de négocier depuis que l'Union européenne compte vingt-sept États, et non plus quinze. Six États membres comprennent désormais des régions ultrapériphériques ou des territoires d'outre-mer. Cette donnée, il nous faut l'intégrer !

Par ailleurs, comme je le disais à Mme Gélita Hoarau, nous sommes actuellement dans une période charnière, dans la mesure où nous devons renégocier toutes les politiques de l'Union européenne, ce qui nous oblige à être particulièrement vigilants.

Quoi qu'il en soit, je ne ménage pas mes efforts. J'ai ainsi fait en sorte que le Gouvernement bénéficie d'une très grande visibilité sur l'action qu'il entend mener pour défendre les régions ultrapériphériques. Je suis donc intervenue afin que soit inscrit dès à présent dans la stratégie que nous nous apprêtons à définir, et qui est basée sur les conclusions du mémorandum, le principe des études d'impact systématiques.

J'ai également fait en sorte que les clauses de sauvegarde, qui existent bien puisque le principe en a été posé dans le cadre des APE, puissent fonctionner. En effet, nous ne savons pas, aujourd'hui, déclencher ce mécanisme. Nous devons donc définir les critères qui nous permettront, à un moment donné, de prévenir la Commission que notre production est en danger. Tel est l'objet de l'expérimentation actuellement en cours à la Réunion sur un certain nombre de produits agricoles. Dès lors que nous pourrons faire valoir les résultats obtenus devant la Commission, je proposerai que cette expérimentation soit étendue à l'ensemble de nos départements et régions d'outre-mer.

Le Gouvernement agit donc pour améliorer la situation de ses régions ultrapériphériques, en coordination avec les autres États membres concernés.

La France est également présente sur d'autres fronts, et le sera durant toute la phase de négociation. La période charnière se situera précisément entre les mois de juin et de juillet, lorsque nous aurons connaissance des grandes orientations de la politique de cohésion territoriale, ainsi que des perspectives budgétaires et financières de l'Union européenne pour la prochaine mandature.

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour la réplique.

M. Serge Larcher. Madame la ministre, soyez assurée que vous nous trouverez à vos côtés, sur le pont, pour défendre les intérêts des départements d'outre-mer.

Toutefois, comme disait le sage, il vaut mieux prévenir que guérir. Il aurait donc mieux valu d'emblée exclure les marchés locaux des départements d'outre-mer de l'ensemble des accords de libre-échange.

Par ailleurs, il faut savoir que l'igname et, plus généralement, les productions vivrières et maraîchères sont déjà menacées par celles qui proviennent du Costa Rica et du Brésil aujourd'hui. Les Antilles se situant sur la route qui relie l'Europe à ces grands ensembles, elles vont être inondées par les productions de ces pays, qui vont mettre à mal notre filière agricole et, ce faisant, la détruire et mettre au chômage un certain nombre d'agriculteurs.

Des compensations sont bien sûr nécessaires, et c'est le moins que l'on puisse espérer, mais elles constituent des solutions financières dont, par malheur, le besoin perdure et qui risquent de disparaître. Elles sont comme un pansement appliqué sur un mal qui risque d'être durable.

C'est la raison pour laquelle je vous affirme que l'ensemble des élus de l'outre-mer se tiendront à vos côtés pour défendre l'intérêt fondamental d'une production essentielle pour le développement endogène de nos territoires.

- page 181

Page mise à jour le