Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 19/05/2011

M. René-Pierre Signé attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur la situation délicate des agriculteurs, en particulier des éleveurs de bovins.

Ces exploitants travaillent plus de 70 heures par semaine pour un rapport extrêmement mince puisqu'ils en arrivent à vendre leurs produits en dessous du coût de production. La cause en revient essentiellement aux circuits de distribution, aux mains des entreprises de transformation, des groupes corporatifs, des GMS (grandes et moyennes surfaces) qui exercent sur le marché un véritable contrôle et, en fait, fixent les prix en pratiquant des sur ou sous enchères très préjudiciables aux producteurs. Ils joignent ainsi au travail et à la peine le manque de revenus.

Pourquoi n'existe t-il pas, comme dans d'autres pays, en Irlande par exemple, des GIE export (groupements d'intérêt économique) qui centraliseraient et contrôleraient les opérations marchandes ? L'observatoire de la formation des prix et marges, créé par la loi de modernisation agricole, ne semble pas avoir rempli son office.

À l'organisation inégale et obscure de la commercialisation, s'ajoutent divers frais d'abattoir, de taxes d'équarrissage, plus élevés en France qu'en Allemagne, par exemple et des droits de douane excessifs pour les bovins vivants exportés dans les pays du Maghreb.

Il souligne que cette question n'est pas d'un alarmisme exagéré puisque la profession agricole compte hélas 400 suicides par an et que cette année, à ces difficultés structurelles vient se joindre une difficulté conjoncturelle, la sécheresse. Elle prend des proportions inquiétantes et occasionne la montée des coûts de l'alimentation du bétail.
Il lui demande si ces difficultés qui mettent en cause l'avenir de l'agriculture d'élevage, et en particulier l'agriculture de moyenne montagne notamment dans le Morvan, peuvent trouver réponse dans des mesures qu'il pourrait proposer.

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Réponse du Ministère des sports publiée le 22/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2011

M. René-Pierre Signé. Je souhaite attirer l'attention de M. Le Maire sur la situation délicate des agriculteurs, en particulier des éleveurs bovins, qui n'est pas seulement liée à la sécheresse.

Ces exploitants agricoles travaillent beaucoup pour un rapport extrêmement mince, puisqu'ils en arrivent à vendre leurs produits à un prix inférieur au coût de production. La cause de cette situation tient essentiellement au fait que les circuits de distribution sont aux mains des entreprises de transformation, des groupes corporatifs, des grandes et moyennes surfaces, qui exercent sur le marché un véritable contrôle et fixent en fait les prix en pratiquant des sur- ou des sous-enchères très préjudiciables aux producteurs. Au travail et à la peine de ces derniers se conjugue ainsi le manque de revenus.

Pourquoi n'existe-t-il pas en France, comme dans d'autres pays tels que l'Irlande, des groupements d'intérêt économique « export » qui centraliseraient et contrôleraient les opérations marchandes ? L'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires créé par la loi de modernisation agricole ne semble pas avoir rempli son office.

À l'organisation inégale et obscure de la commercialisation s'ajoutent divers frais d'abattoir, des taxes d'équarrissage plus élevées en France qu'en Allemagne, par exemple, ainsi que des droits de douane excessifs sur les bovins vivants exportés vers les pays du Maghreb.

Madame la ministre, cette question ne relève pas d'un alarmisme exagéré : la profession agricole déplore quelque 400 suicides par an et, cette année, une difficulté conjoncturelle, à savoir la sécheresse, vient s'ajouter aux problèmes structurels.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour répondre à ces difficultés qui mettent en cause l'avenir de l'élevage, en particulier en moyenne montagne, par exemple dans le Morvan, qui m'est cher ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Le Maire, retenu par la préparation de la réunion des ministres de l'agriculture du G20 qui se tiendra cette semaine à Paris.

M. Le Maire a fait du soutien aux filières d'élevage la priorité de son action en 2011. Quelle est la situation aujourd'hui ? Vous l'avez rappelée, monsieur le sénateur : des prix trop peu rémunérateurs, une volatilité insupportable du coût de l'alimentation animale, aujourd'hui aggravée par la sécheresse et par une concurrence européenne et mondiale de plus en plus féroce.

Dans ce contexte, il est plus que jamais indispensable d'accompagner ces filières dans leurs efforts de modernisation. Concernant l'élevage de bovins allaitants, M. Le Maire a élaboré, le 12 janvier dernier, une feuille de route avec l'ensemble des acteurs de la filière « bovin viande ». Celle-ci repose tout d'abord sur l'introduction d'une plus grande transparence : M. Le Maire a missionné à cette fin l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui doit lui remettre son rapport final dans les prochains jours. Dans cette optique, il a également souhaité qu'une réflexion soit menée sur la révision du système de cotations pour les gros bovins. Elle a débouché, dès le début du printemps, sur la mise en place d'un schéma rénové.

Cette stratégie repose en outre sur la mise en œuvre de nouveaux instruments destinés à lutter contre la volatilité du coût de l'alimentation animale : c'est là un sujet majeur, qui sera au cœur, cette semaine, des discussions des ministres de l'agriculture du G20.

Cela rend indispensable le développement de la contractualisation entre les filières végétale et animale, dont Bruno Le Maire a demandé la mise en œuvre dès le 1er juillet 2011.

Enfin, cette stratégie fonde l'accord volontaire du 3 mai dernier, par lequel tous les acteurs de la filière « viande » se sont engagés à rouvrir les négociations commerciales en cas de variation excessive des prix de l'alimentation animale.

Par ailleurs, Bruno Le Maire se bat pour ouvrir à nos filières de nouveaux marchés et faciliter les exportations de bovins. Ainsi, 5 millions d'euros ont été engagés dans un plan de communication destiné à mettre en valeur la viande française. Il a mis en place une cellule export et obtenu l'ouverture ou la réouverture de nombreux marchés : libanais, égyptien, azéri, ukrainien, russe… Parallèlement, l'interprofession vient de créer le groupement « France export bétail et viande ».

La contractualisation est un autre axe de travail majeur. M. Le Maire a demandé à l'interprofession d'y travailler et attend un accord définitif dans les prochains jours concernant le secteur des jeunes bovins et la mise en place d'indicateurs de tendance de marché.

Enfin, à l'automne dernier, le Gouvernement a mis en œuvre des plans de développement auxquels seront consacrés 300 millions d'euros. Les filières bovine, ovine et caprine comptent parmi les principales bénéficiaires.

Au-delà de ces mesures, Bruno Le Maire a convaincu nos partenaires européens de la nécessité d'engager une réflexion stratégique sur l'avenir de nos filières bovines. Ainsi, c'est sur sa proposition que Dacian Ciolos, commissaire européen à l'agriculture et au développement durable, a annoncé la mise en place d'un groupe de travail ad hoc, dans la perspective de la réforme à venir de la PAC.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse, qui prend bien en compte les points que j'ai abordés.

Il faut en effet éviter de nouvelles dérives et assurer un suivi permanent des marges tout au long de la filière, en accordant à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires les moyens lui permettant de rendre des avis pertinents et objectifs, ce qui n'a pas véritablement été le cas jusqu'à présent.

Je me félicite de l'engagement de M. Le Maire en faveur de la transparence et du développement des exportations grâce à la mise en place d'une cellule dédiée, s'apparentant aux GIE que j'ai évoqués. Je n'ai aucune raison de mettre en doute sa parole.

Toutefois, je reste sceptique quant à la probité des grandes surfaces, qui aiment faire de grands bénéfices en vendant les produits bien au-dessus du prix d'achat. Un suivi est nécessaire pour dissiper le rideau de fumée masquant la commercialisation, afin que les agriculteurs puissent enfin vendre leur production à un prix permettant de rémunérer correctement leur travail. Je me réjouis que M. le ministre ait pris en compte cette dimension du problème.

Madame la ministre, chaque année, 70 000 hectares de terres agricoles disparaissent en France : nous ne sommes déjà plus autosuffisants sur le plan alimentaire. Les agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur travail et assurer à la France une production agricole qui soit digne de son passé.

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