Question de M. VAUGRENARD Yannick (Loire-Atlantique - SOC-EELVr) publiée le 10/11/2011

M. Yannick Vaugrenard attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants sur la situation des orphelins de guerre et des pupilles de la Nation.

Les évolutions règlementaires de 2000 et 2004 ont rompu l'égalité de fait de tous les orphelins de guerre en instaurant des catégories particulières d'orphelins pouvant recevoir une indemnisation. Ces décrets sont contraires au principe de la loi de 1917 sur l'égalité de tous les orphelins devant la souffrance. En créant une échelle de valeur des décès, il y a la création d'une rupture d'égalité chez les « orphelins ».

Alerté par les associations, le Président de la République leur avait annoncé, en 2007, lancer les travaux pour la rédaction d'un décret unique qui remplacerait ceux de 2000 et 2004 en instituant une mesure de réparation pour tous les orphelins de guerre n'ayant pas bénéficié des précédentes mesures. Un rapport a donc été publié en 2009 suite à la demande du Président de la République. Les conclusions de ce rapport n'étaient absolument pas satisfaisantes puisqu'elles appelaient à créer des catégories d'orphelins fondées sur le concept de « barbarie ». Les conclusions de ce rapport ne pouvaient en aucun cas les satisfaire mais, en tout état de cause, aucune mesure n'a été adoptée.

Il lui demande donc que la seule notion de barbarie soit abandonnée et qu'une mesure de réparation unique visant tous les pupilles de la Nation sur le seul critère que l'ascendant soit « Mort pour la France » soit adoptée sans délai par le Gouvernement.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants publiée le 21/12/2011

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2011

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la situation des orphelins de guerre et des pupilles de la Nation.

Nous le savons tous, la France a payé un lourd tribut lors des deux dernières guerres mondiales ; il est de notre devoir de défendre les enfants de ceux qui ont donné leur vie pour la France, qui ont subi les tribulations causées par l'absence d'un père et n'ont donc malheureusement pu bénéficier du capital social que ce dernier aurait constitué pour eux, à l'heure d'entrer dans la vie active.

Grâce à la loi du 27 juillet 1917, le statut de pupille de la Nation a été officiellement reconnu, et l'État s'est engagé à leur apporter un soutien financier. Toutefois, les évolutions réglementaires de 2000 et 2004 ont rompu l'égalité de fait entre tous les orphelins de guerre, en instaurant des catégories particulières d'orphelins pouvant recevoir une indemnisation.

Ces décrets contreviennent au principe de la loi de 1917 sur l'égalité de tous les orphelins devant la souffrance : en créant une échelle de valeur des décès, ils conduisent à une rupture d'égalité de fait entre les orphelins.

Aux associations qui l'avaient alerté, le Président de la République avait annoncé, en 2007, son intention d'engager les travaux de rédaction d'un décret unique qui remplacerait ceux de 2000 et 2004, en instituant une mesure de réparation pour tous les orphelins de guerre n'ayant pas bénéficié des précédentes mesures.

Un rapport a donc été remis en 2009, faisant suite à la demande du Président de la République. Les conclusions de ce rapport n'étaient absolument pas satisfaisantes puisqu'elles appelaient à créer des catégories d'orphelins fondées sur le concept de « barbarie ». C'est pourquoi elles ne pouvaient en aucun cas nous satisfaire. Toutefois, en tout état de cause - ce qui est positif - aucune mesure n'a été adoptée.

Monsieur le secrétaire d'État, il y a quelques jours, vous m'avez indiqué par courrier - et je vous en remercie - qu'une solution tenant le plus grand compte de l'équité et aboutissant à une reconnaissance apaisée avait été élaborée et qu'un décret unique était en cours d'approbation.

Vous le savez, les orphelins de guerre et les pupilles de la Nation sont placés dans une situation inadmissible depuis 2004. Les promesses du Président de la République datent de 2007 et, à ce jour, elles n'ont connu aucune traduction concrète.

Je souhaiterais donc entendre un engagement solennel de votre part et de la part du Gouvernement sur la date prochaine de publication d'un décret abandonnant la seule notion de barbarie et adoptant une mesure de réparation unique pour tous les pupilles de la Nation, sur le seul critère que l'ascendant soit mort pour la France.

Je vous remercie par avance de votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le sénateur, soyez assuré que je connais bien ce dossier extrêmement délicat.

Je mesure tout à fait l'incompréhension qu'expriment les associations depuis que ces deux décrets, l'un du 13 juillet 2000, que vous avez évoqué, et l'autre du 27 juillet 2004, ont rompu l'équilibre entre l'ensemble des orphelins en créant une indemnisation réservée aux orphelins de victimes de la Shoah ou de la barbarie nazie. Je connais leurs attentes : j'ai bien sûr reçu les représentants de l'ensemble des associations.

Également conscient de la différence de traitement dont sont victimes les autres catégories d'orphelins de guerre, le Président de la République - vous l'avez souligné - a demandé au Gouvernement, en mai 2007, de lancer dès que possible les travaux permettant d'aboutir à la rédaction d'un décret unique. Ce décret remplacerait et compléterait les décrets de 2000 et de 2004, en instituant une mesure de réparation pour les orphelins de guerre qui n'ont pas bénéficié des précédentes mesures. Un rapport a été rédigé, distinguant diverses catégories d'orphelins et d'indemnisations : toutes les associations que j'ai consultées se sont opposées à ce que l'on puisse ainsi « saucissonner » les réponses à apporter à ce problème. D'ailleurs, aujourd'hui, s'y ajoutent les associations d'orphelins de la guerre d'Algérie, lesquels demandent également à être indemnisés, ce qui peut se comprendre : de fait, que leur père soit mort en 1939-1945 ou pendant la guerre d'Algérie, les orphelins ont subi les mêmes conséquences.

Depuis lors, les différentes commissions qui ont été réunies sur ce sujet ont mis en exergue des divergences d'appréciation, d'une part entre les différentes associations d'orphelins, je le répète, d'autre part entre les associations d'anciens combattants et associations d'orphelins. En effet, certaines préfèrent « saucissonner », tandis que la grande majorité d'entre elles y est hostile.

Fidèle à l'engagement du Président de la République, le Gouvernement demeure néanmoins favorable à l'adoption d'un dispositif d'indemnisation consacrant la reconnaissance de l'égalité des orphelins de guerre, quels qu'ils soient.

Toutefois, la situation de nos finances publiques, qui résulte directement des crises mondiales, bancaire puis financière, de 2008 et de 2011, impose une rigueur et une vigilance budgétaires durables. Dans ces conditions, la parution d'un décret unique, dont le coût pourrait dépasser les 2 milliards d'euros, ne me paraît pas pour l'heure envisageable. J'espère que l'état de nos finances nous permettra de résoudre ce problème le plus rapidement possible.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le secrétaire d'État, les éléments de votre réponse me satisfont, contrairement, bien entendu, aux conclusions que vous nous apportez.

Autant je suis heureux de vous entendre reconnaître que la Nation doit soutenir les orphelins de guerre, autant je peine à comprendre que nous ne soyons pas en mesure d'indemniser les enfants de ceux qui sont morts pour la France : un tel constat signifierait que notre pays est véritablement très mal en point !

Il s'agit là de choix budgétaires tout à fait majeurs : à mes yeux, il est nécessaire - y compris dans la période que nous traversons - de soutenir ceux qui ont souffert de l'absence d'un père et qui, partant, ont été défavorisés. Nous tous dans cette assemblée sommes libres de nous exprimer parce que d'autres ont sacrifié leur vie : il serait donc logique et normal que leurs orphelins puissent être indemnisés par la Nation. C'est pourquoi je regrette notamment la fin de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, nous sommes bien entendu tout à fait conscients de notre devoir de mémoire et de la reconnaissance que nous devons témoigner à tous ceux qui sont morts pour la France, notamment durant la guerre de 1939-1945. Je vous assure que le Gouvernement tout entier est uni sur cette ligne.

C'est la raison pour laquelle je vous ai indiqué que nous étions favorables à une telle mesure.

Toutefois, vous conviendrez que, dans les circonstances actuelles, il est impossible de consacrer une somme d'un peu plus de 2 milliards d'euros à cet effort d'indemnisation : en effet, il faut commencer par rétablir nos finances publiques pour que cette mesure soit effective le plus rapidement possible, faute de quoi notre pays serait placé dans une situation budgétaire très difficile, dont les pupilles de la Nation eux-mêmes pâtiraient.

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