Question de M. MAZUIR Rachel (Ain - SOC) publiée le 21/02/2013

M. Rachel Mazuir appelle l'attention de Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique sur l'application de l'article 3-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, tel qu'il résulte du I de l'article 41 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 concernant les agents de catégorie B.

Le principe général de recrutement dans la fonction publique territoriale est rappelé par le dernier alinéa de l'article 41 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. Un agent de la fonction publique peut être recruté s'il a réussi un concours administratif et été inscrit à cette fin sur une liste d'aptitude, ou par voie de promotion interne ou d'avancement de grade. Par dérogation, et sous certaines conditions, une collectivité pouvait recruter un agent non titulaire pour une durée maximale d'un an.

La loi de 2012 a porté ce délai à deux ans : un contrat ne pourra désormais être conclu que pour une durée déterminée d'un an, renouvelable une fois seulement.

Une telle dérogation, si elle se veut moins restrictive que la précédente, n'en demeure pas moins très pénalisante pour les agents recrutés sur des emplois de catégorie B.

Une instruction du 2 mars 2012 du ministère de l'intérieur a, par ailleurs, rappelé aux préfectures en charge du contrôle de la légalité de veiller particulièrement aux recrutements abusifs de contractuels et au renouvellement successif de leurs contrats.

Dans ces conditions, les collectivités ne pourront plus déroger à ce délai.

Il souhaite attirer son attention sur les difficultés de recrutement de certains emplois de catégorie B, plus particulièrement dans le département de l'Ain, limitrophe de la Suisse et du Rhône.

Aujourd'hui, une quarantaine d'agents de cette catégorie, essentiellement des techniciens et des assistants sociaux éducatifs, sont contractuels. Dans certains cantons du département, des postes à pourvoir ne peuvent être honorés par des titulaires, soit en raison du coût de la vie, soit par l'absence régulière de concours.

Le département de l'Ain se trouve aujourd'hui dans une situation délicate : par manque de candidats lauréats d'un concours ou examen, il se voit obligé de recruter sous contrat de jeunes agents en quête d'expérience. Ces personnes seront formées mais savent, dès le départ, qu'elles ne pourront rester au-delà de deux années, à moins qu'un concours ne soit, d'ici là, ouvert et qu'elles le réussissent.

Cette situation est pénalisante, à la fois pour les agents qui, faute de garantie d'emploi, ne peuvent, par exemple, bénéficier de prêts bancaires, mais aussi pour les chefs de service qui vont les former pour une courte durée.

Il n'en est pas de même pour les agents de catégorie A qui, au bout de six années, peuvent voir leur contrat à durée déterminée se transformer en contrat à durée indéterminée, ni pour les agents de catégorie C qui peuvent être titularisés sans concours.

Lors des débats au Sénat portant sur la loi de mars 2012, deux amendements identiques avaient été adoptés, contre l'avis du Gouvernement, pour porter la durée de cette dérogation de deux à quatre ans. Cette extension se justifiait pour permettre aux collectivités territoriales de recruter un titulaire mais offrait également de meilleures garanties aux contractuels qui n'avaient pas pu se présenter à un concours ou, à l'inverse, avaient échoué.

Malheureusement, cet aménagement a été supprimé en commission, à l'Assemblée nationale, et les sénateurs n'ont pu le rétablir en commission mixte paritaire.

Pour toutes ces raisons, il souhaite savoir si le Gouvernement entend revenir sur cet article 3-2 de la loi de 1984, tel qu'il résulte du I de l'article 41 de la loi de mars 2012, ou prévoir une règle particulière pour le renouvellement du contrat des agents de catégorie B.

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Réponse du Ministère de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique publiée le 24/04/2013

Réponse apportée en séance publique le 23/04/2013

M. Rachel Mazuir. Madame la ministre, j'ai souhaité attirer votre attention et celle du Gouvernement sur l'application aux agents de catégorie B du nouvel article 3-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, tel qu'il résulte du I de l'article 41 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012.

Vous le savez, le principe général de recrutement dans la fonction publique territoriale figure dans le dernier alinéa de l'article 41 de la loi de 1984 précitée : un agent de la fonction publique peut être recruté s'il a réussi un concours administratif et été inscrit à cette fin sur une liste d'aptitude, ou par voie de promotion interne ou d'avancement de grade.

Par dérogation, une collectivité pouvait, sous certaines conditions, recruter un agent non titulaire pour une durée maximale d'un an. La loi de 2012 a porté ce délai à deux ans : un contrat ne pourra désormais être conclu que pour une durée déterminée d'un an, renouvelable une seule fois.

Cette dérogation, si elle se veut moins restrictive que la précédente, n'en demeure pas moins très pénalisante pour les agents recrutés sur des emplois de catégorie B.

Une instruction du 2 mars 2012 du ministère de l'intérieur a par ailleurs rappelé aux préfectures, en charge du contrôle de la légalité, de veiller particulièrement aux recrutements abusifs de contractuels et au renouvellement successif de leurs contrats, ce que l'on peut comprendre. Dans ces conditions, les collectivités ne pourront plus déroger à ce délai.

Madame la ministre, le recrutement sur certains emplois de catégorie B pose problème, plus particulièrement dans le département de l'Ain, limitrophe de la Suisse et du Rhône, deux gisements importants d'emplois prisés. C'est surtout vrai de la Suisse, et particulièrement du canton de Genève, qui procède à des recrutements massifs, dans des conditions avantageuses par rapport à celles de nos propres emplois.

Aujourd'hui, dans notre département de l'Ain, une quarantaine d'agents de cette catégorie, essentiellement des techniciens et des assistants sociaux éducatifs, sont contractuels. Dans certains cantons, des postes ne peuvent être pourvus par des titulaires soit en raison du coût de la vie - je pense au pays de Gex, où le coût de la vie est 30 % plus élevé que dans le reste du département -, soit en raison de l'absence de concours.

L'Ain se trouve aujourd'hui dans une situation délicate : par manque de candidats lauréats d'un concours ou examen, il se voit obligé de recruter sous contrat de jeunes agents en quête d'expérience. Ces personnes seront formées mais savent dès le départ qu'elles ne pourront rester au-delà de deux années, à moins qu'un concours ne soit ouvert d'ici là et qu'elles le réussissent, ce qui est un autre problème.

Cette situation est pénalisante non seulement pour les agents, qui, faute de garantie d'emploi, rencontrent des difficultés pour bénéficier de prêts bancaires, mais aussi pour les chefs de service, qui les formeront pour une courte durée et devront malheureusement les voir partir.

Il n'en est pas de même pour les agents de catégorie A, qui, vous le savez, peuvent voir leur contrat à durée déterminée se transformer en contrat à durée indéterminée au bout de six ans, ni pour les agents de catégorie C, qui peuvent être titularisés sans concours.

Lors de l'examen, au Sénat, du texte qui est devenu la loi du 12 mars 2012, deux amendements identiques avaient été adoptés, contre l'avis du Gouvernement, pour porter la durée de cette dérogation de deux à quatre ans. Selon nous, cette extension permettait aux collectivités territoriales de recruter un titulaire et offrait également de meilleures garanties aux contractuels qui n'avaient pas pu se présenter ou avaient échoué à un concours.

Malheureusement, cet aménagement a été supprimé à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du texte en commission, et les sénateurs n'ont pu le rétablir en commission mixte paritaire.

Pour toutes ces raisons, je souhaite savoir si le Gouvernement entend revenir sur l'article 3-2 de la loi de 1984, tel qu'il résulte du I de l'article 41 de la loi de mars 2012, ou prévoir une règle spécifique pour le renouvellement du contrat des agents de catégorie B.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, votre question renvoie à des préoccupations qui ont souvent conduit à la préparation de décrets, sans d'ailleurs que cette démarche ait jamais abouti.

À l'instar de ce qui est prévu pour les deux autres fonctions publiques, l'article 3-2 de la loi portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit explicitement que le recrutement d'agents contractuels vise à « faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire ». Vous l'avez rappelé, ces contrats sont conclus pour une durée qui ne peut excéder un an.

L'article dispose désormais que le contrat peut être prolongé « dans la limite d'une durée totale de deux ans » - c'est très précis - lorsque « la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir » avant le terme de la première année.

On a donc essayé de donner un peu plus de souplesse aux collectivités territoriales tout en limitant les recours. En effet, si, sous le gouvernement précédent, une instruction en date du 2 mars 2012 a été adressée aux préfets pour bien vérifier le respect de cette procédure, c'est parce que plusieurs questions avaient été posées par les organisations syndicales...

En particulier, il est arrivé que certains emplois aient été annoncés vacants, qu'un centre de gestion ait en conséquence organisé des concours, puis que la procédure ait été dite infructueuse. On s'est alors retrouvé avec les fameux « reçus-collés » qui posent problème pour l'organisation des concours mais aussi, surtout, pour les personnes concernées.

Faut-il aller au-delà ? Faut-il permettre de prolonger la durée de ces contrats jusqu'à trois ans ? Je ne peux vous répondre aujourd'hui parce qu'il me faudrait conduire une analyse plus précise de la situation de tous les départements de France.

Vous avez axé votre question non sur le cas général, mais sur le cas particulier du département de l'Ain. Je demanderai aux services préfectoraux et au centre de gestion de regarder avec vous ce qui s'est passé dans ce département. Mais je ne peux pas ouvrir une dérogation dans un département - fût-il un très beau département ! - pour des raisons de concurrence d'emploi sans l'appliquer à d'autres...

Mon souci, monsieur le sénateur, est de bien conforter la fonction publique territoriale dans le statut de la fonction publique. Faire aboutir cette revendication a été long - il a fallu attendre 1984, soit plus de deux ans après les premières lois de décentralisation - et il a été difficile de faire fonctionner cette machine-là jusqu'à nos jours, avec le Centre national de la fonction publique territoriale, les centres de gestion, bref, avec tout ce que l'on a pu mettre en place à l'attention de nos personnels.

Je pense comme vous que, concernant la catégorie C, pour laquelle il n'existe pas de concours, il n'y a pas de problème ; mais je conçois mal, pour la catégorie B, que l'on aille aussi loin que pour la catégorie A concernant certaines professions, c'est-à-dire une titularisation qui survient après un certain nombre d'années : cela donnerait lieu à une levée de bouclier syndicale.

Je m'engage donc à faire procéder à cette étude particulière sur votre département - et je vous en rendrai compte -, mais je ne m'engage pas à toucher à ce statut en dehors du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Cette étude pourra porter sur deux, voire trois départements où des problèmes difficiles à régler sont rencontrés.

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir.

M. Rachel Mazuir. Madame la ministre, je crois que vous avez tout à fait compris l'objet de ma question. Il y a en effet quelques départements dans cette situation. Il s'agit des départements frontaliers, notamment proches de la Suisse. Mais les emplois territoriaux ne sont pas les seuls emplois concernés : ainsi, les infirmières et les aides-soignantes que nous formons en France vont systématiquement travailler à Genève. Il y a donc là un problème majeur.

Votre réponse me satisfait complètement. Je comprends bien qu'on ne puisse étendre les dérogations à l'ensemble des départements, mais je tenais cependant à vous informer de la situation.

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