Question de M. CAMBON Christian (Val-de-Marne - UMP) publiée le 13/05/2011

Question posée en séance publique le 12/05/2011

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Dans le long et difficile mouvement qui agite actuellement le monde arabe, les événements récents en Libye et en Syrie nous montrent avec quelle force et au prix de quels sacrifices ces peuples veulent marcher vers la démocratie.

Pourtant, les pays de la vieille Europe semblent adopter une attitude très différente face à ces révolutions.

En Libye, les opérations aériennes, en application de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, neutralisent jour après jour les forces du colonel Kadhafi, qui tentent de réduire au silence l'opposition.

La France, qui a engagé des forces navales et aériennes importantes, apporte sa contribution à cette opération, dans le respect et la stricte exécution des directives de l'ONU, afin de hâter la recherche de solutions politiques, seule issue à cette situation.

Mais au même moment, en Syrie, pays si proche de notre cher Liban, les aspirations populaires s'expriment avec la même intensité qu'en Libye ainsi que la soif de démocratie. Or nous assistons là, impuissants, à une répression féroce et sanglante de la part du gouvernement syrien.

M. Didier Boulaud. C'est un copain !

M. Christian Cambon. Nous constatons, hélas ! que les membres de l'Union européenne peinent à trouver des réponses et à mettre en œuvre des sanctions susceptibles d'interrompre ces massacres.

La France, par votre voix, monsieur le ministre d'État, a regretté le manque de sévérité des sanctions récemment adoptées par nos partenaires européens.

Nous le savons, la Syrie joue un rôle particulier dans la stabilité et la paix au Proche-Orient,….

M. Didier Boulaud. Un rôle très particulier, en effet !

M. Christian Cambon. … notamment pour la résolution du conflit israélo-palestinien, dont elle est, évidemment, partie prenante. Mais jusqu'où pourra-t-on tolérer encore le massacre de ceux qui rêvent de démocratie, et comment expliquer aux opinions française et européenne cette différence de traitement entre les deux pays ?

Monsieur le ministre d'État, quelles initiatives la France peut-elle prendre, en relation avec ses voisins européens, pour faire cesser ces exactions et ouvrir la voie à une solution politique, seule à même de conduire cette région sur le chemin de la paix et de la démocratie ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Bariza Khiari et M. François Patriat applaudissent également.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Auriez-vous oublié certain 14 juillet ?

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Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 13/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 12/05/2011

M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Cambon, votre question me permet de réaffirmer solennellement que la France ne fait pas deux poids, deux mesures quand il s'agit de l'aspiration des peuples à la liberté, du respect des droits de l'homme et de la marche vers la démocratie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Malheureusement, ce n'est pas la réalité !

M. Alain Juppé, ministre d'État. C'est la raison pour laquelle nous avons affirmé très clairement que la répression en Syrie était intolérable et ne devait pas être tolérée.

Nous avons commencé par demander aux autorités syriennes de tenir compte de ces aspirations populaires et de s'engager dans un programme de réforme ambitieux.

M. Didier Boulaud. La réforme à coup de canon !

M. Alain Juppé, ministre d'État. Nos appels n'ont pas été entendus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous sommes contentés d'une mise en garde !

M. Alain Juppé, ministre d'État. Le gouvernement syrien a choisi, tout au contraire, une répression sauvage, et les morts se comptent aujourd'hui par centaines. Des tanks ont été utilisés contre des manifestations populaires. C'est inacceptable !

Nous ne nous sommes pas contentés de condamner ; nous avons aussi tout fait pour agir.

D'abord, au sein du Conseil de sécurité, l'instance suprême qui décide de la paix ou de la guerre au niveau mondial, nous avons préparé, avec nos amis britanniques, un projet de résolution condamnant la répression en Syrie. Malheureusement, à l'heure d'aujourd'hui, les conditions d'un vote de ce projet de résolution ne sont pas réunies, d'abord parce que deux membres permanents ont fait savoir qu'ils s'y opposeraient ; ensuite parce que les pays arabes ne se sont pas engagés en faveur de ce projet comme ils l'avaient fait pour le vote de la résolution 1973 concernant la Libye ; enfin parce que la majorité de neuf voix nécessaire au vote d'une résolution n'est pas aujourd'hui réunie.

Nous ne renonçons pas pour autant. Nous continuons à travailler au sein du Conseil de sécurité et j'ai, tout récemment encore, contacté mon collègue brésilien et ma collègue sud-africaine pour les convaincre de nous aider dans cette voie.

Nous avons ensuite agi au niveau du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Nous avons obtenu une condamnation de la Syrie ainsi que l'envoi d'une mission d'enquête, et nous avons également pris une initiative pour éviter que la Syrie ne soit élue au sein de ce conseil. Je me réjouis aujourd'hui que le Koweït ait présenté sa candidature et que la Syrie puisse ainsi être écartée.

Enfin, devant la difficulté à obtenir des résultats à New York, nous avons agi au niveau européen. Je ne peux pas laisser dire que l'Europe n'a rien fait. Des décisions ont été prises cette semaine : tout d'abord, un embargo sur les armes à destination de la Syrie a été décidé ; ensuite, notre politique de coopération avec la Syrie a été révisée, pour ne laisser subsister que les programmes pouvant bénéficier à la population ; enfin, une liste de treize personnalités syriennes, dont les déplacements seront interdits ou les avoirs financiers gelés, a été établie.

Nous aurions souhaité que le nom du président Bachar el-Assad figurât sur cette liste. Nos partenaires ont estimé qu'une telle inscription était prématurée et qu'il fallait prendre davantage de temps. Mais nous ne renonçons pas à parvenir à ce résultat.

Voilà ce que nous avons fait, monsieur Cambon, et nous continuons notre travail de conviction. Mais l'on ne peut pas dire que la diplomatie française, sous l'impulsion du Président de la République, n'ait pas été cohérente et volontaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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