Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 21/01/2011

Question posée en séance publique le 20/01/2011

Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé et concerne également la nécessaire remise à plat de notre système de sécurité sanitaire, après les multiples défaillances révélées par le scandale du Mediator.

Monsieur le ministre, le rapport qui vous a été remis par l'inspection générale des affaires sociales a le mérite de la clarté. Tout au long de ses 300 pages, il met en lumière les raisons pour lesquelles le Mediator, commercialisé en France par les laboratoires Servier de 1976 à 2009, aurait dû être retiré du marché voilà déjà très longtemps.

À plusieurs reprises, des décisions de retrait auraient pu et dû s'imposer pour éviter ce scandale sanitaire, qui aura entraîné, selon les estimations, entre 500 et 2 000 morts.

Les inspecteurs de l'IGAS estiment que « la responsabilité première et directe » en revient au groupe Servier, à ses agissements et à ses méthodes, lesquels reposaient sur une double stratégie de camouflage et de lobbying. Ils écrivent que le laboratoire Servier est « intervenu sans relâche, pendant trente-cinq ans, auprès des acteurs de la chaîne du médicament pour pouvoir poursuivre la commercialisation du Mediator et pour en obtenir la reconnaissance en qualité de médicament antidiabétique ».

Comment, monsieur le ministre, notre système de sécurité sanitaire a-t-il pu dysfonctionner à ce point ? Tout indique aujourd'hui – cela concerne non pas uniquement le Mediator, mais bien d'autres médicaments – que le véritable scandale réside dans le mélange des genres et les multiples conflits d'intérêts.

M. Guy Fischer. François Autain l'a dit !

Mme Françoise Laborde. Ne pensez-vous pas qu'il est grand temps de parvenir à une séparation étanche entre, d'un côté, les autorités chargées de la sécurité des médicaments et de la santé des Français et, de l'autre, les laboratoires qui produisent ces mêmes médicaments à des fins mercantiles ?

Comment admettre que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, établissement public qui dispose du pouvoir de police sanitaire, soit financée à 80 % par les laboratoires pharmaceutiques ?

M. Guy Fischer. À 100 % !

Mme Françoise Laborde. Comment tolérer que les experts de l'AFSSAPS chargés de rendre des avis puissent bénéficier pour leurs travaux de financements issus des laboratoires ? Sans parler des cas où ces mêmes experts sont également membres de cabinets ministériels !

Mme Catherine Tasca. En plus !

Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, sans même attendre les conclusions des missions d'information de l'Assemblée nationale et du Sénat, et au-delà des grandes déclarations en faveur d'une plus grande clarté et d'une transparence accrue, quelles pistes concrètes, outre le formulaire déjà annoncé, le Gouvernement envisage-t-il de suivre pour mettre un terme à la porosité observée entre laboratoires et autorités de sécurité sanitaire et, plus généralement, pour en finir avec ce mal français du conflit d'intérêts ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé publiée le 21/01/2011

Réponse apportée en séance publique le 20/01/2011

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Madame le sénateur, je m'attacherai, si vous le voulez bien, à vous répondre sur la question des conflits d'intérêt, sans oublier cependant ce que vous venez de dire à l'instant.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore la vertu !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est vrai que ce médicament, ainsi que le rapport de l'IGAS le souligne, aurait dû être retiré depuis bien longtemps. La date de 1999 a été évoquée. Après trente-trois ans d'existence du Mediator, certains s'interrogent même sur le bien-fondé de sa première mise sur le marché. Nous déplorons, je le répète, des dysfonctionnements sans pareil en matière de sécurité sanitaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui avez organisé tout cela !

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour que des questions telles que la vôtre, madame le sénateur, n'aient plus lieu d'être, pour obtenir une étanchéité complète entre, d'une part, les laboratoires et, d'autre part, les autorités sanitaires, le budget de l'État devra, à l'avenir, prendre intégralement en charge le financement de l'AFSSAPS : c'est ce que j'ai proposé et nous mettrons cela en œuvre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'État s'est désengagé quand la droite était au pouvoir !

M. Xavier Bertrand, ministre. Car ce n'est pas la même chose si c'est le budget de l'État – étant entendu qu'il est aussi alimenté par des taxes acquittées par l'industrie pharmaceutique – qui finance l'AFSSAPS ou si celle-ci tire directement l'essentiel de son budget de contributions ou redevances versées par cette même industrie pharmaceutique.

Par ailleurs, toujours en vue de régler la question des conflits d'intérêt, dès samedi dernier, Nora Berra et moi-même avons proposé que toutes les conventions, sans exception, passées par l'industrie pharmaceutique avec les médecins, les experts ou les sociétés savantes soient désormais rendues publiques au premier euro engagé, sur le modèle de ce qui se fait aux États-Unis en application du fameux Sunshine Act. Nous devons, de la même façon, demander à tous ceux qui sont susceptibles d'être liés à l'industrie pharmaceutique de le déclarer, et l'ensemble de ces données devra figurer sur un seul document, facilement consultable.

Je souhaite aller encore plus loin, afin d'éradiquer toute ambiguïté en la matière.

Voilà dix jours, un hebdomadaire révélait que, de 2005 à 2007, certains collaborateurs de mon cabinet ministériel, qui n'étaient pas chargés de la politique du médicament, avaient été liés à des laboratoires. Il s'agissait de professeurs des universités-praticiens hospitaliers, des PUPH, qui conservent leurs activités de recherche. Or celles-ci sont financées par des laboratoires. N'étant pas salariés de ces entreprises, ils ne reçoivent toutefois aucune rémunération de leur part.

Parce que mon cabinet ministériel est en première ligne pour porter cette réforme, j'ai demandé à l'ensemble des membres de mon cabinet de remplir des déclarations d'intérêts. Je rendrai publiques, dans les jours qui viennent, les décisions que je serai amené à prendre. Certains, en effet, devront choisir, parce que je ne veux pas que l'action de l'État puisse susciter des interrogations ; c'est une condition de la mise en œuvre de cette réforme.

Pour régler la question des conflits d'intérêt et pour rétablir la confiance, nous avons besoin de transparence. Nous nous engageons à agir en ce sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)

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