Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 10/02/2012

Question posée en séance publique le 09/02/2012

M. François Marc. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne les annonces très inquiétantes de l'État en matière de dotations financières aux collectivités.

Des annonces ministérielles récentes font en effet état d'une réduction programmée de 6 milliards, voire de 10 milliards d'euros !

Demain se tiendra à l'Élysée la conférence des déficits publics, et le chef de l'État vient par avance de réitérer ses mises en cause des collectivités et de leurs élus, en imaginant de soumettre leurs dotations à une modulation au mérite !

Qui serait donc ce juge impartial de la bonne ou de la mauvaise gestion des communes, des départements ou des régions ? Mystère total !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les agences de notation !

M. François Marc. Choqué, le président du Comité des finances locales, ou CFL, Gilles Carrez, en vient d'ailleurs à réclamer qu'on « arrête de jouer au père Fouettard avec les collectivités » !

La décentralisation a été une excellente chose pour la qualité des services publics dans notre pays, mais l'État s'est parfois trop facilement déchargé sur les collectivités. (M. Roland Courteau opine.) Ainsi, des compétences transférées n'ont pas été correctement compensées, comme l'action sociale dans les départements.

Non content de solliciter sans cesse les territoires pour des compétences de niveau national telles que le TGV ou le très haut débit, le Gouvernement a mis en œuvre une réforme fiscale qui prive aujourd'hui les collectivités de toute marge de manœuvre.

La question qui se pose est donc très simple. Depuis trente ans, les élus locaux se sont dépensés sans compter pour donner corps à la décentralisation et offrir un service public de grande qualité, et ce dans le cadre d'une gestion extraordinairement vertueuse.

Si les collectivités se voient demain privées de plusieurs milliards d'euros de moyens financiers, vous devez nous dire, monsieur le Premier ministre, dans quels domaines vous demandez à réduire les services publics locaux.

S'agit-il de la sécurité ? Pour pallier la suppression par l'État de 10 000 postes de policiers, les communes ont en effet créé 10 000 postes de policiers municipaux. Faudra-t-il réduire cet effort ?

S'agit-il de l'enfance ? La baisse du nombre d'enseignants est considérable, la scolarisation des enfants de deux à trois ans s'étiole… Dès lors, les communes ont dû créer des crèches, des jardins d'éveil, et lancer de multiples actions pour les familles. Allez-vous contraindre les communes à réduire leurs efforts en faveur de la petite enfance et de la jeunesse ?

S'agit-il de réduire les aides aux personnes âgées et handicapées, assurées par les départements ? Voulez-vous couper les ressources destinées à l'APA, à l'insertion, à la dépendance ?

Au-delà de ces annonces de réductions considérables de moyens, vous devez nous dire, monsieur le Premier ministre, sur quels services publics de proximité vous allez demander à faire porter l'effort : la sécurité ? la petite enfance et la jeunesse ? les personnes âgées et les handicapés ? Vous devez répondre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée le 10/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2012

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur Marc, vous interrogez le Gouvernement sur le contexte du sommet local.

En réalité, ce sommet local répond tout simplement à l'engagement que le Président de la République avait pris le 11 janvier dernier, à l'occasion des vœux aux parlementaires. Il avait alors manifesté son intention de réunir les présidents des associations d'élus et des deux assemblées pour examiner ensemble les voies et moyens permettant de mieux associer les collectivités locales à l'indispensable effort de réduction du déficit public.

En effet, il n'est pas possible d'exclure les collectivités territoriales du champ de la maîtrise des dépenses publiques.

M. Didier Guillaume. Il ne faut pas les charger !

M. Philippe Richert, ministre. Je tiens à le redire ici et j'indique de nouveau les chiffres.

Prenez le budget de l'État, c'est-à-dire 280 milliards d'euros, et ajoutez l'ensemble des dépenses des collectivités, soit 220 milliards d'euros, vous arrivez à un total de dépenses, État et collectivités, de 500 milliards d'euros.

Il n'est pas possible d'imaginer que, demain, nous puissions clairement progresser dans la maîtrise de la dépense publique si nous n'associons pas l'État et les collectivités à cet effort.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Didier Guillaume. Il ne faut plus transférer les dépenses !

M. Philippe Richert, ministre. C'est d'ailleurs ce que dit exactement la Cour des comptes, qui a insisté dans son rapport public sur la nécessité de ralentir la dépense locale et de geler ou de réduire les dotations de l'État au-delà de 2012. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.) Je ne fais que citer la Cour des comptes, mesdames, messieurs les sénateurs !

Le diagnostic, au-delà des dépenses, concerne aussi, vous le savez, la question des personnels. Entre 1998 et 2009, les effectifs de l'État, hors transferts de compétences et de personnels, diminuaient de 59 000 agents. En même temps, toujours hors transferts, les collectivités locales recrutaient plus de 400 000 salariés.

M. Didier Guillaume. Ce n'est pas vrai !

M. François Rebsamen. C'est faux !

M. Philippe Richert, ministre. C'est la réalité ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ces chiffres correspondent à la réalité et ne souffrent aucune contestation.

M. Roland Courteau. Caricature !

M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de cette question, permettez-moi de dire que l'heure n'est pas à la mise en cause ou à la confrontation stérile.

M. François Rebsamen. Caricature !

M. Philippe Richert, ministre. La maîtrise des dépenses publiques doit être un objectif partagé par tous...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les niches fiscales !

M. Philippe Richert, ministre. ... et chaque contribution peut être la bienvenue.

C'est animé de cette ambition que le Gouvernement, autour du Président de la République, aborde la conférence sur les finances locales. Les voies de parvenir à une meilleure maîtrise de la dépense locale restent ouvertes et feront l'objet d'un véritable dialogue.

Tel est l'esprit dans lequel est prévue la rencontre de demain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. -M. Gilbert Barbier applaudit également.)

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