Question de Mme BLANDIN Marie-Christine (Nord - ECOLO) publiée le 27/12/2012

Mme Marie-Christine Blandin attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur l'efficacité de l'utilisation de l'argent public à partir du cas de l'entreprise INDRA SAS.

La reconversion du site lourdement pollué de METALEUROP a donné lieu à un projet de réindustrialisation adossé au complexe SITA AGORA porteur de plusieurs éco-entreprises. INDRA SAS y assure depuis 2009 le démontage et le recyclage de véhicules hors d'usage (VHU). Ses actionnaires sont SITA SUEZ et RENAULT, à parts égales. Cette ré-industrialisation sur un site lourdement pollué, dans un territoire sinistré fut une bouffée d'oxygène.

SITA AGORA n'a été possible qu'avec des subventions cumulées :
- le fonds spécial d'implantation de la région Nord Pas de Calais : 950 000 euros, conditionnés à la création d'emplois dont 625 000 € ont été versés ;
- la prime d'aménagement du territoire : l'État a versé 2850 K€ ;
- le FEDER : l'Europe a versé 1900 K€.

Le concept de déconstruction automobile est unique, avec ses 85 % de réemploi, recyclage ou valorisation des matériaux, et son réseau national de vente de pièces. Adossé à un département recherche et développement, INDRA SAS garde en vue l'objectif de 95 % de valorisation voulu par l'Union européenne. Pourtant, aujourd'hui le site de Noyelles Goldault est sur le point de fermer, trois ans après son ouverture, supprimant les 35 emplois, laissant dans le plus grand désarroi des hommes qui avaient cru au projet.

Installés en piquet de grève, ils posent de vraies questions : alors que le processus est innovant, que l'outil de travail est en bon état, que la rentabilité est crédible même en dehors des primes à la casse, alors que 11 000 VHU par an suffisent sur les 2,5 millions disponibles, pourquoi a-t-on laissé plomber la rentabilité de l'entreprise par un loyer démesuré (de l'ordre du million d'euros par an pour une terre non constructible non cultivable) ?

On ne peut que se perdre en conjectures quand on découvre que c'est à SITA AGORA propriétaire du terrain, que INDRA paye le loyer, elle dont l'actionnaire n'est autre que SITA FRANCE, dont SITA AGORA n'est qu'une filiale… Pendant ce temps INDRA SAS prospecte dans d'autres régions, et installe son process à Saint Nicolas de Redon, bénéficiant d'une aide régionale d'un montant de 150 000 €.

Elle lui demande donc quelles garanties le Gouvernement se donne pour que l'usage des subventions ne soit pas dévoyé dans un système comptable interne au groupe via le biais de filiales ou dans un nomadisme opportuniste au gré des subventions versées par les collectivités, l'État et l'Europe.

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Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 06/02/2013

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2013

Mme Marie-Christine Blandin. J'attire l'attention de M. le ministre du redressement productif et, ce faisant, de Mme la ministre chargée des petites et moyennes entreprises, que je remercie de sa présence, sur l'efficacité de l'utilisation de l'argent public à partir du cas de l'entreprise INDRA SAS.

La reconversion du site lourdement pollué de Metaleurop a donné lieu à un projet de réindustrialisation adossé au complexe SITA AGORA porteur de plusieurs éco-entreprises. INDRA SAS y assure depuis 2009 le démontage et le recyclage de véhicules hors d'usage. Ses actionnaires sont SITA Suez et Renault, à parts égales.

Cette réindustrialisation sur un site lourdement pollué, dans un territoire sinistré, fut une bouffée d'oxygène.

SITA AGORA n'a été possible qu'avec des subventions cumulées : 950 000 euros provenant du fonds spécial d'implantation de la région Nord-Pas-de-Calais et conditionnés à la création d'emplois, dont 625 000 euros ont été versés ; la prime d'aménagement du territoire, pour laquelle l'État a versé 2,85 millions d'euros ; le Fonds européen de développement régional, le FEDER, pour lequel l'Europe a versé 1,9 million d'euros.

Le concept de déconstruction automobile est unique, avec ses 85 % de réemploi, recyclage ou valorisation des matériaux, et son réseau national de vente de pièces. Adossé à un département de recherche et développement, INDRA SAS garde en vue l'objectif de 95 % de valorisation voulu par l'Union européenne.

Pourtant, aujourd'hui, le site de Noyelles-Godault est sur le point de fermer, trois ans après son ouverture, avec pour conséquence la suppression de trente-cinq emplois, laissant dans le plus grand désarroi des hommes qui avaient cru au projet.

Installés en piquet de grève, ils posent de véritables questions : alors que le process est innovant, que l'outil de travail est en bon état, que la rentabilité est crédible même en dehors des primes à la casse, alors que 11 000 véhicules hors d'usage par an suffisent sur les 2,5 millions disponibles, pourquoi a-t-on laissé plomber la rentabilité de l'entreprise par un loyer démesuré, de l'ordre du million d'euros par an pour une terre non constructible, non cultivable ?

On ne peut que se perdre en conjectures quand on découvre que c'est à SITA AGORA, propriétaire du terrain, que INDRA paye le loyer, elle dont l'actionnaire n'est autre que SITA FRANCE, dont SITA AGORA n'est qu'une filiale...

Pendant ce temps, INDRA SAS prospecte dans d'autres régions et installe son process à Saint-Nicolas-de-Redon, bénéficiant d'une aide régionale d'un montant de 150 000 euros.

Madame la ministre, quelles garanties le Gouvernement compte-t-il se donner pour que l'usage des subventions ne soit pas dévoyé dans un système comptable interne au groupe via des filiales ou dans un nomadisme opportuniste, au gré des subventions versées par les collectivités, l'État et l'Europe ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, afin de soutenir les projets d'investissements et de création d'emplois, l'État, vous le savez, dispose de divers dispositifs, notamment la prime à l'aménagement du territoire, ou PAT, et l'aide à la ré-industrialisation, ou ARI.

Ces dispositifs ont démontré leur efficacité et, dans le cadre de sa politique de redressement productif, le Gouvernement a ainsi décidé de dégager une dotation supplémentaire de 120 millions d'euros pour l'aide à la ré-industrialisation, avec l'objectif de soutenir une trentaine de nouveaux projets.

Ces aides, la PAT et l'ARI, permettent d'accompagner des projets solidement étayés, de long terme, en vue de créer des emplois pérennes. Elles sont accordées sous la condition de la réalisation d'investissements et de la création d'emplois, avec des engagements précis de la part des bénéficiaires en termes de montants et de nombre d'emplois à créer et à maintenir sur une période d'au moins cinq ans.

Dans le cas où ces engagements ne sont pas respectés, les entreprises bénéficiaires sont naturellement contraintes de rembourser les aides. Le Gouvernement entend que ce principe soit respecté et il y sera particulièrement attentif.

Pour faire face aux conséquences économiques, sociales, environnementales et sanitaires constatées à la fermeture de Metaleurop Nord à Noyelles-Godault, le groupe Suez, et plus spécifiquement sa filiale SITA, s'est porté volontaire pour réhabiliter et réindustrialiser la partie industrielle du site.

Ce projet comportait deux grandes phases distinctes : la dépollution, la déconstruction et le confinement des sources de pollution ; la constitution d'un écopôle, assurant le redéploiement économique sur des activités liées aux éco-industries.

Le site est aujourd'hui réhabilité et il est devenu un écopôle unique en France par sa taille et la variété de ses prestations de traitement de déchets non dangereux. Le projet a permis la création de 125 emplois à durée indéterminée en équivalents temps plein.

Afin de permettre la concrétisation de ce projet et de ses divers volets de création de nouvelles activités, l'État et les collectivités se sont mobilisés au travers de subventions à l'investissement significatives, octroyées à SITA, maître d'œuvre du projet global, en distinguant chacun de ses volets. Ces subventions ont été accordées sous la condition de la réalisation d'investissements et de la création d'emplois, en prévoyant un remboursement des aides dans le cas de non-respect de ces conditions.

La convention FEDER - 1,9 million d'euros de subvention décidée - prévoyait une fin de programme d'investissements au 31 décembre 2008, avec une clause de création d'emploi au 30 juin 2010. À cette échéance, les emplois créés étaient au nombre de 125 CDI en équivalents temps plein sur les différentes entités juridiques concernées - dont 27 pour INDRA - au regard de l'objectif de 190. Seul un acompte de 730 000 euros a été versé, à comparer aux 1 578 900 euros auquel le bénéficiaire pouvait prétendre au regard des clauses de la convention.

La convention PAT - 2 836 200 euros de subvention décidée - prévoyait, quant à elle, une fin de programme d'investissements au 17 août 2011. À cette échéance, les emplois créés étaient de 125 CDI en équivalent temps plein sur les différentes entités juridiques concernées - dont 23 pour INDRA -, au regard d'un objectif de 174. Seul un acompte de 945 400 euros, soit un tiers de l'aide décidée, a été versé, à comparer à un niveau de 2,4 millions d'euros auquel le bénéficiaire pouvait prétendre au regard des clauses de la convention.

Pour estimer l'impact sur les subventions qu'aurait l'arrêt définitif du site de déconstruction de véhicules hors d'usage, les services de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, la DIRECCTE, ont demandé à SITA de distinguer les investissements se rapportant au seul programme VHU, information non encore disponible à ce jour.

Toutefois, le programme VHU ne correspondant qu'à environ 20 % de la globalité du site, les montants d'acomptes versés sur les subventions FEDER et PAT sont significativement inférieurs à ce à quoi SITA peut prétendre. L'arrêt définitif de l'unité véhicules hors d'usage induirait donc, non plus le remboursement de subventions, mais au contraire des versements complémentaires, à ajuster en fonction de l'effectif réellement maintenu sur l'ensemble du site.

Il faut donc bien faire la distinction entre les subventions prévues mais conditionnées à des objectifs stricts en termes d'investissements et d'emplois, maintenus sur le long terme, et les montants effectivement versés à ce jour.

Au regard du « poids » relatif du projet VHU par rapport à l'ensemble de l'écopôle SITA-AGORA, aucune subvention versée par l'État ou par l'Europe ne risque aujourd'hui d'être indûment conservée par SITA.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'activité de déconstruction automobile de la société INDRA, une solution de reprise est activement recherchée. Dans ce cadre, si un accompagnement financier public est apporté, il profitera exclusivement à la société repreneuse et non pas aux sociétés INDRA ou SITA.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Je tiens à apporter quelques précisions complémentaires.

L'activité de l'INDRA représente 14,6 % du total de son investissement et 23 % des emplois. J'ajoute que la région a versé 2 500 000 euros pour la dépollution, que vous mettiez au seul compte de l'entreprise.

J'entends bien que l'argent est contrôlé et repris lorsque les engagements ne sont pas respectés. Mais derrière, il y a de l'humain, il y a des entreprises nomades, il y a des gens qui croient qu'ils sont embauchés, soutenus par de l'argent public et que l'on jette le lendemain pour aller s'installer ailleurs.

Si nous pouvons être satisfaits de la traçabilité de l'argent public, humainement et pour le développement économique d'une région, le compte n'y est pas.

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