Question de M. AMOUDRY Jean-Paul (Haute-Savoie - UDI-UC) publiée le 15/11/2012

M. Jean-Paul Amoudry attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la réforme entreprise des rythmes éducatifs, devant conduire à une réorganisation du temps scolaire. En effet, la lecture du rapport établi suite à la concertation organisée sur la refondation de l'école, suscite plusieurs interrogations quant à l'impact de certaines mesures sur l'administration des collectivités territoriales.

En premier lieu, l'obligation d'accueil de tous les enfants scolarisés en primaire et durant les deux premières années du collège jusqu'à 16 h 30, voire 17 h 00, alors que le nombre d'heures de cours par jour sera limité à 5 heures, nécessitera une organisation du temps périscolaire complémentaire à la charge des collectivités territoriales.

La mise en place d'une semaine de quatre jours et demi à l'école primaire aura, également, des incidences non négligeables sur le coût des transports scolaires.

Enfin, l'allongement d'une à deux semaines de la durée de l'année scolaire aura des répercussions sur le coût des services périscolaires (transports et restauration scolaires, garderie périscolaire, surveillance et sécurité aux abords des groupes scolaires…).

C'est pourquoi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement a fait procéder à une étude d'impact des mesures projetées, et les dispositions qu'il envisage de prendre pour que les collectivités territoriales aient les moyens de mettre en œuvre la réforme selon les modalités annoncées.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 19/12/2012

Réponse apportée en séance publique le 18/12/2012

M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos ne doit pas laisser penser que je ne partagerais pas la conviction de tous les élus de France, pour qui l'enfant, et l'école, doivent être considérés comme l'une des premières priorités - sinon la première - de nos politiques publiques.

Cela dit, les annonces du Gouvernement relatives à la réorganisation du temps scolaire suscitent beaucoup d'inquiétudes et d'interrogations, en raison de l'impact prévisible que cette réforme entraînera sur l'administration des collectivités territoriales.

Tout d'abord, l'obligation d'accueil de tous les enfants scolarisés en primaire jusqu'à seize heures trente, voire dix-sept heures, alors que le nombre quotidien d'heures de cours sera limité à cinq, requerra une organisation spéciale des activités périscolaires, à la charge des collectivités territoriales.

Ensuite, la mise en place d'une semaine de quatre jours et demi à l'école primaire aura des incidences non négligeables sur le coût des transports scolaires. Ces frais supplémentaires, financés pour l'essentiel par les départements, créeront inévitablement une inégalité de traitement entre les territoires, au préjudice de ceux dont les distances entre domicile et école sont les plus importantes.

Enfin, l'allongement d'une à deux semaines de la durée de l'année scolaire aura des répercussions sur le coût des services périscolaires. Je pense notamment aux transports et à la restauration scolaires, à la garderie périscolaire, ainsi qu'à la surveillance et à la sécurité aux abords des groupes scolaires.

Même si, encore une fois, les élus des collectivités adhèrent très majoritairement au principe d'une meilleure organisation des temps éducatifs de l'enfant, ils demeurent préoccupés par les incidences financières de la réforme sur les budgets locaux, d'autant que la nature des activités organisées hors temps scolaires, les statuts des intervenants, ou encore les normes d'encadrement ne sont, à ce jour, pas définis.

Au-delà de la question du financement de ces mesures, la mobilisation des ressources humaines entraînera des difficultés dans les plus petites communes, rurales et de montagne, dépourvues de personnels compétents, et ne disposant pas de structures sportives et culturelles pour accueillir les écoliers après le temps scolaire.

Dans ces conditions, pourriez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, si le Gouvernement a procédé à une étude d'impact des mesures projetées sur l'administration des collectivités territoriales, en matière de moyens tant humains que financiers ?

Quelles sont les dispositions envisagées pour que cette réforme des rythmes scolaires n'induise pas des inégalités excessives entre les élèves scolarisés dans les communes disposant de moyens suffisants et ceux qui sont accueillis dans des communes qui ne seront pas en mesure de leur offrir un niveau d'encadrement équivalent ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir rappelé un objectif auquel nous souscrivons tous, quelle que soit notre tendance politique : le nécessaire retour à la semaine de quatre jours et demi de classe.

Je vous le rappelle, voilà seulement quatre ans que la semaine de quatre jours a été mise en place. Elle cause un préjudice extrêmement grave aux enfants de notre pays et nous place dans une situation unique en Europe. Elle est la manifestation, je dois le dire, d'une forme d'abandon de notre jeunesse. Elle est au cœur de nos préoccupations pour la France. Le constat tiré, semaine après semaine - la semaine dernière encore -, est terrible. Des évaluations internationales montrent à quel point la France est en situation difficile en matière d'apprentissages fondamentaux, inculqués à l'école primaire.

Il faut donc revenir à 180 jours de classe par an, au lieu de 144. Cela suppose un retour à la situation prévalant en 2008, ce qui ne semble pas impossible.

Je tiens également à vous dire, monsieur le sénateur, que vous avez raison : les budgets sont contraints. Nous avons tous des choix à faire. L'État a défini les siens. Ainsi, lorsque nous choisissons, dans la situation budgétaire qui est la nôtre, de donner la priorité aux élèves et aux enfants de France, cela coûte, vous l'aurez observé, un certain nombre de postes à d'autres ministères, sans que cela remette en cause l'objectif de maîtrise des finances publiques. Gouverner, c'est aussi choisir, à l'échelle nationale comme à l'échelle locale.

J'en viens plus précisément à la question que vous posez, monsieur le sénateur. Nous avons reçu l'ensemble des associations d'élus. Désireuses de bien faire, elles peuvent avoir besoin d'être aidées ; la dernière partie de votre question en témoigne également. Pour cette raison, le Président de la République a souhaité la création d'un fonds d'amorçage, dont il a évalué la dotation à 250 millions d'euros.

Le Premier ministre, qui a, lui aussi, rencontré toutes les associations d'élus, fera connaître ses arbitrages dans les quarante-huit heures à venir. Ils se feront dans le souci d'attribuer à chaque commune ce que l'on pourrait appeler une « part universelle », tout en accordant une attention scrupuleuse aux communes, urbaines comme rurales, qui éprouvent des difficultés particulières et qui ont donc besoin d'un supplément d'aide pour articuler les temps scolaire et éducatif de manière satisfaisante.

Ces arbitrages seront rendus dans les jours qui viennent, après une consultation de l'ensemble des élus. Ils garantiront que cette réforme, que tout le monde souhaite mais que personne n'a voulu faire, ce qui fut préjudiciable aux enfants, puisse être mise en œuvre obligatoirement au début de l'année 2013, même si des dérogations seront possibles jusqu'en 2014. À cette date, cependant, tous les enfants de France auront des semaines de classe de quatre jours et demi. C'est leur intérêt et celui de la France.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos explications et des perspectives que vous ouvrez.

Je veux simplement souligner un point : le fonds annoncé par le Président de la République est une dotation dont les effets seront limités dans le temps, alors que les dépenses seront permanentes, surtout pour les collectivités les moins riches. C'est un souci que je partage avec les élus, que l'annonce d'une réduction des dotations de l'État aux collectivités territoriales pour les trois années à venir ne vient pas apaiser.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que la situation puisse susciter des interrogations. Les élus ont besoin d'avoir des garanties, surtout à un moment où il est de bon ton de mettre les collectivités territoriales sur la sellette et de considérer que la nécessaire réduction de la dépense publique doit commencer par elles.

Je tiens également à souligner que la perspective de la scolarisation à partir de deux ans peut aussi accroître les charges des collectivités.

Je souhaite que le Gouvernement veille à inclure ces questions au sein des projets de loi sur l'école et sur les collectivités territoriales, dont on nous annonce l'examen prochain. Il faudrait également les intégrer à la réflexion sur le numérique à l'école. En effet, nous ne voudrions pas que cet enjeu majeur puisse être un facteur supplémentaire de déséquilibre et de rupture de l'égalité des chances, entre, pour faire simple, les jeunes issus des centres urbains et ceux qui sont implantés dans des secteurs plus éloignés, où, nous le savons, le réseau numérique aura plus de difficultés à parvenir.

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