Question de Mme DINI Muguette (Rhône - UCR) publiée le 02/12/2011

Question posée en séance publique le 01/12/2011

Mme Muguette Dini. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Elle porte sur les violences faites aux femmes, sujet d'une actualité quotidienne.

En effet, pas une semaine ne se passe sans que l'on apprenne, dans la presse régionale de Rhône-Alpes, la mort d'une femme à la suite des violences de son conjoint.

La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a été votée par notre Haute Assemblée à l'unanimité, dans le but essentiel de protéger les victimes.

Une des innovations majeures de cette loi est la création d'un délit de violences psychologiques au sein du couple. Ces violences se définissent comme la mise en place progressive, par un conjoint manipulateur destructeur, de mécanismes de dévalorisation systématique, de totale emprise. La victime se trouve peu à peu dans une situation de dépendance affective, sociale et financière qui lui fait perdre repères et autonomie, et qui la tue à petit feu.

Je tiens à souligner que, en matière de violences psychologiques, si les victimes sont essentiellement des femmes, des hommes sont aussi concernés.

Monsieur le garde des sceaux, il semble qu'il soit très difficile aux policiers, aux gendarmes, aux médiateurs ainsi qu'aux magistrats eux-mêmes, d'appréhender ce qu'est un conjoint manipulateur destructeur et les préjudices qu'il cause à toute sa famille.

La brigade de protection de la famille de la gendarmerie de Lyon a établi un questionnaire de grande qualité, permettant, dans le cadre d'une enquête de flagrance et du procès-verbal d'audition de la victime, d'identifier cette caractéristique particulière de la violence conjugale.

Pourquoi n'y a-t-il pas eu, depuis la promulgation de la loi, une généralisation de cet outil ?

Pourquoi n'y a-t-il pas eu une sensibilisation accrue et une formation spécifique des professionnels de police et de justice ?

Pourquoi le délai moyen entre la demande de protection et le prononcé de la décision demeure-t-il encore de vingt-six jours, délai largement suffisant pour que la victime soit agressée et même tuée ?

Enfin, pourquoi le bracelet électronique, qui doit assurer une meilleure protection de la victime, n'a-t-il été mis en place que quatre fois en quinze mois ? (Bravo ! et applaudissements sur un grand nombre de travées.)

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Réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 02/12/2011

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2011

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Dini, la lutte contre les violences conjugales est une priorité portée par l'ensemble des membres du Gouvernement, notamment par ma collègue Roselyne Bachelot-Narquin, mais elle est aussi une ardente obligation pour le garde des sceaux.

Notre arsenal législatif est l'un des plus complets d'Europe. À cet égard, la loi du 9 juillet 2010 constitue une avancée très significative : elle a notamment étendu la répression pénale aux violences psychologiques, au harcèlement et aux violences au sein du couple.

Les instructions de politique pénale que j'ai adressées aux procureurs sont claires : les parquets assurent un traitement en temps réel et prioritaire de toutes les violences intrafamiliales, y compris de nature psychologique, et leur apportent une réponse pénale systématique. (Mme Maryvonne Blondin proteste.)

Je veux souligner devant vous la sévérité de la réponse pénale. Le nombre des condamnations a augmenté de plus de 93 % entre 2004 et 2009. Dans huit cas sur dix, ces violences sont sanctionnées d'un emprisonnement, ferme ou avec sursis. Enfin, le taux d'application des peines planchers pour les récidivistes est, en cas de violences conjugales, largement supérieur à ce qu'il est pour les autres infractions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'ordonnance de protection n'est pas mise en œuvre !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Par ailleurs, s'agissant de la formation des magistrats, je peux vous assurer que les magistrats suivent des cours spécifiques portant sur ces infractions, soit en formation initiale, à l'École nationale de la magistrature, soit en formation continue. Ils étudient les textes applicables à ce contentieux, travaillent sur des cas pratiques, procèdent à des simulations d'audiences.

Chaque année, une session sur les violences conjugales est proposée, au titre de la formation continue, à soixante-dix magistrats et à cinquante autres professionnels - notamment des policiers et des gendarmes -, qui étudient le phénomène d'emprise et la prise en charge des victimes. J'ai également demandé que des formations sur les violences conjugales soient proposées dès 2012 dans toutes les cours d'appel.

Enfin, vous l'avez souligné, l'auteur de violences conjugales graves peut être placé sous surveillance électronique mobile. Aujourd'hui, sept mesures seulement ont été prononcées en ce sens, l'encadrement juridique étant extrêmement strict. Dès janvier 2012, nous expérimenterons à Aix-en-Provence, à Amiens et à Strasbourg un nouveau système qui permettra le déclenchement immédiat d'une alarme lorsque le porteur d'un bracelet s'approchera de sa victime. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP. - Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

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