Question de M. LARCHER Gérard (Yvelines - UMP) publiée le 26/10/2012

Question posée en séance publique le 25/10/2012

M. Gérard Larcher. Je regrette l'absence du Premier ministre, car c'est à lui que s'adressait ma question.

Mesdames, messieurs les ministres, le Conseil constitutionnel a annulé hier soir la loi relative au logement que vous aviez présentée au début du mois de septembre dernier. Ce n'est pas un couac, comme j'ai pu l'entendre, c'est un camouflet.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !

M. Roger Karoutchi. Voilà !

M. Gérard Larcher. Le Gouvernement a violé la Constitution en refusant d'appliquer correctement les principes de la procédure législative.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Gérard Larcher. Il a ignoré les droits du Parlement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Effectivement !

M. Gérard Larcher. Mieux encore, le Premier ministre a porté atteinte à l'indépendance du Conseil constitutionnel en annonçant le matin même une décision qui n'était pas encore rendue.

M. Jean-Claude Gaudin. Ça alors !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très juste.

M. Gérard Larcher. Le Premier ministre a prétendu qu'il s'agissait d'un « cafouillage parlementaire ». Or je ne crois pas que tel soit le cas : c'est bel et bien un cafouillage du Gouvernement, non du Sénat, et encore moins de la commission des affaires économiques, dont j'ai relu avec beaucoup d'attention le compte rendu des travaux.

M. Jean-Claude Gaudin. Bien sûr.

M. Gérard Larcher. Faut-il rappeler les raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel a fait droit à notre recours ?

Vous avez fait pression sur le Sénat pour que nous délibérions en séance publique sur le texte du Gouvernement, et non sur le texte modifié par la commission, ce qui est pourtant, depuis 2008, une obligation constitutionnelle. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En effet.

M. Charles Revet. Ils se sont assis sur la Constitution !

M. Gérard Larcher. En fait, vous n'en êtes pas à votre coup d'essai. Vous n'avez pas respecté la Constitution au début du mois de juillet dernier, en refusant d'organiser une séance de questions. Le Conseil constitutionnel vous a alors sèchement rappelé à l'ordre. Depuis l'élection du Président de la République François Hollande, 100 % des cinq textes législatifs qui ont été examinés l'ont été selon la procédure accélérée. Pas une loi ordinaire n'a été examinée normalement.

M. François Grosdidier. C'est scandaleux !

M. Gérard Larcher. Vous contournez les délais pour feindre l'action.

Je me tourne à présent vers le président du Sénat, pour lui rappeler que, ces dernières années, il était très attentif à cette question de la procédure accélérée, sur laquelle il revenait régulièrement auprès du président du Sénat que j'étais alors. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

Un sénateur du groupe UMP. La fonction change l'homme !

M. Gérard Larcher. En fait, la décision du Conseil constitutionnel marque un tournant. Elle consacre le renforcement du rôle du Parlement que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont voulu en 2008.

M'adressant, faute de Premier ministre, au ministre chargé des relations avec le Parlement, je poserai une question simple : allez-vous enfin respecter le Parlement ? Allez-vous enfin respecter l'opposition ?

M. Alain Gournac. Voilà !

M. Gérard Larcher. À cet égard, notre séance d'hier sur le dossier des normes applicables aux collectivités territoriales ne m'a pas rassuré…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C'est le moins que l'on puisse dire ! Hier a été une bien mauvaise journée.

M. Gérard Larcher. Allez-vous enfin respecter la Constitution ?

J'ajoute à ma question une requête. Je vous demande solennellement, quand vous soumettrez le texte sur le logement social au Parlement, d'utiliser la procédure normale ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. Allez-vous le voter ?

M. David Assouline. Mais vous êtes contre le logement social !

M. Gérard Larcher. En effet, ce sujet est essentiel pour nombre de Français parmi les plus modestes et pour nos collectivités locales. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Il mérite un véritable débat, donc deux lectures, dans chacune de nos assemblées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous avez peur des 25 % de logements sociaux !

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Réponse du Ministère chargé des relations avec le Parlement publiée le 26/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2012

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Larcher, vous ressentez comme un camouflet pour le Gouvernement la décision qui a été rendue hier par le Conseil constitutionnel.

M. Bruno Sido. C'est le cas !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Dans sa grande sagesse - cela ne vous a pas échappé ; c'est assez rare -, le Conseil constitutionnel a précisé (Protestations sur les travées de l'UMP.)...

M. Pierre Charon. Respectez le Conseil constitutionnel !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. ... dans son communiqué qu'il avait déjà été amené à annuler des lois pour cause de non-respect de la procédure.

Ce fut le cas, notamment, dans une décision du mois de juin 2011, de la loi sur le conseiller territorial (Exclamations sur les travées de l'UMP.)...

M. Pierre Charon. Cela n'a rien à voir !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. ... pour des faits très graves, parce que le Gouvernement que vous souteniez, monsieur Larcher, et la majorité qui était encore celle de cette assemblée avaient ignoré les droits du Sénat. (M. Alain Néri s'exclame.) À l'époque, vous avez dû ressentir cette décision comme un super-camouflet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Et voilà ! C'est la réponse du berger à la bergère.

M. Alain Néri. Cela s'appelle un boomerang !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Quand des erreurs se produisent, il faut aussi rappeler, comme le Conseil constitutionnel l'a fait d'ailleurs, celles que vous avez commises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C'est petit.

M. Christian Cambon. Quel tour de passe-passe !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. J'en viens à la décision rendue hier par le Conseil constitutionnel, car il faut rappeler ce qui s'est passé.

Je crois que vous êtes suffisamment bon juriste, monsieur Larcher, pour savoir qu'un mot dans votre question n'est pas juste : vous ne pouvez affirmer ici, sauf à vous expliquer davantage, que le Gouvernement aurait fait pression sur le Sénat pour que le débat porte sur le texte qu'il avait déposé.

En réalité, - les documents annexés à la décision du Conseil constitutionnel le montrent bien - il y a eu une décision de la conférence des présidents, dont les membres ont choisi d'utiliser l'exception prévue à l'article 42 de la Constitution. Ils avaient raison et nous avons accepté leur décision. Celle-ci a d'ailleurs été contestée par les partisans de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Toutefois, les juristes pourront observer que le débat n'est pas complètement vidé par la décision du Conseil constitutionnel :...

M. Ladislas Poniatowski. Assumez de temps en temps !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. ... le président du Sénat a écrit au Conseil constitutionnel pour défendre la position qui était la nôtre et qui était juste. Malheureusement, la Haute Juridiction a considéré que le Sénat ne pouvait à la fois laisser sa commission délibérer et examiner en séance le texte du Gouvernement. (Exclamations sur les travées de l'UMP. - M. Alain Gournac brandit la une du journal Libération du 25 octobre 2012, qui titre sur « Les apprentis » au-dessus de la photographie du Président de la République et du Premier ministre.)

M. Christian Cambon. Cela cafouille...

M. Roger Karoutchi. La démonstration n'est pas brillante.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Telle est l'origine de la décision. Celle-ci est normale, puisque la procédure, c'est le Conseil constitutionnel qui la contrôle.

La situation d'aujourd'hui ne peut faire oublier le fond du débat. Monsieur Larcher, vous avez rappelé que vous étiez très attaché à la question du logement social. (M. François Grosdidier s'exclame.) Pour ma part, j'observe que vous avez jusqu'à présent marqué cet attachement en combattant les mesures favorables à la création de logements sociaux (Protestations sur les travées de l'UMP.), à la mobilisation du foncier public, à la définition de nouvelles obligations pour les communes, notamment pour celles que vous protégez, comme Neuilly-sur-Seine ! (Même mouvement.)

Telle est la question qui intéresse les Français. C'est pour mener cette politique que nous avons été élus, et, au-delà des incidents de procédure, nous la mettrons en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

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