Question de Mme SITTLER Esther (Bas-Rhin - UMP) publiée le 02/08/2012

Mme Esther Sittler attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur les distorsions de concurrence en matière de législation du travail dans le secteur du BTP entre la France et l'Allemagne.
La gestion des chantiers est de plus en plus globalisée, ils sont régulièrement attribuées à des entreprises européennes et ainsi, dans le cas de l'Alsace, à des entreprises allemandes.
Les entreprises allemandes ne sont pas plus performantes que les entreprises alsaciennes. La différence ne peut donc s'expliquer que par le taux horaire des salaires.
Le BTP allemand emploie massivement de la main d'œuvre polonaise, hongroise, roumaine ou encore bulgare avec des salaires très bas. Or, la loi allemande transposant la législation communautaire n'impose pas aux entreprises d'offrir aux détachés des rémunérations équivalentes à celles de leurs propres salariés. Elle les contraint uniquement à traiter leurs intérimaires avec les mêmes égards que leurs propres employés.
Les régimes de la prestation de service et du détachement sont donc détournés, ce qui aboutit à la mise en place de véritables filières de mise à disposition de personnel sans respect des règles du droit du travail en matière de rémunération et de durée de travail et sans assumer les charges imposées aux entreprises françaises.
Cette distorsion en matière de droit du travail s'accompagne de surcroît d'un certain nombre d'abus et dérives constatées par les professionnels du secteur : développement d'une activité pérenne en France sans création d'établissement secondaire, création de sociétés à l'étranger n'exerçant pas d'activité réelle dans le pays d'origine, ouverture d'un établissement réduit en France, les travaux étant ensuite réalisés par du personnel recruté à l'étranger et mis à disposition de l'entreprise établie en France, signature d'un marché par une entreprise établie en France ou dans un autre État et qui sous-traite ensuite les travaux à des entreprises recourant aux procédés précédemment décrits, remplacement de salariés en fin de période de détachement par d'autres salariés venant poursuivre la même activité, mise à disposition de travailleurs non salariés auprès d'entreprises françaises dans des conditions identiques à celles des salariés.
Cette situation très préoccupante suscite le désarroi des professionnels français du BTP, désarroi auquel il nous appartient de répondre et d'apporter des solutions.
C'est pourquoi elle lui demande quelles dispositions elle entend prendre pour remédier à ces distorsions de concurrence et ainsi assurer la pérennité d'un secteur menacé.

- page 1766

Transmise au Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social


Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 08/08/2013

L'attention du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a été appelée concernant les conditions d'intervention sur le territoire national, notamment dans le secteur du BTP, d'entreprises établies dans un autre pays membre de l'union européenne. Ces entreprises s'affranchissent des règles en proposant notamment leurs services à des coûts horaires très inférieurs à ceux pratiqués en France. Dans ce contexte il convient de présenter les initiatives envisagées ou déjà prises par le gouvernement afin d'apporter les solutions attendues et de mettre fin à ces pratiques de dumping social qui engendrent une concurrence déloyale. Le code du travail encadre strictement les conditions d'intervention en France des entreprises établies hors de France, conformément aux dispositions de la directive européenne 1996/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. L'entreprise prestataire étrangère doit notamment intervenir en France de façon temporaire (en fonction de la durée nécessaire à la réalisation d'une mission définie au préalable) et à la condition d'être régulièrement établie dans son pays d'origine et d'y justifier d'une activité significative. Une entreprise établie hors de France dont l'activité est entièrement orientée en France doit créer un établissement en France et ne peut pas se prévaloir du détachement. En ce qui concerne le droit du travail applicable, les entreprises étrangères intervenant en France au titre du détachement sont tenues de respecter certaines règles françaises (fixées par le code du travail ou les conventions collectives étendues) en matière de conditions de travail et d'emploi, notamment la rémunération, la durée du travail, la santé et les règles de sécurité au travail. Par ailleurs, elles doivent transmettre une déclaration préalable de détachement à l'inspection du travail du lieu d'exécution de la mission du salarié détaché. Enfin, l'entreprise cliente en France, en sa qualité de donneur d'ordre, a l'obligation de se faire remettre par l'entreprise étrangère un certain nombre de documents préalablement à la conclusion du contrat de prestation de services dès lors qu'il porte sur un montant au moins égal à 3000 euros. Sa responsabilité solidaire pourra être engagée s'il est prouvé qu'elle n'a pas accompli ces formalités et qu'un procès verbal pour travail dissimulé est relevé à l'encontre de l'entreprise ayant détaché des salariés. En matière de sécurité sociale, le règlement communautaire 883/2004 permet, sous certaines conditions, de limiter les changements de législation applicable pour de courtes périodes de détachement, en prévoyant le maintien de la législation de l'Etat d'envoi (ou Etat d'origine). Ainsi, en application de ce règlement, les entreprises prestataires établies hors de France (y compris les entreprises de travail temporaire) peuvent continuer à relever du régime de sécurité sociale de leur Etat d'établissement et y verser des cotisations sociales pendant et au titre de la période de détachement de leurs salariés en France. Pour la bonne application de ces règles dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'union européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la commission européenne a adopté en mars 2012 une proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la mise en œuvre de la directive de 1996. Cette proposition de texte prévoit différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement, à préciser les critères du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Dans le cadre des négociations entre les États membres relatives à ce projet, le gouvernement est extrêmement vigilant à sensibiliser l'ensemble des partenaires européens à la nécessité de mettre en place des mécanismes permettant de lutter efficacement contre les fraudes et les abus. Il est en particulier attentif à ce que soit maintenue une liste ouverte et non limitative des documents exigibles d'une entreprise à l'occasion d'un contrôle, et à ce que soit affirmé un principe de responsabilité solidaire du donneur d'ordre vis-à-vis du sous-traitant dans le secteur du bâtiment. En termes de contrôle, il convient de souligner que le secteur du BTP reste en 2011 le secteur le plus contrôlé (avec 41 % des contrôles) et le plus verbalisé (avec un taux d'infraction voisin de 15 %). En outre, en ce qui concerne le volet « prévention », plusieurs initiatives ont été engagées avec les partenaires sociaux dans le cadre du protocole sur la prévention du travail illégal et les bonnes pratiques de la sous-traitance dans le BTP, qui a été conclu le 25 octobre 2005 entre les ministères du travail et de l'équipement et plusieurs organisations professionnelles. Enfin le Gouvernement reste attentif à ce que la mobilisation des services soit encore renforcée dans les mois à venir, tant dans ses aspects préventif que répressif. A cet égard la commission nationale de lutte contre le travail illégal réunie le 27 novembre 2012 a dressé le bilan des actions déjà engagées par les services de l'Etat et les organismes de recouvrement des cotisations sociales et fixé les axes prioritaires du plan national d'action pour les années 2013 à 2015. Il doit être signalé que ce plan retient parmi cinq objectifs prioritaires le renforcement de la lutte contre les fraudes au détachement dans le cadre de prestations de services transnationales, notamment dans le secteur du BTP.

- page 2385

Page mise à jour le