Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOC-EELVr) publiée le 19/10/2011

Question posée en séance publique le 18/10/2011

Concerne le thème : Malaise des territoires

M. Martial Bourquin. Ma question porte sur une dimension importante de l'aménagement du territoire.

Avec la révision générale des politiques publiques, certains territoires connaissent aujourd'hui une situation très angoissante. Je parle certes de certains territoires ruraux, mais aussi de certaines cités.

En effet, dans ces territoires, avec la carte scolaire, de nombreux postes sont supprimés. Avec la nouvelle stratégie de La Poste, des bureaux de poste réduisent l'amplitude de leurs horaires et se préparent à fermer ou à passer le bébé, si je puis dire, aux collectivités. On y constate aussi une baisse impressionnante des effectifs de la police ou de la gendarmerie nationales lors de la signature de contrats locaux de sécurité. Et que dire de la politique de la forêt que nous essayons de mettre en place avec un Office national des forêts amputé d'une grande partie de ses effectifs !

M. Roland Courteau. Eh oui !

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, la question que je veux vous poser est simple : comment pouvons-nous mener une politique d'aménagement du territoire avec cette saignée dans les effectifs des services publics ?

Vous le savez, une politique d'aménagement du territoire requiert de la patience ; il faut des années pour la mettre en place, car il s'agit d'une question très difficile et très complexe. Or, chaque fois que l'on interroge les préfets, les sous-préfets ou les recteurs d'académie, ceux-ci nous font la même réponse : il faut rendre des postes ! Mais c'est une vision purement comptable de l'aménagement du territoire !

Mme Maryvonne Blondin. C'est exact !

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, je vous le demande avec force et gravité : mettez un terme à cette politique aveugle de la révision générale des politiques publiques !

M. Roland Courteau. Et sans tarder !

M. Martial Bourquin. Il faut, au contraire, un État stratège ! Il faut mener une politique d'aménagement du territoire qui fasse en sorte que politiques publiques et investissements privés soient intimement liés, car nous sommes en train de déménager nos territoires ruraux, nos cités et nos villes. Cette situation est, je le dis avec une certaine solennité, très grave. (Marques d'approbation sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)

Il faut maintenant stopper cette politique pour que nos territoires retrouvent leur dynamisme ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire publiée le 19/10/2011

Réponse apportée en séance publique le 18/10/2011

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur Martial Bourquin, je vous rejoins parfaitement, il faut un État stratège. Mais un État stratège, ce n'est pas un État qui pense le monde d'hier, c'est, au contraire, un État qui pense le monde de demain ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ce n'est pas un État qui estime qu'il faut systématiquement plus d'emplois publics, et donc plus de dépenses publiques, pour répondre aux besoins de nos concitoyens ! C'est un État qui essaie d'inventer des solutions nouvelles, plus économes et plus efficaces (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.),...

M. Pierre-Yves Collombat. Moins d'impôts et plus de chômage !

M. Bruno Le Maire, ministre. ... pour à la fois offrir à nos concitoyens de meilleurs services publics et réduire notre endettement dont nous payons aujourd'hui la facture.

M. Roger Karoutchi. Eh oui !

M. Pierre-Yves Collombat. C'est faux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moins de milliardaires et plus de services publics !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous ne maintiendrons pas - et ne le laissons pas croire aux Français ! - des classes uniques dans tous les villages de France parce que ce n'est ni efficace ni responsable du point de vue des finances publiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Nous ne maintiendrons pas des bureaux de poste ouverts dans tous les villages de France lorsque ceux-ci ne sont fréquentés que par un ou deux clients seulement par jour, parce que ce n'est ni responsable du point de vue des finances publiques ni responsable du point de vue du fonctionnement de ces services publics. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Vous avez évoqué la gestion de la forêt et l'ONF, mais c'est le meilleur exemple ! Quelles sont les raisons pour lesquelles la France ne profite pas suffisamment de l'exploitation de son bois ? Quelles sont les raisons pour lesquelles la France n'exploite pas suffisamment le tiers de son territoire qui est composé de forêts ? Il ne s'agit pas d'un problème de recrutement, de nombre de personnels à l'ONF ! C'est une question de regroupement de l'offre, de valorisation de notre bois, de structuration de la filière, de compétitivité économique ! Voilà les vraies réponses à l'aménagement du territoire de demain ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Pierre-Yves Collombat. Que ne le faites-vous pas ?

M. Bruno Le Maire, ministre. En matière de fonds publics, il me semble préférable de consacrer 2 milliards d'euros à l'équipement numérique de notre territoire en très haut débit, comme l'ont voulu le Président de la République et le Premier ministre,...

M. Pierre-Yves Collombat. Cela fait deux ans qu'on en parle !

M. Bruno Le Maire, ministre. ... plutôt que de maintenir des services publics dans des endroits où nous n'avons plus les moyens de le faire ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, votre réponse est très idéologique ! (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.) En aucun cas, elle ne correspond à une vision d'avenir.

Avoir une vision d'avenir, c'est agir pour créer de la valeur, en faisant en sorte que nos territoires soient productifs, tant au niveau des usines que, plus généralement, au niveau des territoires ruraux. Or, pour que nos territoires continuent à produire, il faut trouver un mix très inédit entre les politiques publiques et les entreprises, qui créent aussi de la valeur. Ce n'est pas en supprimant les politiques publiques comme vous nous le proposez que nous y arriverons !

Il faut, au contraire, par exemple, mettre en œuvre une fiscalité beaucoup plus juste. Comment se fait-il que les groupes du CAC 40 paient environ 8 % d'impôt sur les sociétés, alors que les PME et les artisans paient 33 % ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !

M. Martial Bourquin. Vous qui cherchez à faire des économies, il y a là des recettes à prendre, monsieur le ministre ! Pourquoi ne le proposez-vous pas ?

Il faut savoir que cette politique aveugle de la révision générale des politiques publiques, qui est profondément injuste, ampute durablement les territoires de leur dynamisme. Il leur faudra de nombreuses années pour être de nouveau au goût du jour. Le retour du dynamisme passe par une politique plus juste !

Pourquoi une famille habitant dans une vallée encaissée, qui souffre du verglas trois à quatre mois dans l'année, est-elle obligée de faire prendre le bus scolaire à ses enfants une heure avant le début des cours ? Parce qu'on a décidé de supprimer des postes ! (Murmures sur les travées de l'UMP.) Il existe d'autres sources d'économies que celle-ci ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

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