Question de M. PATIENT Georges (Guyane - SOC-EELVr-A) publiée le 03/11/2011

M. Georges Patient attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur l'insécurité grandissante en Guyane. Département déjà sévèrement touché par une très forte criminalité, l'une des plus importantes de France, un taux des infractions violentes représentant le triple de celui de la métropole, la Guyane connait une effrayante recrudescence des crimes et des agressions violentes. Une réalité qui se généralise sur tout le territoire : des communes qui, hier encore étaient connues pour être des havres de paix, sont aussi touchées par ce fléau.

Pas un jour sans qu'un crime, qu'un braquage ne soient commis. La disparition de Monsieur Paulin Clet grande figure de la commune de Sinnamary, âgé de 89 ans, suite à un cambriolage à son domicile, a suscité une vive émotion et une forte colère. Face à cette poussée de la violence et à l'incapacité des pouvoirs publics à l'endiguer, la tentation de se faire justice est de plus en plus prégnante dans la population guyanaise.

De fait, il est urgent et les élus guyanais ne cessent de le demander que le Gouvernement mette en place tous les moyens qui s'imposent pour remédier à cette situation afin que la Guyane ne devienne pas une zone de non droit.

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Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 18/01/2012

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2012

M. Georges Patient. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, la Guyane vit dans un climat d'insécurité sans cesse grandissante : pas un jour sans que se produise un cambriolage, un braquage ou un crime.

Fort logiquement, une véritable psychose s'est installée au sein de la population qui ne se sent plus en sécurité nulle part. Le fait est nouveau, car cette forte criminalité s'est généralisée et touche tous les foyers sur l'ensemble du territoire : des communes qui, hier encore, étaient connues comme des havres de paix ne sont désormais plus épargnées. Autre fait nouveau : la récente série de faits crapuleux très violents nous indique que l'orpaillage clandestin n'est plus la principale source d'insécurité et de criminalité en Guyane.

Face à cette déferlante de crimes et d'agressions violentes, la population, en plein désarroi, manifeste de plus en plus sa colère, car elle se sent délaissée par les pouvoirs publics. La tentation de se faire justice soi-même est de plus en plus prégnante chez mes compatriotes.

Loin de moi l'idée de critiquer le travail, ô combien difficile et louable, des forces de l'ordre dans ce département, mais force est de constater que la réponse n'est pas satisfaisante. Il convient de pallier le manque réel de moyens, mais la politique de sécurité gagnerait aussi à être plus adaptée à la réalité locale. Par exemple, la demande de la ville de Saint-Laurent-du-Maroni de disposer d'un service de police nationale sur son territoire, en sus de celui de la gendarmerie, n'a toujours pas abouti, malgré une situation spécifique qui la légitime pleinement, à savoir, une démographie exponentielle - la commune de Saint-Laurent est passée, en moins de quinze ans, de 6 000 habitants à près de 40 000 habitants - et une très forte criminalité.

Madame la ministre, écoutez-nous et répondez à nos sollicitations, car c'est nous qui vivons dans cette ambiance de crainte permanente ! Qu'attend le Gouvernement pour prendre les mesures qui s'imposent - mesures déjà promises ! - pour que la Guyane ne devienne pas définitivement une zone de non-droit ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur la lutte contre l'insécurité en Guyane. En l'absence de Claude Guéant, et en ma qualité de ministre chargé de l'outre-mer, je vais vous apporter des réponses, d'autant que je connais bien le sujet que vous évoquez ce matin.

Claude Guéant et moi-même avons eu l'occasion de le dire, la situation en Guyane n'est pas satisfaisante et nécessite un suivi attentif, en raison des problématiques spécifiques, souvent imbriquées, de l'orpaillage clandestin, de l'immigration clandestine et de la délinquance. Mais la Guyane n'est pas et ne sera jamais une zone de non-droit, monsieur le sénateur ! L'État se mobilise pour cela, et j'en profite pour saluer plus particulièrement l'action des forces de sécurité en Guyane qui s'engagent quotidiennement contre la délinquance, dans des conditions parfois particulièrement difficiles.

Cette mobilisation de l'État se traduit concrètement, en termes de moyens et d'effectifs, par la présence, outre les forces de police et de gendarmerie de Guyane, d'un renfort permanent de six escadrons de gendarmerie mobile et d'un peloton d'intervention de la garde républicaine. Je n'oublie pas non plus les 650 militaires des armées engagés dans l'opération Harpie.

Il est vrai, monsieur le sénateur, que des actes criminels particulièrement choquants ont affecté la Guyane au cours des derniers mois. Ils suscitent d'autant plus d'émotion qu'ils touchent quelques personnes de grand mérite, notamment M. Paulin Clet, dont le meurtre a particulièrement ému la population de Guyane. Il faut également souligner que leurs auteurs ont été identifiés et, pour la plupart, interpellés.

Si l'on examine de plus près les données de la criminalité et de la délinquance, qui n'ôtent rien naturellement au sentiment de colère des habitants devant ces drames, on constate qu'elles sont, pour certains indicateurs, encourageantes, et le taux annuel de criminalité globale du département - environ 118 infractions pour 1 000 habitants - mérite d'être évalué au regard des nombreuses infractions à la législation sur le séjour des étrangers. Le taux de délinquance réel est proche de celui observé dans les départements métropolitains comparables, ou de celui de la Martinique et de la Guadeloupe, par exemple.

Concernant la délinquance, pour l'ensemble du département, si les atteintes aux biens progressent de 6,43 %, en revanche, les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes et les escroqueries et infractions économiques et financières diminuent : on enregistre ainsi des baisses de 2,84 % et de 5,84 %, respectivement.

Dans un contexte local caractérisé par une forte croissance démographique, une situation économique et sociale difficile, les forces de sécurité intérieure, dont les effectifs ont doublé en dix ans, adaptent en permanence leur action face aux évolutions de la délinquance et aux modes opératoires des orpailleurs clandestins, vous le savez.

Je peux vous affirmer que l'ensemble des acteurs de la sécurité travaillent à améliorer la sécurité des Guyanais. J'associe en outre volontiers les collectivités territoriales à ces efforts, dans le cadre de partenariats récemment noués ou entretenus depuis déjà fort longtemps.

En tout état de cause, le Gouvernement est extrêmement attentif à l'évolution de la situation sécuritaire en Guyane et veille à la mobilisation totale des services de l'État au profit des Guyanais.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous m'avez apportées.

Certes, les chiffres avancés par vos services montrent une augmentation de près de 20 %, depuis 2004, des effectifs de police et de gendarmerie, et une baisse très significative, en 2011, des atteintes aux personnes, tout particulièrement des agressions crapuleuses, en recul de 16,45 % par rapport à la même période en 2010. Je ne contesterai pas ces chiffres.

Néanmoins, il convient de les relativiser et, surtout, de bien les interpréter : tout dépend du niveau où l'on se situe et du terme de comparaison. La Guyane, malgré cette baisse significative, détient quand même le record de France de la plus forte hausse de la délinquance, avec une augmentation de 17,7 % des atteintes aux biens et de 6 % des atteintes physiques. Ces chiffres sont relevés dans le tout récent rapport annuel de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, paru en 2011, et ils sont très parlants.

La réalité, c'est aussi et surtout l'appel unanime de toute la population guyanaise à une plus grande sécurité. Madame la ministre, vous vous rendez en Guyane en compagnie du chef de l'État à la fin de cette semaine : je suis certain que vous ne manquerez pas d'être interpellés sur ce sujet.

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