Question de Mme JOISSAINS Sophie (Bouches-du-Rhône - UMP) publiée le 06/09/2012

Mlle Sophie Joissains attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique sur l'essoufflement dramatique des trésoreries du BTP, conséquence de la mise en œuvre de la réduction des délais de paiement imposée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (dite LME). Les entreprises du bâtiment pâtissent d'un déséquilibre grandissant entre, d'un côté, des délais fournisseurs plus courts et, de l'autre, des délais clients qui, eux, demeurent inchangés, voire au contraire augmentent. Nos PME et TPE qui jusqu'à présent sont parvenues à préserver l'appareil de production et l'emploi dans le département poussent un cri d'alarme. Il peut être mis fin à cette situation inéquitable par deux évolutions ciblées sur les marchés de travaux privés. La première évolution viserait à imposer le paiement des acomptes mensuels et du solde dans un délai maximum de 30 jours comptés à partir de l'émission de chaque demande de paiement. Le règlement rapide des situations mensuelles et du solde s'impose en effet pour compenser la perte de crédit fournisseur. La seconde évolution concerne la sanction des retards de paiement : il s'agirait de donner expressément à l'entrepreneur le droit de suspendre l'exécution de ses travaux après une mise en demeure restée infructueuse mais aussi d'imposer au client le versement d'intérêts moratoires à un taux réellement dissuasif. Pour assurer une efficacité totale à ce dispositif, il est crucial qu'il ait un caractère d'ordre public, interdisant toute clause, stipulation ou arrangement ayant pour objet de lui faire échec. Elle souhaite connaître son avis sur ce type de mesures de nature à corriger les conséquences dommageables de la loi LME pour le bâtiment, mesures urgentes et nécessaires pour préserver le tissu entrepreneurial de nos territoires.

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Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 17/01/2013

Les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) peuvent se trouver confrontées à des problèmes de trésorerie en raison d'un déséquilibre entre des délais de paiement des fournisseurs, plus courts depuis la loi de modernisation de l'économie (LME), et des délais de paiement des clients inchangés. Ainsi qu'a pu le relever l'observatoire des délais de paiement, dans ses rapports 2010 et 2011, les entrepreneurs du bâtiment peuvent ainsi être victimes d'un « effet ciseau » en matière de délais de paiement, particulièrement dans le cadre des marchés de travaux privés. Il faut noter que jusqu'au 31 décembre 2011, un accord dérogatoire aux délais de paiement couvrait la filière des produits, bois, matériaux et services pour la construction et la décoration dans le secteur du bâtiment et des travaux publics prévoyant une réduction par palier vers les délais de droit commun. La LME a réformé le cadre général applicable aux relations commerciales en introduisant le principe d'un plafonnement des délais de paiement convenus entre les parties à 45 jours fin de mois ou 60 jours date d'émission de la facture. Ce dispositif a pris sa pleine mesure à compter du 1er janvier de cette année, date d'expiration des accords dérogatoires. Les bénéfices de la réduction des délais de paiement interentreprises sont unanimement reconnus, comme en témoignent les travaux de l'observatoire des délais de paiement. Il n'en demeure pas moins que certains maîtres d'ouvrage, soumis aux conditions de règlement prévues par le code de commerce, ne respectent pas ces dispositions. C'est pourquoi l'article 121 IV de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification et à l'allègement des démarches administratives rappelle que les professionnels opérant dans le secteur des marchés de travaux privés sont soumis aux plafonds des délais de paiement prévus par le code de commerce et issus de la LME. Ces plafonds s'appliquent au règlement des acomptes mensuels et du solde des marchés de travaux privés. L'objectif du Gouvernement demeure de veiller à la bonne application de la LME. Les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes effectuent annuellement, depuis 2009, une enquête multisectorielle en matière de délais de paiement. Pour l'année 2011, 2001 entreprises ont ainsi été contrôlées sur ce point, et les manquements relevés peuvent donner lieu à des suites contentieuses tant devant le juge pénal que devant le juge civil, le dépassement des délais de paiement convenus ou l'exigence d'un différé de facturation entraînant la responsabilité du débiteur sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce. Il a été décidé, en 2012, d'inclure le secteur du bâtiment dans cette enquête nationale multisectorielle de contrôle des délais de paiement interprofessionnels. L'analyse et la synthèse des contrôles effectués et des suites données lors de cette enquête seront diffusées en fin d'année. Dans le cadre de ces contrôles, les entrepreneurs sont régulièrement invités à s'adresser aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi afin de porter à leur connaissance tout manquement à la réglementation dont ils s'estiment victimes. L'efficacité du plafonnement des délais de paiement est renforcée par l'institution légale d'une exception d'inexécution au bénéfice de l'entrepreneur du bâtiment. L'article L. 111-3-1 du code de la construction et de l'habitat, introduit par l'article 121 IV de la loi précitée, prévoit désormais que lorsque l'entrepreneur n'est pas payé dans les temps, il peut suspendre l'exécution des travaux quinze jours après avoir, sans succès, mis son débiteur en demeure de s'exécuter. Par ailleurs, l'article L. 441-6 du code de commerce prévoit expressément que les pénalités de retard sont exigibles de plein droit et sans qu'un rappel ne soit nécessaire. Ainsi, tout retard de paiement doit entraîner le versement par le débiteur, en sus du principal, de pénalités de retard calculées sur la base d'un taux dont les planchers sont fixés par le code de commerce. Ces pénalités ne sont d'ailleurs pas exclusives de toute autre somme pouvant être obtenue à titre d'indemnisation. De plus, l'article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives prévoit, au c) du 1° du I, que « tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret ». Cette indemnité a pour objet de compenser les frais de recouvrement exposés en cas de retard de paiement et de décourager les paiements tardifs. Le décret n° 2012-1115 du 2 octobre 2012 fixe le montant de cette indemnité forfaitaire à 40 €. Le Gouvernement réfléchit à des pistes de réformes pour améliorer le dispositif de sanctions relatif aux délais de paiement. Ces réformes permettraient une réponse plus rapide en cas de non-respect des délais réglementés et permettraient d'appréhender aussi plus facilement les nombreuses pratiques de contournement des dispositions légales.

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