Question de Mme CAMPION Claire-Lise (Essonne - SOC-EELVr) publiée le 03/11/2011

Mme Claire-Lise Campion attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le projet de modification des couloirs aériens pour les arrivées face à l'est à Orly qui serait élaboré par ses services et la direction générale de l'aviation civile.

Ce projet réunit un double inconvénient. Le premier est qu'il crée des nuisances pour une nouvelle population sans pour autant supprimer la gêne actuelle des riverains qui continueront à subir les nuisances des décollages. Le second est que, dans ces conditions, le projet est incompatible avec les objectifs du Grenelle de l'environnement. En effet, les avions qui seraient amenés à l'emprunter survoleraient, de jour comme de nuit, des zones très urbanisées non touchées par les nuisances sonores actuellement.

Le parc national régional du Gâtinais français et ses partenaires ont proposé un contre projet soutenu par l'Autorité de contrôle des nuisances caéroportuaires (ACNUSA), permettant de maintenir le couloir actuel et de réduire les nuisances déjà existantes. Dans un souci de transparence et d'objectivité, ils lui ont demandé à ce que les projets soient soumis à l'organisme indépendant Eurocontrol ; jusqu'à présent, sans succès. Pourtant les modifications proposées par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et les services du ministère seraient incompatibles avec les objectifs du Grenelle de l'environnement.

C'est pourquoi, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les raisons qui pourraient justifier son opposition à la mise en place d'un contrôle par une autorité indépendante.

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement publiée le 21/12/2011

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2011

Mme Claire-Lise Campion. Madame la ministre, depuis la publication de cette question orale dans le Journal officiel du 3 novembre dernier, vous avez, le 15 novembre, signé l'arrêté pour la mise en place du relèvement des couloirs aériens pour les arrivées face à l'Est à Orly, élaboré par vos services et la Direction générale de l'aviation civile, la DGAC. J'ai donc été contrainte d'ajuster mon propos en conséquence.

Vous le savez, cet arrêté suscite de nombreuses contestations. Les objectifs fixés par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite « loi Grenelle 1 », prévoient, à l'horizon 2020, une réduction par passager-kilomètre de 50 % de la consommation de carburant et des émissions de dioxyde de carbone des avions, une diminution de 80 % des émissions d'oxyde d'azote et une baisse de 50 % du bruit perçu.

Or le projet de la DGAC déplace les nuisances vers une nouvelle population, sans pour autant supprimer la gêne des riverains, qui continuent à subir les nuisances liées aux décollages. Ce projet ne permettra donc pas de réduire les nuisances.

Madame la ministre, vous avez écrit qu'un relèvement permettrait de diminuer par deux le bruit perçu. C'est faux ; ce n'est pas moi qui le dis, mais Bruitparif, qui indique que le gain sonore moyen est imperceptible.

Depuis la mise en place des nouvelles trajectoires, le bruit effectivement ressenti par les riverains toujours survolés ne change pas. En revanche, beaucoup de nouveaux riverains subissent maintenant ces nuisances et, pis, d'autres encore voient leur lieu d'habitation davantage survolé. Ces nouvelles procédures démontrent par conséquent, sur le terrain, leur inefficacité au regard de l'objectif que vous avez défini.

De plus, l'allongement de dix kilomètres minimum des différentes trajectoires d'atterrissage survolant l'Île-de-France provoquera chaque année le gaspillage de 17 000 tonnes de kérosène et le rejet dans l'atmosphère de près de 45 000 tonnes de CO2, c'est-à-dire davantage de pollution. Tout cela est incompatible avec les objectifs du Grenelle de l'environnement !

Enfin, l'enquête publique a été faussée par des chiffres de population totalement artificiels ; cela a été démontré. Les préconisations du Parc naturel régional du Gâtinais français et de ses partenaires experts, soutenues par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA, ont été repoussées sans réelle étude technique. Le refus de l'expertise d'Eurocontrol n'a jamais été étayé, contrairement à sa réalisation sur un précédent dossier en 2001-2002. Madame la ministre, l'expertise d'un organisme indépendant est-elle crainte ?

À l'initiative de l'ACNUSA, un bureau d'études a procédé, avant la mise en place de ce projet, à la mesure du bruit des avions sur quinze sites concernés par l'évolution des trajectoires.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir m'indiquer les nouvelles mesures et études prévues ; il est en effet nécessaire d'en organiser sur ces territoires. Si leurs résultats étaient en contradiction avec l'objectif poursuivi, envisageriez-vous de suspendre ces procédures afin de travailler plus efficacement à la réduction des nuisances ? Madame la ministre, il s'agit là d'une demande et d'une attente légitimes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Madame Claire-Lise Campion, l'intérêt général ne peut être à géométrie variable en fonction du lieu d'habitation. Le Grenelle de l'environnement disposait que les critères retenus pour définir l'évolution des trajectoires seraient le bruit, pour les basses altitudes, et la réduction des émissions de dioxyde de carbone, c'est-à-dire la minimisation de la distance, pour les hautes altitudes.

C'est à partir de ces deux critères - minimisation du bruit pour les basses altitudes et minimisation de la distance pour les hautes altitudes - qu'a été établi le projet de relèvement des altitudes des trajectoires d'approche dans l'ensemble de l'Île-de-France. Ce relèvement a été mis en œuvre d'abord au Bourget, il y a déjà deux ans, puis à Roissy et à Orly, cette année. Il a permis de diminuer de 3 décibels le bruit entendu au niveau du sol ; comme il s'agit d'une échelle logarithmique, cela représente une division par deux si on enlève le bruit associé, c'est-à-dire le bruit de fond non lié à l'avion.

On ne peut dire à la fois que ce projet a déplacé des avions, diminuant le bruit dans certains endroits mais l'augmentant dans d'autres, et que le bruit a augmenté pour tout le monde. La vérité se trouve dans l'étude d'impact, qui est le fruit de multiples concertations - j'avais d'ailleurs retardé la mise en œuvre du relèvement afin de tenir compte des résultats de toutes ces concertations ; la vérité est que le relèvement a engendré un gain important pour une majorité de Franciliens.

Il existe certes quelques perdants ici ou là, mais ils ne représentent qu'une minorité. En effet, les Franciliens vivant dans des lieux survolés à basse altitude sont désormais bien moins nombreux, et seuls quelques Franciliens habitent dans des lieux « nouvellement survolés », ce survol intervenant en outre à plus haute altitude.

Pourquoi ne pas faire appel à Eurocontrol ? Vous ne pouvez d'un côté fustiger la DGAC et prétendre que des experts locaux manifestement engagés - ils ont bien le droit de l'être - pour la défense de tel ou tel territoire sont plus indépendants que cette direction, et de l'autre réclamer l'intervention d'Eurocontrol, organisme au sein duquel la France est représentée par la DGAC !

Je crois qu'il faut s'en tenir aux faits. Des ressentis assez nets remontent déjà du terrain, et un bilan sera effectué. Ce bilan sera naturellement rendu public et partagé de manière transparente.

Je voudrais rappeler que l'un des présidents d'association les plus virulents sur cette question et que vous suivez était naguère très favorable au relèvement pour des motifs d'intérêt général, avant de changer d'avis voilà deux ans : il avait déménagé... L'intérêt général, je le répète, ne saurait être capturé par des intérêts locaux.

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Je vous remercie de ces réponses, madame la ministre. Vous le savez, je partage totalement votre souci de l'intérêt général et, avec un certain nombre de partenaires de notre territoire régional, autour d'Orly et, aujourd'hui, de Roissy, j'ai toujours mis en avant cet intérêt général s'agissant des questions de survol aérien.

Effectivement, peut-être que certains, à titre individuel - je pense à l'exemple que vous venez de citer - soutiennent d'autres positions. Mais ces positions ne sont pas les miennes ; ce ne sont pas celles que nous partageons.

Nous sommes guidés par le souci de l'intérêt général dans notre réflexion sur la modification des trajectoires. J'entends bien ce que vous dites : un bilan de la réforme sera effectué et rendu public. Toutefois, nous ne partageons pas la vision que vous venez d'exposer, et les habitants concernés et les experts ne la partagent pas non plus.

Il existe des organismes indépendants. J'ai cité l'ACNUSA et Eurocontrol, dont le rôle est d'apporter des éléments et arguments complémentaires. Je l'affirme de nouveau : il est nécessaire de faire appel à ces organismes afin de disposer, dans l'attente du bilan que vous avez annoncé, d'un constat sans équivoque ni arrière-pensée. En particulier, il est nécessaire de comparer les mesures de bruit effectuées par l'ACNUSA avant la mise en œuvre de votre projet avec de nouvelles mesures et études. C'est cela que nous attendons, madame la ministre.

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