Question de M. ADNOT Philippe (Aube - NI) publiée le 16/12/2011

Question posée en séance publique le 15/12/2011

M. Philippe Adnot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez bien raison, monsieur le ministre, de nous rappeler que le contexte international nous apporte tous les jours la démonstration de l'obligation pour tous les États de maîtriser leur budget et donc de mettre en place des procédés modernes propres à contenir les coûts de fonctionnement et d'investissement.

Le Gouvernement, sur votre initiative, monsieur le ministre, vient de publier un décret relevant, en ce qui concerne les marchés publics, le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence, le portant de 4 000 à 15 000 euros, ce dont je me réjouis.

Dans le même temps, dans le louable souci d'introduire de la simplification, le Gouvernement souhaiterait une centralisation sur trois plateformes : une publique – le BOAMP, le Bulletin officiel des annonces des marchés publics – et deux privées – FranceMarchés.com et MarchésOnLine.com – afin de centraliser les appels d'offres de l'ensemble des collectivités, dans l'espoir d'obtenir un meilleur appel à la concurrence et donc de meilleures offres.

Or je souhaite attirer votre attention sur les risques que peut entraîner cette procédure et sur leurs conséquences. En outre, je m'autoriserai, monsieur le ministre, à vous faire une suggestion qui permettrait de répondre aux problèmes posés et de satisfaire toutes les parties.

Les risques sont nombreux. Une telle centralisation conduirait à la création d'un oligopole, sur la légitimité duquel on pourrait s'interroger. Ensuite, elle entraînerait des dépenses pour les entreprises, car l'accès à ces trois sites sera la plupart du temps payant. Elle entraînerait aussi des dépenses pour les collectivités locales, notamment les communes, car, aujourd'hui, entre 15 000 et 90 000 euros, la publication n'est pas nécessairement payante. En outre, elle serait source de complexité alors même que les collectivités se sont déjà organisées pour dématérialiser leurs appels d'offres. Enfin, et il y a là un vrai danger, elle conduirait à supprimer des ressources à la presse départementale et régionale dans la mesure où, chacun le sait, la publication des annonces légales conditionne leur équilibre économique.

Ayant analysé ces risques, monsieur le ministre, il me semble que d'autres solutions sont envisageables. On pourrait ainsi labelliser, au-delà des trois intervenants prévus, les plateformes des collectivités d'un certain niveau, à l'instar de la SPL que viennent de créer les départements des Ardennes, de la Marne et de l'Aube, déjà labellisée et pilote pour le projet européen PEPPOL. On pourrait aussi rendre le BOAMP destinataire, via les plateformes dématérialisées déjà existantes, publique et privées, de l'ensemble des publications des marchés publics, sans autre formalité et coût, ni pour les collectivités ni pour les entreprises.

Ces solutions permettraient de répondre à l'impératif de lisibilité nationale que vous mettez en avant, tout en évitant le risque juridique, au regard tant du droit communautaire que du code des marchés publics, lié au fait de limiter, par un oligopole, la libre définition des modalités de publicité et de mise en concurrence en deçà du seuil de 90 000 euros.

Monsieur le ministre, si nous voulons rétablir la situation budgétaire, toutes les mesures qui nous conduiront à maîtriser et à optimiser les dépenses sont essentielles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 16/12/2011

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2011

M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cher Philippe Adnot, le Gouvernement a effectivement pris la décision de relever à 15 000 euros le seuil de procédure pour les marchés publics. L'objectif est double : d'une part, permettre aux entreprises d'accéder plus rapidement au dispositif ; d'autre part, permettre aux collectivités locales d'avoir un peu plus de fluidité. Ce relèvement était attendu et souhaité. Je vous remercie de l'avoir soutenu.

Il s'agit également d'une mesure de simplification du droit des marchés publics et d'amélioration de l'accès des PME à la commande publique. Mais vous avez raison : il faut aller plus loin.

Les départements de l'Aube, de la Marne et des Ardennes ont pris une initiative, dont j'ai évidemment eu connaissance, ne serait-ce que pour des raisons de tropisme géographique. Elle vise notamment à mettre en place une plateforme de coordination.

Nous souhaitons également dématérialiser l'ensemble du dispositif et aller au-delà, afin de permettre aux PME d'accéder aux marchés d'un montant inférieur à 90 000 euros ; on en dénombre quelque 280 000 par an ! Nous savons que c'est la clé du maintien de l'activité économique et de la préservation des emplois dans les bassins territoriaux que nous gérons les uns et les autres.

En effet, une partie du tissu économique des très petites entreprises dépend, pour une large part, de la commande publique restituée et donc de l'accessibilité aux commandes publiques, compte tenu notamment des difficultés liées à la taille de l'entreprise. Il s'agit d'éviter que de grands consortiums nationaux, qui prennent position sur les grands marchés publics, captent la quasi-totalité des commandes publiques. C'est donc vraiment un élément constitutif de la préservation de l'activité économique dans nos bassins de population.

Il faut, par conséquent, donner aux acheteurs une plus grande visibilité de leurs annonces, de manière qu'ils se voient soumettre des offres de meilleure qualité. Des pistes sont à l'étude. Un comité de pilotage, qui sera largement ouvert aux acteurs concernés, a été mis en place. Il réunit des représentants des entreprises, des acheteurs, de la presse quotidienne régionale, de la presse spécialisée et du Bulletin officiel des annonces des marchés publics.

Les pistes que vous évoquez font partie des solutions à l'étude. Je vous confirme que, à ce stade, aucun dispositif n'a été arrêté définitivement. Les impératifs que nous avons fixés devront être respectés : d'une part, ne pas alourdir la charge des acheteurs publics, en particulier celle des collectivités locales ; d'autre part, ne pas déstabiliser les modèles économiques des annonceurs existants ou mettre à mal les règles de concurrence.

Pour conclure, permettez-moi de vous donner un élément de calendrier. Le comité de pilotage formulera ses propositions au premier trimestre de 2012. Je lui demanderai de prendre contact avec vous, monsieur le président Adnot, avec vos services et ceux de la région Champagne-Ardenne, laquelle est un peu en avance. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Cela ne signifie pas que les autres sont en retard ! Cela veut simplement dire que cette région a tracé le chemin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

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