Question de Mme BLANDIN Marie-Christine (Nord - SOC-R) publiée le 21/01/2011

Question posée en séance publique le 20/01/2011

Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Elle concerne la qualité de l'expertise en santé.

À la suite du vote d'un amendement Vert, soutenu par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, une disposition a été introduite dans la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite Grenelle 1. Elle validait le principe de la mise en place d'une instance spécifique de garantie de l'indépendance de l'expertise.

Cette structure aurait pour missions : la garantie de l'indépendance au travers de la vérification des déclarations d'intérêts et des protocoles de recherche ; l'écoute et la protection des lanceurs d'alerte ; ainsi qu'une suite donnée à leurs alarmes ; la médiation en cas d'expertises contradictoires, y compris internationales, voire la commande de compléments de recherche.

Alors que l'Assemblée nationale avait précisé qu'un rapport de préfiguration devrait être remis dans un délai d'un an après la promulgation de la loi, dix-huit mois ont été perdus.

Je n'ai reçu aucune réponse à ma question écrite du 28 janvier 2010 adressée au ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

En mars 2010, lors d'une audition de la commission d'enquête sénatoriale sur la grippe A, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a fait une réponse en forme de plaisanterie : « On ne va pas expertiser les experts ! » (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.), apportant ainsi la preuve que son cabinet ne l'avait pas informée de ce volet du Grenelle 1 concernant la gouvernance en matière de santé.

Enfin, M. Jean Marimbert, membre de l'AFSSAPS, que j'auditionnais en mars 2010 sur le sujet, a fait preuve d'une certaine forme de résistance. Il nous a en effet expliqué que notre instance était inutile et que les agences étaient les mieux placées pour veiller elles-mêmes sur l'indépendance de leurs collaborateurs…

Il faut en finir avec cet enchaînement : infiltration des lobbies ; alertes qu'on a tout fait pour décourager, comme ce fut le cas pour celle d'Irène Frachon, heureusement opiniâtre ; scandale sanitaire ; victimes ; inspections ; commissions parlementaires ; conclusions accablantes. C'est en amont que les citoyens doivent être protégés, avant que leur « capital santé » soit entamé !

Quand, monsieur le ministre, le Gouvernement va-t-il respecter le vote du Parlement et installer une haute autorité, sachant d'ores et déjà que, au-delà du Mediator et des médicaments suspects, le bisphénol A, l'aspartame et les fibres céramiques réfractaires sont sur la sellette ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé publiée le 21/01/2011

Réponse apportée en séance publique le 20/01/2011

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Quand, madame le sénateur ? Dès cette année !

Comme le Président de la République l'a rappelé tout à l'heure, à l'occasion de la présentation de ses vœux aux professionnels de la santé, il a souhaité, à l'instar du Premier ministre, une totale transparence sur le dossier et l'application de mesures dès cette année.

Si je ne suis pas plus précis aujourd'hui, c'est parce que j'attends aussi de savoir quel sera le calendrier des parlementaires, en particulier celui des missions parlementaires, afin que nous puissions nous accorder sur les mesures à prendre.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous avons déjà voté !

M. Xavier Bertrand, ministre. Faut-il créer une haute autorité ou un conseil supplémentaire ? Faut-il d'ores et déjà – je pense que c'est une priorité – renforcer l'expertise indépendante, en y consacrant les moyens nécessaires, notamment au cœur de l'AFSSAPS, et bien préciser le degré de transparence indispensable s'agissant des experts ?

Plusieurs sénateurs des groupes socialiste et CRC-SPG. Nous avons déjà voté !

M. Xavier Bertrand, ministre. Le problème n'est pas seulement de savoir si des mesures ont déjà été votées. Je le dis franchement, il faut aller plus loin !

Face à un drame comme celui que nous connaissons, quand nous arrivons à un constat aussi terrible – dans le cadre du système actuel, le doute, le principe de précaution ont profité aux laboratoires, et non aux patients –, c'est le résultat inverse qu'il faut rechercher.

Je le répète, j'ai lu les rapports qui ont été établis par les uns et les autres. Je pense que non seulement il faut en tirer les éléments les plus radicaux, mais il faut aller plus loin, comme je le propose, sur les déclarations d'intérêts.

M. Guy Fischer. Plus loin, plus haut, plus fort !

M. Xavier Bertrand, ministre. Compte tenu de ce que nous avons connu et de ce que toutes les victimes du Mediator ont connu, il nous faut prendre les mesures les plus drastiques !

J'ai en mémoire la réponse qu'un des acteurs du système – un acteur au point de vue très tranché – m'avait donnée alors que je l'interrogeais sur le pays idéal en matière de police du médicament : pour lui, c'était la France, mais à condition que nous menions toutes les réformes qui s'imposaient.

Nous avons fait des progrès depuis quelques années, il faut tout de même le reconnaître, mais ces progrès sont insuffisants. Au vu de ce qui s'est passé, la responsabilité de chacun, ici, est d'éviter l'apparition d'un nouveau Mediator.

Comme vous l'avez relevé, madame Blandin, ce que je dis concernant l'indépendance des experts et les déclarations d'intérêts ne valent effectivement pas pour les seuls médicaments. Je viens ainsi, pour mettre un terme aux interrogations que suscite le bisphénol A, de relancer les services chargés d'établir un rapport sur le sujet. Une date de remise au 1er janvier 2011 nous avait été annoncée ; nous sommes déjà le 20 janvier. J'ai donc appelé ces services à nous apporter très vite des réponses.

Nous devons aussi avoir un regard transparent sur le dossier de l'aspartame, comme sur d'autres questions de même nature. Deux études étrangères ont été publiées et nous avons demandé à l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – l'ANSES – de se saisir également du dossier.

Lancer une étude, c'est bien. Mais, si les délais ne sont pas respectés par le fabricant, il ne faudra pas hésiter à suspendre l'autorisation de mise sur le marché, comme je l'ai proposé pour le circuit du médicament. En effet, l'exigence de transparence implique aussi que les délais ne s'éternisent pas et que le principe de précaution soit bien appliqué au bénéfice du patient, de l'usager. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

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