Question de M. PLACÉ Jean-Vincent (Essonne - ECOLO) publiée le 07/03/2013

M. Jean-Vincent Placé attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le projet d'implantation d'un centre de stockage de déchets ultimes sur le site de Nonant-le-Pin, dans l'Orne.
Les éleveurs des haras sont toujours très inquiets des dégâts que pourraient engendrer le projet de l'entreprise Guy Dauphin Environnement (GDE) sur ce territoire réputé pour la qualité de son sol. L'ampleur du site et la nature des déchets stockés font peser un vrai risque environnemental, notamment par le ruissellement des eaux, sans compter les désagréments du trafic routier engendré par l'infrastructure.
Pour rappel, le projet est issu d'une demande d'autorisation d'exploiter une installation de traitement et d'élimination de déchets industriels sur le territoire de Nonant-le-Pin dans le département de l'Orne, déposée le 25 septembre 2006, à proximité de nombreux haras dont le remarquable Haras national du Pin. À la suite de l'enquête publique, en 2007, la commission avait rendu un avis défavorable à la demande d'autorisation d'exploiter une installation de stockage de déchets non dangereux. Le préfet de l'Orne a alors pris un arrêté de refus, le 13 janvier 2010. Par un jugement du 18 février 2011, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté préfectoral de refus du 13 janvier 2010, accordant l'autorisation d'exploiter au pétitionnaire. La société Guy Dauphin Environnement a été renvoyée devant le préfet de l'Orne qui a pris, le 12 juillet 2011, un arrêté de prescriptions encadrant le fonctionnement de l'installation et un arrêté portant création de servitudes d'utilité publique. L'ouverture du site est désormais prévue pour juin 2013.
Questionné dès le 28 juin 2012, le ministère de l'écologie du développement durable et de l'énergie affirmait, le 25 octobre 2012, que le préfet de l'Orne devait rendre compte des résultats d'une mission auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie d'ici à la mi-novembre 2012.
Par ailleurs, des éléments nouveaux sont venus s'ajouter au dossier : d'une part, la mobilisation contre ce projet s'amplifie. L'implantation d'un centre de stockage de déchets ultimes en plein cœur d'une zone d'élevage de chevaux de renommée internationale, suscite de plus en plus d'oppositions, de la part d'associations, d'habitants, de représentants de l'activité locale (filière équine), d'élus et des personnalités diverses. À cet égard, les élus du conseil régional de Basse-Normandie, réunis le 14 février 2013 en assemblée plénière, ont voté une motion demandant à l'entreprise Guy Dauphin Environnement et au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de mettre en place un moratoire, avant que le préfet de l'Orne ne prenne l'arrêté définitif d'autorisation d'ouverture.
D'autre part, un comité de soutien à la candidature au titre du patrimoine mondial de l'UNESCO s'est mis en place, revendiquant que les terres d'élevage équin qui entourent le Haras national du Pin, dans le département de l'Orne, représentent un patrimoine géographique et culturel unique.
Il lui demande quels sont les résultats de la mission demandée au préfet de l'Orne et ce qu'elle envisage de mettre en œuvre pour protéger le site de Nonant-le-Pin contre les dangers environnementaux que représente l'implantation du centre de stockage de déchets ultimes.

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Réponse du Ministère de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique publiée le 27/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 26/03/2013

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur le projet d'implantation d'un centre de stockage de déchets ultimes sur le site de Nonant-le-Pin, dans l'Orne.

Si je ne suis pas un élu de ce territoire, j'ai pour lui un attachement significatif : ma mère en est originaire, et j'ai eu l'occasion d'y gambader quand j'étais petit. (Sourires.)

Mon attention a été particulièrement appelée par ma collègue du groupe de l'UDI-UC, Nathalie Goulet, qui, elle, est élue de ce département. Nous nous sommes rendus sur le terrain et avons constaté la réalité des méfaits environnementaux que pourrait engendrer ce centre de stockage de déchets ultimes.

L'ensemble de la population s'est bien évidemment émue de ce projet, d'autant plus que ce site est au centre des haras historiques de notre beau pays. Comment ne pas comprendre que des éleveurs, présents sur ce territoire depuis des dizaines d'années, parfois même des centaines d'années, puissent se montrer extrêmement combattifs et opposés à cette idée tout à fait saugrenue d'implantation d'un centre de déchets ? J'ai l'occasion ici de relayer leur colère.

Ce site et la nature des déchets stockés font peser un vrai risque environnemental, notamment par le ruissellement des eaux, sans compter les désagréments du trafic routier engendré par l'infrastructure. Cette dernière, après de nombreuses péripéties, y compris judiciaires - mais je n'y reviens pas, allant directement à l'essentiel - doit ouvrir dès le mois de juin prochain. Questionné le 28 juin 2012, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie affirmait, le 25 octobre, que le préfet de l'Orne, saisi d'une mission, devait rendre un rapport d'ici à la mi-novembre 2012

La mobilisation s'accroît très fortement : le conseil régional de Basse-Normandie, réuni le 14 février en assemblée plénière, a voté à l'unanimité une motion demandant à l'entreprise Guy Dauphin Environnement, dite GDE, et au ministère de l'écologie de mettre en place une concertation et un moratoire avant que le préfet de l'Orne ne prenne - ou plutôt, ce que je souhaite, ne prenne pas - l'arrêté définitif d'autorisation d'ouverture.

Une mobilisation citoyenne, associative, politique, a permis à plusieurs idées de germer. C'est d'ailleurs tout l'intérêt des mobilisations. Un comité de soutien à la candidature au patrimoine mondial de l'UNESCO a ainsi vu le jour. Il s'agit de consacrer, par ce classement, le caractère exceptionnel des terres d'élevage équin qui entourent le haras national du Pin.

Je rappelle également que se tiendront l'année prochaine, sur ce site, les championnats du monde équestres. Nous sommes encore leaders mondiaux dans cette filière, mais que dirons nos partenaires étrangers en voyant que nous avons eu l'idée incroyable, à l'heure du Grenelle de l'environnement, d'installer un site de déchets ultimes toxiques dans un remarquable berceau vert de la Basse-Normandie, de l'Orne et de la France ? Cela nuira fortement, à mon avis, à l'image de notre pays à l'étranger ; nous n'en n'avons pas besoin.

Ma question est très simple, madame la ministre : quels sont les résultats de la mission demandée au préfet de l'Orne et qu'envisagez-vous de mettre en œuvre pour protéger ce site de Nonant-le-Pin contre les dangers environnementaux que représente l'implantation de ce centre de stockage de déchets ultimes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur Jean-Vincent Placé, je vous prie de bien vouloir excuser Delphine Batho, qui n'a pu se libérer ce matin pour répondre à votre question.

Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie vous a reçu personnellement, le 4 mars dernier, pour discuter de ce projet d'implantation d'un centre de stockage de déchets ultimes sur le territoire de la commune de Nonant-le Pin, dans l'Orne, à proximité de nombreux haras dont vous avez rappelé la remarquable notoriété.

Ce projet est fortement contesté, comme vous l'avez souligné, et le président de la région, Laurent Beauvais, a tenu à faire part à l'ensemble du Gouvernement de son opposition, au nom de son assemblée plénière qui a délibéré à l'unanimité.

Rappelons brièvement les faits. Ce projet de centre d'enfouissement de déchets industriels banals et de résidus de broyages automobiles a fait l'objet d'une demande d'autorisation d'exploiter de l'entreprise Guy Dauphin Environnement, dite GDE, en septembre 2006.

Après un avis défavorable de l'enquête publique, le préfet de l'Orne a pris un arrêté de refus en janvier 2010. Le tribunal administratif de Caen a cependant annulé cet arrêté préfectoral en février 2011 et accordé l'autorisation d'exploiter au pétitionnaire. Force est de constater que le gouvernement d'alors n'a pas interjeté appel et que le préfet de l'Orne a pris un arrêté de prescriptions, le 12 juillet 2011. Il ne pouvait, à l'époque, faire autrement puisqu'il n'y avait pas appel de la décision.

Cette absence d'appel pèse lourd aujourd'hui. Elle éteint toute marge de manœuvre juridique pour l'État. Compte tenu des fortes inquiétudes soulevées par ce projet, Delphine Batho a demandé au préfet de l'Orne, en août 2012, de procéder à une expertise complète, à la fois juridique et technique.

Toutefois, l'État se trouve aujourd'hui dans une impasse juridique et doit appliquer la décision du tribunal administratif.

J'ajoute que les récentes requêtes tendant à la suspension de l'arrêté du 12 juillet 2011 ont également été rejetées par le tribunal administratif de Caen, le 14 février 2013. La mise en service de l'installation est donc prévue par l'exploitant au début du mois de juin prochain.

Nous partageons beaucoup de vos avis sur cette question. Comme vous le savez, le conseil régional de Basse-Normandie a demandé à GDE d'entamer une vraie concertation en vue d'un moratoire. Le fait d'interrompre la poursuite du chantier et de réaliser des études supplémentaires sur les risques mis en avant par les experts désignés par les associations permettrait peut-être à l'exploitant de se poser la question de l'opportunité de son installation sur ce site.

Nous espérons beaucoup que ces démarches aboutissent. Pour sa part, l'État s'assure de la stricte surveillance du chantier. Il ne dispose pas d'autre moyen d'action au regard de l'ensemble des prescriptions prévues pour ce type d'installation.

Le Gouvernement connaît votre mobilisation sur ce sujet, monsieur Placé, et a conscience de l'inquiétude de tous ceux qui sont attachés à l'excellence de la filière équine française et au rayonnement de ce patrimoine lors des Jeux équestres mondiaux de 2014.

Tels sont les éléments de réponse que nous sommes dans l'obligation de vous apporter, avec une certaine forme de déception et en regrettant que l'appel n'ait pas été interjeté par le gouvernement d'alors.

J'espère que le moratoire sera obtenu et que les études supplémentaires permettront à l'ensemble des acteurs, en particulier à celui qui a déposé cette demande de permis, de progresser positivement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Merci, madame la ministre, de cette réponse très complète qui démontre l'attachement du Gouvernement aux préoccupations de défense de la nature et de l'environnement sur les sites remarquables de notre beau territoire français.

Vous avez rappelé les éléments politiques mais aussi les éléments de droit, en particulier de droit administratif, de ce dossier.

Vous avez surtout souligné, et je vous en remercie, la responsabilité du gouvernement précédent qui n'a pas interjeté appel dans une affaire particulièrement contestable, qui n'est pas allé jusqu'au bout des procédures.

Cela démontre - je le dis même si la séance du mardi matin n'est pas le lieu des polémiques - qu'il y a très loin de l'affichage en faveur de l'écologie à la réalité. Quel décalage entre le souci de l'environnement et la tranquillité d'une antichambre qui laisse s'éteindre les procédures administratives au profit des industriels ! Voilà une contradiction soulevée par un élément factuel.

Par ailleurs, je vous remercie d'indiquer que Delphine Batho, qui m'a reçu avec des habitants et des associations du territoire concerné, est particulièrement mobilisée. Je lui ai demandé que nous nous rendions très rapidement sur place, avec le président de région et le président du conseil général de l'Orne, afin d'avoir avec les dirigeants de GDE une discussion sérieuse, économique, témoignant de notre détermination. Nous souhaitons leur expliquer que, eu égard à la détérioration de l'image de leur entreprise, pourtant censée s'occuper de problématiques environnementales, un sursis à l'implantation du centre de stockage en cause, dans le cadre du fameux moratoire, pourrait, à ce stade du dossier, être une issue intelligente, à condition bien sûr que soit parallèlement étudié un nouveau projet sur un autre site pouvant satisfaire l'ensemble des parties. Telle est la proposition que j'ai formulée à Mme Batho, ainsi qu'aux présidents du conseil régional et du conseil général.

Je remercie le Gouvernement, particulièrement vous, madame Lebranchu, de l'intérêt qu'il a porté à cette question.

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