Question de M. KALTENBACH Philippe (Hauts-de-Seine - SOC) publiée le 05/07/2012

M. Philippe Kaltenbach attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement, en charge du Grand Paris, sur le départ de plusieurs grandes écoles et centres de recherche du sud des Hauts-de-Seine pour le plateau de Saclay.

Il rappelle que pour concrétiser rapidement son projet de créer un pôle scientifique et technologique de classe mondiale sur le plateau de Saclay, l'ancien Président de la République s'était fortement impliqué dans la « délocalisation » de plusieurs grandes écoles et centres de recherches franciliens vers ce site. Beaucoup de ces établissements sont implantés dans le sud des Hauts-de-Seine où ils ont jusqu'ici poursuivi leur expansion sans difficultés. C'est notamment le cas de l'École normale supérieure et de la faculté de pharmacie de Chatenay-Malabry ou encore du centre R&D d'EDF de Clamart.

Il dénonce une méthode absurde consistant à déshabiller le sud du 92 pour habiller les terres, aujourd'hui encore agricoles et peu dotées en transports et en logements, de Saclay. Il rappelle le flou qui règne toujours sur la mise en place d'une liaison rapide avec ce pôle d'excellence dans le cadre du Grand Paris Express. Il s'étonne d'une telle démarche alors que les objectifs fixés par le SDRIF recommandent un développement prioritaire de la métropole dense parisienne dont les territoires sont particulièrement dynamiques en termes d'aménagement de transports et de construction de logements.

Il lui demande si elle compte revenir sur les décisions qui ont été prises et qui vont, sous prétexte de renforcer le dynamisme d'un territoire en devenir, amputer celui de ses voisins par le départ de plusieurs établissements de renom qui ont pourtant, grâce à l'ensemble des outils de communication modernes, largement les possibilités de collaborer étroitement in situ avec le campus de Saclay.

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Réponse du Ministère de l'égalité des territoires et du logement publiée le 25/07/2012

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2012

M. Philippe Kaltenbach. Madame la ministre, parmi les multiples volets du dossier du Grand Paris dont vous êtes chargée, celui de l'aménagement du plateau de Saclay est tout particulièrement sujet à discussion.

En effet, l'ancien président de la République, en visite sur ce site le 24 septembre 2010, avait confirmé son intention d'en faire, à tout prix pourrait-on dire, un pôle scientifique et technologique de classe mondiale, une Silicon Valley francilienne. Pour concrétiser rapidement son projet, M. Sarkozy s'est fortement impliqué dans la « délocalisation » vers le plateau de Saclay de plusieurs grandes écoles et centres de recherches franciliens.

Beaucoup de ces établissements sont implantés depuis de très nombreuses années dans le sud des Hauts-de-Seine. Ils y ont jusqu'ici poursuivi sans difficulté leur expansion. C'est notamment le cas de l'École normale supérieure et de la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, ou encore du centre de recherche et développement d'EDF à Clamart, qui compte plus de 1 000 salariés.

Les élus locaux de ces territoires n'ont pas manqué de dénoncer une méthode absurde consistant à déshabiller Pierre, le sud des Hauts-de-Seine, pour habiller Paul, c'est-à-dire les terres, aujourd'hui encore agricoles, de Saclay, et ce par le seul fait du prince.

Alors que la priorité reste aujourd'hui de limiter les déplacements pendulaires des Franciliens, quelle cohérence y a-t-il à implanter des milliers d'emplois dans une zone encore très peu dotée en logements et en transports ? Le projet de liaison rapide avec le plateau de Saclay, inclus dans celui du Grand Paris Express, continue de faire largement débat tant sur les importants financements qu'il va mobiliser que sur la forme qu'il prendra.

Ce projet, même s'il venait à se concrétiser, ne verrait pas le jour avant quinze ou vingt ans, créant jusqu'à cette échéance de nouveaux déplacements sur un réseau de transports, essentiellement routier, qui est largement saturé aux heures de pointe et inadapté à un nouvel afflux de voyageurs.

Je rappelle pour mémoire que figure parmi les objectifs du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, le développement prioritaire de la métropole dense parisienne. En effet, nos territoires sont aujourd'hui particulièrement dynamiques en termes d'aménagement de transports et de construction de logements. Pour le sud des Hauts-de-Seine, deux tramways desserviront prochainement ce secteur, le tramway T6, qui sera livré en 2014, et le tramway T11, qui reliera, à l'échéance 2018-2019, Antony-la Croix de Berny au centre de Clamart.

Madame la ministre, je souhaiterais connaître le sort que le Gouvernement entend réserver au plateau de Saclay dans le cadre du projet du Grand Paris. Ce sort conditionne aussi fortement l'avenir de nombreux autres territoires, dont le sud des Hauts-de-Seine. Comptez-vous revenir sur les décisions prises de façon précipitée qui vont, sous prétexte de renforcer le dynamisme d'un territoire en devenir, amputer celui de ses voisins par le départ de plusieurs établissements de renom ? Ces derniers ont pourtant largement, grâce à l'ensemble des outils de communication modernes, les possibilités de collaborer étroitement in situ avec le campus de Saclay.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, un certain nombre d'acteurs se sont impliqués depuis plusieurs années dans le projet de création d'un pôle scientifique de niveau mondial sur le territoire compris entre Massy et Saint-Quentin-en-Yvelines.

Ce projet fait aujourd'hui l'objet d'une opération d'intérêt national sur les secteurs stratégiques du plateau de Saclay, de la Minière et du plateau de Satory. La loi relative au Grand Paris du 3 juin 2010 a créé un établissement public, compétent en matière d'aménagement, de développement économique et de valorisation scientifique et chargé, sur le plan opérationnel, de l'implantation cohérente d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

J'ai bien conscience que le départ annoncé de certaines grandes écoles et centres de recherches franciliens vers Saclay constitue pour votre commune, et sans doute pour d'autres, une mauvaise nouvelle. Il est évident pour moi que ces déménagements ne devront pas se faire au détriment de vos territoires ou de leurs projets d'aménagement. Néanmoins, il ne m'appartient pas, et vous le savez, de revenir sur les décisions d'implantation prises par les écoles que vous avez mentionnées ou par le centre de recherche et développement d'EDF.

S'il n'est pas envisageable de revenir sur un processus déjà largement engagé, il m'appartient en revanche de l'accompagner et de créer les conditions favorables pour qu'un projet équilibré voie le jour. C'est pour cela que je peux vous assurer de ma vigilance sur trois points.

Je souhaite d'abord que la création d'un tel pôle scientifique en Île-de-France bénéficie à tout le territoire. Ses retombées scientifiques, l'effet d'entraînement sur l'économie et sur l'emploi devront rayonner sur toute la région. Plutôt qu'une concentration des moyens sur un territoire, je souhaite que le pôle scientifique de Saclay soit l'une des pièces maîtresses pour faire du Grand Paris un projet d'aménagement partagé par tous les Franciliens.

C'est pourquoi je veillerai également à ce que l'aménagement de cette vallée scientifique ne devienne pas le prétexte ou le vecteur d'opérations immobilières spéculatives au profit de quelques promoteurs peu vertueux.

Ensuite, et vous vous en doutez, je serai particulièrement attentive aux enjeux écologiques. La préservation des terres agricoles de Saclay est un préalable au développement du projet. La loi a déjà sanctuarisé 2 300 hectares de terres agricoles. Plus largement, j'imposerai une articulation cohérente du projet avec les orientations du SDRIF actuellement en discussion.

Enfin, l'association de toutes les collectivités concernées à ce projet, y compris celles qui sont concernées par un déménagement, sera déterminante pour la réussite du projet : je l'ai déjà dit, il nous faut, ensemble, penser les complémentarités, les équilibres sociaux, culturels, urbains, écologiques, dans une métropole solidaire et innovante. C'est ce défi, au cœur de l'égalité des territoires, que, ensemble, nous pourrons relever. Monsieur le sénateur, je compte sur vous.

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je note que vous serez extrêmement vigilante sur ce dossier. Je remarque également que le Gouvernement adopte une attitude différente, ce qui est normal compte tenu du changement de majorité ! Pendant plusieurs années, les décisions ont été imposées, notamment aux universités et aux centres de recherche.

Au sujet d'EDF, je rappelle pour mémoire que le centre de recherche de Clamart avait engagé un projet de reconstruction du site qui, du jour au lendemain, a été abandonné au profit de Saclay, et que les travaux de rénovation du centre de formation des Mureaux ont dû s'arrêter le jour où, suivant les recommandations du Gouvernement, l'entreprise a décidé de déplacer son centre de formation, là aussi à Saclay.

À chaque fois, on travaille dans la précipitation, rien n'est organisé et on joue les territoires les uns contre les autres.

De tels procédés sont inacceptables et entraînent de grandes contradictions et des difficultés dans la gestion de nos territoires.

J'ajoute que je suis extrêmement satisfait de votre volonté de préserver les terres agricoles de Saclay, qui, chacun le sait, sont très bonnes. Il faut en effet maintenir une agriculture de proximité en Île-de-France.

Madame la ministre, tout cela nécessite d'être redéfini, et je fais confiance au Gouvernement pour engager une réflexion permettant d'associer véritablement l'ensemble des élus, non seulement ceux de Saclay, qui sont directement concernés, mais également ceux des territoires situés aux alentours, ce qui se passe à Saclay ayant bien sûr des conséquences sur les territoires voisins, que ce soit en termes d'aménagement, de développement économique, de recherche scientifique ou de transports en commun.

À cet égard, nous devons nous atteler à nouveau au dossier du Grand Paris ; en effet, il faut quand même reconnaître que la ligne reliant l'aéroport d'Orly à la Défense via Versailles desservirait peu d'activités et peu d'habitants, malgré les coûts très importants que sa réalisation engendrerait. Une vraie réflexion doit être menée à ce sujet ; nous aurions intérêt à y associer l'ensemble des élus.

En tout état de cause, je suis satisfait de la manière dont le nouveau gouvernement appréhende ce dossier, et je vous en remercie.

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