Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 01/02/2013

Question posée en séance publique le 31/01/2013

Concerne le thème : Le commerce extérieur

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le commerce extérieur de notre pays est déficitaire ; il est réalisé pour plus de 60 % avec les pays de l'Union européenne. Cette réalité essentielle, si elle pose la question de la construction européenne, doit sans cesse être rappelée pour que nous ne fassions aucune erreur dans le diagnostic de nos difficultés.

D'ailleurs, si nous allions plus loin dans l'analyse, nous nous rendrions compte que notre déficit résulte assez largement de l'inégalité de nos échanges avec l'Allemagne. En 2011, par exemple, nous avons totalisé 17 milliards d'euros de déficit commercial avec notre premier partenaire économique.

Cependant, ma question porte sur un autre sujet. La France n'a sans doute pas attendu l'instauration, par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2012, du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi pour mettre en œuvre une politique favorisant l'implantation de ses entreprises à l'étranger et leur coopération avec des entreprises extérieures, ces deux objectifs étant autant de points d'appui de notre commerce extérieur.

La pratique des investissements extérieurs a d'ailleurs été si peu mise en œuvre qu'en 2013 Sanofi, première capitalisation boursière de la place de Paris, fait fabriquer à l'étranger 50 % de ses médicaments génériques vendus en France. De même, Peugeot réimporte la majorité des modèles vendus dans l'Hexagone, tandis que Renault construit à l'étranger plus de 70 % de ses équipements et les deux tiers de ses voitures vendues en France.

Ces choix, plus souvent guidés par un objectif de rentabilité financière que par une volonté de coopération, pourtant nécessaire, avec l'étranger ou par un souci de qualité de nos échanges extérieurs, sont mortifères pour l'emploi industriel et coûteux pour notre commerce extérieur.

Au moment où ces entreprises mettent en place des plans sociaux et suppriment des emplois, que compte faire le Gouvernement pour peser sur leur stratégie afin de maintenir et de développer l'emploi industriel en France, tout en réduisant notre déficit commercial ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Jean-Pierre Sueur et Claude Bérit-Débat applaudissent également.)

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Réponse du Ministère du commerce extérieur publiée le 01/02/2013

Réponse apportée en séance publique le 31/01/2013

Mme Nicole Bricq, ministre. Force est de constater que, dans la première phase de la nouvelle mondialisation commencée au début des années 1990, la France n'a pas trouvé sa place. Je reste néanmoins convaincue qu'elle peut la trouver en défendant en Europe et ailleurs le principe très important de la réciprocité des échanges : nous considérons que notre ouverture doit trouver sa contrepartie dans l'ouverture des pays partenaires.

Madame Gonthier-Maurin, votre question soulève le problème de la stratégie à l'international. Aujourd'hui, pour exporter, nos entreprises, qu'il s'agisse des grands groupes, des ETI ou des PME, ne peuvent plus se contenter d'offrir un produit, fût-il le meilleur possible.

En effet, même si je pense que la croissance peut repartir en Europe, notamment grâce aux initiatives prises par le Président de la République, à court terme, la dynamique de la demande se situe essentiellement hors d'Europe, en particulier dans les grands pays émergents. Or ceux-ci ne veulent pas importer simplement nos produits : ils souhaitent aussi des implantations industrielles ou la conclusion de partenariats industriels, de manière à favoriser leur développement. La capacité d'essor de nos entreprises à l'international suppose donc qu'elles trouvent des partenaires locaux, distributeurs ou producteurs.

Du reste, je constate que, quand une entreprise s'installe durablement dans un pays étranger, qu'elle y produit des biens et des services, cela profite à ses établissements situés en France.

Madame la sénatrice, vous avez cité Sanofi. Il ne faut surtout pas rendre l'implantation internationale de Sanofi responsable des difficultés que le groupe rencontre sur le territoire national. C'est même tout le contraire et je pourrais vous le démontrer, chiffres à l'appui.

En revanche, dans la mesure où les grands groupes se sont souvent internationalisés grâce à l'aide de la puissance publique, ils doivent une sorte de contrepartie aux territoires. Il nous faut donc veiller avec soin à ce que les ETI et PMI, notamment sous-traitantes, puissent elles aussi se projeter à l'export. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Vous avez évoqué la question de la réciprocité et la nécessité de l'exigence publique. Cependant, la puissance publique doit être plus clairement exigeante encore. Dans l'entreprise Renault, par exemple, l'État est certes actionnaire minoritaire, mais sa voix peut encore porter pour que soit donnée une traduction concrète à de telles exigences.

Les cas de PSA ou de Sanofi sont sans doute emblématiques, mais il y a malheureusement bien d'autres exemples. Lorsqu'une grande entreprise engage un processus de réduction d'effectifs ou de fermeture de sites, la puissance publique est habilitée à exiger des contreparties bien plus substantielles.

Voilà qui plaide assurément pour que nous travaillions à accorder beaucoup plus de droits nouveaux d'intervention dans la gestion aux organisations syndicales et au personnel, notamment dans les secteurs industriels stratégiques.

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