Question de M. DEMERLIAT Jean-Pierre (Haute-Vienne - SOC) publiée le 12/07/2012

M. Jean-Pierre Demerliat appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'interprétation qu'il convient de donner à l'article L.O. 138 du code électoral. Selon cet article, « toute personne ayant la qualité de remplaçant d'un député ou d'un sénateur perd cette qualité si elle est élue député ». La question est en effet de savoir si cette perte de qualité est provisoire ou définitive.

La politique constante des différents gouvernements qui se sont succédé sous la cinquième République est de considérer que cette perte est provisoire. Ainsi un suppléant de sénateur qui serait élu député retrouverait sa qualité de suppléant à l'issue de son mandat de député – qualité qu'il avait perdue pendant son mandat de député. Cette interprétation de l'article L.O. 138 est néanmoins contestée par certains, notamment des professeurs de droit public. Ceux-ci s'interrogent en effet sur son bien-fondé.

En 1986, un électeur du Gard a saisi le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État à ce propos. Tout deux se sont déclarés incompétents et ne se sont donc pas prononcés (Cons. const., Décision n° 86-1017 du 29 juillet 1986 ; CE, 25 mars 1987, Goujon).

Il souhaiterait donc savoir quelle interprétation il faut faire de l'article L.O. 138 du code électoral et s'il ne conviendrait pas, le cas échéant, d'apporter des précisions à celui-ci.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 04/10/2012

Aux termes de l'article L. O. 138 du code électoral, le remplaçant d'un député ou d'un sénateur perd cette qualité lorsqu'il est élu député. Il convient néanmoins de considérer que cette perte n'est que provisoire. Ainsi, le remplaçant d'un sénateur devenu député retrouve sa qualité de remplaçant lorsque son mandat de député cesse, pour la durée du mandat de sénateur qui pourrait rester à courir. En effet, l'article L. O. 138 est inséré dans le chapitre IV du titre II du livre Ier du code électoral, qui traite des incompatibilités opposables aux parlementaires. Il y a incompatibilité lorsqu'il est interdit à une même personne d'exercer simultanément deux mandats ou fonctions, sans que la liberté de candidature a ces mandats ou fonctions ne soit en rien limitée. Dans ce contexte, la signification de l'article L. O. 138 est claire : celui qui exerce un mandat de député alors qu'il est suppléant d'un sénateur ne peut arguer de la vacance du siège du sénateur dont il est suppléant pour se voir ouvrir un droit d'option entre l'Assemblée nationale et le Sénat : il reste député et une élection sénatoriale partielle doit être organisée. En revanche, si le suppléant d'un sénateur n'est plus député au moment du décès ou de la nomination au Gouvernement du sénateur dont il est le suppléant, il ne saurait y avoir incompatibilité entre sa qualité de suppléant d'un sénateur et un mandat de député qu'il n'exerce plus. Telle est la position du Gouvernement qui, par deux fois, en 1986 et 1991, a été ainsi amené à notifier au Président du Sénat une nomination en qualité de sénateur dans les conditions évoquées ci-avant. Les recours déposes contre ces nominations ont été rejetés par le Conseil constitutionnel (respectivement décisions n° 86-1017 du 29 juillet 1986 et n° 91-1145 du 1er octobre 1991). On notera d'ailleurs qu'une interprétation de l'article L. O. 138 qui consisterait à dénier définitivement au suppléant d'un sénateur tout droit à accéder au Sénat s'il avait exercé entre-temps un mandat de député conduirait en fait à édicter une inéligibilité frappant certains suppléants de parlementaires postérieurement à leur élection. Une disposition de cette nature ne pourrait trouver place que dans le chapitre III du titre II du livre Ier du code électoral, qui traite des conditions d'éligibilité et des inéligibilités applicables aux parlementaires.

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