Question de Mme BENBASSA Esther (Val-de-Marne - ECOLO) publiée le 02/03/2012

Question posée en séance publique le 01/03/2012

Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de la ville et porte sur la situation des banlieues.

Monsieur le ministre, M. Sarkozy, candidat à l'élection présidentielle, ne s'est pas déplacé, contrairement à ses homologues de gauche, au « ministère de la crise des banlieues », installé dans un hôtel particulier abandonné qu'a investi la semaine dernière, sans violence, l'association ACLEFEU, née à Clichy-sous-Bois à la suite des émeutes de 2005.

Je viens donc, ici même, porter la voix de ces citoyens des banlieues pour interpeller le Gouvernement sur la situation d'urgence dans laquelle se trouvent nos quartiers populaires, pour rappeler à son bon souvenir ces oubliés qui ne sont pas la « racaille karchérisable » que certains se plaisent à évoquer.

Qu'a donc fait la majorité présidentielle pendant ces dernières années,…

M. David Assouline. Rien !

Mme Esther Benbassa. … pour ces familles négligées par les pouvoirs publics, réduites à vivre dans des logements vétustes et exigus, victimes d'un chômage touchant 40 % de leurs jeunes, pour ces populations abandonnées par l'école (M. Alain Gournac s'exclame.) en dépit des efforts d'enseignants vaillants mais à bout de souffle, pour ces populations humiliées par les contrôles au faciès récurrents, régulièrement stigmatisées dans leur culture ou leur mode de vie par votre gouvernement et par certains médias à la botte, trop heureux de dénoncer un monde de délinquants, de dealers, de barbares à la religion primitive ?

Nos banlieues sont en colère depuis des années. Pire, aujourd'hui, elles sont désabusées. Que ferez-vous donc si, par malheur, vous restez au pouvoir,…

M. Roger Karoutchi. Un malheur n'arrive jamais seul ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Esther Benbassa. … pour que ces jeunes, qui ont la rage au ventre, deviennent enfin ce qu'ils sont, à savoir les dignes enfants de notre République, ses citoyens actifs et respectés ?

Quand donc romprez-vous avec le laisser-aller, les effets rhétoriques, les mesurettes, les nominations d'affichage, les prétendus « plans Marshall » se dégonflant comme des baudruches ?

La désespérance est mauvaise conseillère. Elle pousse vers les extrêmes. Si l'on continue ainsi, ce seront deux nations distinctes, détachées l'une de l'autre, qui, à terme, se feront face, engendrant une situation pire que la pire des émeutes : une nation dans la nation ; des Français étrangers chez eux, que l'on pourra toujours abandonner aux initiatives du Qatar, ainsi que s'en réjouissait, voilà peu, M. Guéant. Les Arabes n'ont qu'à s'occuper des Arabes, n'est-ce pas ?

M. le président. Ma chère collègue, il est temps de conclure !

Mme Esther Benbassa. Éducation, emploi, logement, pratiques policières et judiciaires, démocratie locale, responsabilisation citoyenne, santé, ascension sociale, lutte contre le racisme, tout cela est de notre responsabilité. En ces domaines, qu'avez-vous fait ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Que ferez-vous ?

Cette question, je vous la pose, monsieur le ministre. Mais je la pose aussi, vous l'aurez compris, à tous nos responsables politiques, présents et à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la ville publiée le 02/03/2012

Réponse apportée en séance publique le 01/03/2012

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Madame la sénatrice, grâce à vos propos d'une modération sans commune mesure, tout en nuances (Rires sur les travées de l'UMP.)...

M. Jean-Pierre Sueur. L'ironie est facile !

M. Maurice Leroy, ministre. Sur la question des banlieues, monsieur Sueur, vous devriez le savoir, nous n'avons besoin ni d'ironie ni de caricature ; ce qu'il faut, c'est s'inscrire dans la durée et dépasser les clivages partisans ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ne commencez pas par ironiser sur les propos de Mme Benbassa !

M. Maurice Leroy, ministre. Monsieur Sueur, vous le savez parfaitement, tout comme M. Claude Dilain que j'ai plaisir à saluer ici, si nous avions, sur ces travées, osé simplement dire le millième de ce que vous dites, vous seriez debout et vous auriez raison ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non !

M. Maurice Leroy, ministre. Madame Benbassa, les choses sont assez claires : vous auriez pu relever que la rénovation urbaine est un succès reconnu sur toutes les travées de cet hémicycle, et qu'il faut s'en réjouir.

Mme Dominique Gillot. Le nettoyage au karcher !

M. Maurice Leroy, ministre. Permettez-moi de vous dire que les 43 milliards d'euros d'intervention pour la rénovation urbaine, comparés aux 50 millions d'euros du Qatar qui, je le sais, défraient beaucoup la chronique, c'est un peu plus sérieux !

En outre, nous faisons en sorte de conjuguer l'humain et l'urbain dans l'ensemble de ces quartiers populaires.

M. Roland Courteau. Ce sont des mots !

M. Maurice Leroy, ministre. Non, ce sont des engagements.

J'étais hier, avec Xavier Bertrand, au Campus des métiers et de l'entreprise de Bobigny. Nous y avons salué la présence de 50 grandes entreprises,...

Mme Éliane Assassi. Et des élus !

M. Maurice Leroy, ministre. ... qui se sont mobilisées, parce qu'il faut se mobiliser pour l'emploi. En effet, si l'emploi se décrétait au Journal officiel de la République, cela se saurait !

Franchement, la politique de la ville mérite nettement mieux que la caricature ou des invectives.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !

M. Maurice Leroy, ministre. En tout cas, il est une constante que, depuis Michel Delebarre, vous devriez saluer : tous les gouvernements successifs se sont battus avec plus ou moins de difficultés pour les valeurs de la République. Ce combat mérite une union nationale, et non les propos négatifs que nous avons entendus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

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