Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC) publiée le 10/03/2011

Mme Anne-Marie Payet appelle l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la nécessité de réformer l'article 2 de la loi de finances pour 2010, n° 2009-1673 du 30 décembre 2009.

La réforme de la taxe professionnelle, en retenant la valeur ajoutée réintègre les salaires dans la base imposable. Cette réforme qui visait à alléger la charge des entreprises se traduit au contraire par un choc fiscal pour une large majorité de PME à forte intensité de main d'œuvre. Selon une étude réalisée auprès de 695 PME, sur la base des données transmises par la SOCAMETT, l'instauration de la cotisation économique territoriale se traduirait à terme par une hausse d'impôt pour 90 % de ces PME.

L'objectif de la réforme de la taxe professionnelle consiste à maintenir l'emploi industriel en France. Pourtant, pénaliser l'intérim revient au final à sanctionner les secteurs utilisateurs, dont l'industrie qui compte 200 000 intérimaires en équivalent temps plein.

Renchérir le coût de l'intérim reviendrait donc finalement à inciter les entreprises des secteurs utilisateurs, soit à délocaliser leur activité, soit dans le cadre européen de la liberté des prestations de service, à aller rechercher la flexibilité à l'extérieur, c'est-à-dire à accentuer leur recours à la sous-traitance internationale plutôt qu'à l'emploi en France.

C'est la raison pour laquelle toute initiative qui permettrait de limiter certains effets négatifs de la réforme de la taxe professionnelle sur l'emploi doit être soutenue. A cet égard, le mécanisme de lissage sur dix ans s'il ne modifie pas à terme l'impact pour les agences d'emploi, permet au moins de rallonger la période de transition. Les contributions fiscales des PME dont l'activité serait sauvegardée et les contributions sociales liées aux emplois maintenus ou créés localement feraient plus que compenser le coût de ce dispositif.

Elle demande au Gouvernement de bien vouloir lui faire savoir si des aménagements ne seraient pas envisageables.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation publiée le 27/04/2011

Réponse apportée en séance publique le 26/04/2011

Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le secrétaire d'État, Mme Payet ne pouvant être présente aujourd'hui, je vous adresserai la question en son nom.

Mme Payet souhaite en effet appeler l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la nécessité de réformer l'article 2 de la loi n° 2009–1673 de finances pour 2010. La reforme de la taxe professionnelle, en retenant la valeur ajoutée, réintègre les salaires dans la base imposable. Celle-ci, qui visait à alléger la charge des entreprises, se traduit au contraire par un choc fiscal pour une large majorité de PME à forte intensité de main-d'œuvre.

Selon une étude réalisée auprès de sept cents PME, sur la base des données transmises par la société de caution mutuelle des entreprises de travail temporaire, la SOCAMETT, l'instauration de la contribution économique territoriale, ou CTE, se traduirait à terme par une hausse d'impôt pour 90 % de ces PME.

La contribution économique territoriale, en réintégrant les salaires dans la base imposable, se traduirait par un surcoût annuel moyen de 17 000 euros pour les PME, soit une croissance moyenne de l'impôt de 582 %.

Le lissage de la hausse sur cinq ans, mis en place par la loi de finances pour 2010, apparaît insuffisant compte tenu de son impact sur les PME du travail temporaire. Certaines entreprises sont donc menacées par de graves difficultés.

L'objectif de la réforme de la taxe professionnelle consiste à maintenir l'emploi industriel en France. Pourtant, pénaliser l'intérim revient au final à sanctionner les secteurs utilisateurs, dont l'industrie, qui compte 200 000 intérimaires en équivalents temps plein. Renchérir le coût de l'intérim reviendrait donc finalement à inciter les entreprises des secteurs utilisateurs soit à délocaliser leur activité, soit à accentuer leur recours à la sous-traitance internationale plutôt qu'à l'emploi en France.

Si le lissage de l'augmentation de la contribution économique territoriale a permis en 2010 aux agences d'emploi de contenir la hausse du coût du travail, la montée en puissance de l'impôt en 2011 pourrait mettre en péril cette fragile reprise de l'emploi. La hausse du coût du travail intérimaire ou la fermeture d'agences non seulement se traduirait par des destructions d'emplois et par la disparition de contributions sociales et fiscales, mais limiterait aussi la capacité d'actions collectives en faveur de l'emploi.

C'est pourquoi toute initiative qui permettrait de limiter certains effets négatifs de la réforme de la taxe professionnelle sur l'emploi doit être soutenue. À cet égard, le mécanisme de lissage sur dix ans, s'il ne modifie pas à terme l'impact pour les agences d'emploi, permet au moins de rallonger la période de transition. Les contributions fiscales des PME dont l'activité serait sauvegardée et les contributions sociales liées aux emplois maintenus ou créés localement feraient plus que compenser le coût de ce dispositif.

Je vous demanderai donc, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir me faire savoir si des aménagements ne seraient pas envisageables.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d'abord d'excuser Christine Lagarde, qui n'a pu venir répondre elle-même aujourd'hui.

L'article 2 de la loi de finances pour 2010 a supprimé, à compter du 1er janvier 2010, la taxe professionnelle, et l'a remplacée par une contribution économique territoriale, composée de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, assise sur les bases foncières, et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, dont le taux est fixé au niveau national selon un barème progressif.

Considérée dans sa globalité, la réforme allège considérablement la charge fiscale des entreprises : la cotisation des 2,9 millions d'entreprises imposées à la taxe professionnelle est allégée de 4,7 milliards d'euros en régime de croisière, en tenant compte de l'effet sur l'impôt sur les sociétés. En 2010, année de mise en œuvre de la réforme, le gain pour les entreprises s'élève même à 7,7 milliards d'euros.

Je ne voudrais donc pas que s'installe l'idée que cette réforme n'aurait pas bénéficié aux entreprises. C'est tout le contraire.

J'ajoute que le Gouvernement s'est attaché à ce que les petites et moyennes entreprises, qui sont à l'origine de l'essentiel des créations d'emplois dans notre pays, soient les principales bénéficiaires de la réforme.

C'est pourquoi la CVAE a précisément été configurée pour protéger les petites entreprises d'une imposition trop forte. En effet, elle n'est pas due par les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 152 500 euros. Entre 152 500 et 500 000 euros de chiffre d'affaires, les entreprises bénéficieront d'un dégrèvement total automatique pris en charge par l'État. Au-delà de 500 000 euros de chiffre d'affaires et jusqu'à 50 millions d'euros, le dégrèvement est partiel. Seules les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros acquitteront une CVAE au taux de 1,5 %.

Les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros bénéficient dans tous les cas d'une réduction de CVAE de 1 000 euros.

Par ailleurs, la situation des entreprises à forte intensité de main-d'œuvre – c'est le cas du secteur de l'intérim, que vous avez évoqué, madame la sénatrice – fait l'objet d'une disposition particulière. Ainsi, pour la détermination de la CVAE, la valeur ajoutée est plafonnée à un pourcentage du chiffre d'affaires égal à 80 % pour les contribuables dont le chiffre d'affaires est inférieur ou égal à 7,6 millions d'euros, et à 85 % pour les contribuables dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7,6 millions d'euros.

De surcroît, et afin de garantir la baisse de la charge pesant sur les entreprises les plus imposées, la CET est plafonnée à 3 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise.

Toutes ces dispositions vont donc bien dans le sens de la protection de ces entreprises, dont celles du secteur de l'intérim.

Les entreprises qui, malgré ces mesures, subiraient un ressaut d'imposition supérieur à 10 % et à 500 euros peuvent obtenir un dégrèvement pris en charge par l'État. Les pertes supérieures à 10 % seront dégrevées en totalité au titre de 2010, à hauteur de 75 % au titre de 2011, de 50 % au titre de 2012 et de 25 % au titre de 2013.

Ce mécanisme de dégrèvement va concerner des entreprises qui, pour la plupart, étaient faiblement imposées à la taxe professionnelle.

Cette réforme, voulue par le Président de la République, va donc bénéficier à l'ensemble des entreprises de ce pays, tout en protégeant plus spécialement les plus petites d'entre elles, notamment celles à forte intensité de main-d'œuvre. Aussi, il me semble que la majorité a véritablement fait œuvre utile en la votant.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je vous remercie d'avoir apporté ces précisions, monsieur le secrétaire d'État, et je transmettrai l'ensemble de ces données à ma collègue Anne-Marie Payet.

Comme vous le savez, les sénateurs sont très attentifs à l'application de cette loi. Ils avaient d'ailleurs instauré une clause de revoyure à l'époque, et continueront dans les mois à venir à être particulièrement vigilants, notamment pour son application aux PME.

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