Question de M. MAGNER Jacques-Bernard (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 26/04/2013

Question posée en séance publique le 25/04/2013

M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

À la suite de la remise du rapport de la mission sur l'enseignement de la morale laïque, vous souhaitez, monsieur le ministre, introduire une nouvelle discipline dans les établissements scolaires à la rentrée 2015, du cours préparatoire à la terminale, afin de « faire partager les valeurs de la République ». Il s'agit de la morale laïque.

Depuis la mise en place de l'instruction morale et civique par Jules Ferry en même temps que l'école primaire laïque et obligatoire, diverses dénominations ont été données à cet enseignement, mais le but est toujours le même : l'apprentissage des règles collectives pour agir et bien vivre ensemble, selon un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité, la construction du libre arbitre de chacun, le respect de toutes les convictions et de toutes les croyances, bref, la formation du futur citoyen.

L'instauration de cours de morale laïque répond à une demande forte de la communauté éducative, des parents d'élèves en particulier.

Notre société est fortement attachée à la liberté individuelle de pensée et ressent un fort malaise face aux replis identitaires et communautaires qui se développent sur fond de crise économique et sociale.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, nous saluons votre initiative, qui relie ainsi l'individu au collectif.

Cette nouvelle discipline viendra compléter la palette des moyens mis en œuvre par le Gouvernement – le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, la lutte contre le décrochage scolaire, l'embauche de 60 000 enseignants supplémentaires en cinq ans – afin d'enrayer le déclin éducatif de notre pays,…

M. Alain Gournac. Ben voyons !

M. Jacques-Bernard Magner. … relevé par les enquêtes internationales ces dix dernières années.

Le contenu de cet enseignement sera défini par un organisme indépendant, le futur Conseil national des programmes.

Pour donner à cette nouvelle matière toute l'importance qu'elle mérite, vous souhaitez que son enseignement fasse l'objet d'une évaluation.

Monsieur le ministre, en quoi la morale laïque se différenciera-t-elle de l'instruction civique déjà dispensée par nos enseignants ?

M. Alain Gournac. Vive la morale !

M. Jacques-Bernard Magner. Comment les professeurs qui enseigneront cette matière seront-ils eux-mêmes formés ?

Enfin, quelle forme prendra l'évaluation de ce nouvel enseignement, que vous jugez, à juste titre, indispensable ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 26/04/2013

Réponse apportée en séance publique le 25/04/2013

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, l'école d'aujourd'hui, c'est la France de demain.

M. Philippe Dallier. Ça, c'est une trouvaille ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Vincent Peillon, ministre. C'est une responsabilité particulière pour tous.

L'une des responsabilités du Gouvernement, comme l'a dit Bernard Cazeneuve, est de préparer l'avenir, après tant d'années où il a été sacrifié...

M. Alain Gournac. Encore la faute à Sarkozy ?

M. Vincent Peillon, ministre. ... du fait de l'accroissement de la dette, mais aussi de l'abandon de l'école de la République. (Exclamations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Vous êtes mauvais !

M. Vincent Peillon, ministre. L'école a toujours eu trois missions.

La première de ses missions est d'instruire. Or, en dix ans, la France a plongé dans toutes les évaluations internationales. Aujourd'hui, 25 % de nos élèves sont en difficulté. Des professeurs ne sont même plus remplacés. Ils ne sont pas formés. C'est le résultat des dix ans d'action de l'ancienne majorité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. - Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé non seulement de créer des postes - 60 000 en cinq ans -, mais également de former les enseignants et de revoir les programmes.

La deuxième mission de l'école est également importante : l'insertion professionnelle des jeunes. Lorsque la gauche a quitté le pouvoir en 2002, 10 % des jeunes étaient au chômage. C'est le cas de 25 % d'entre eux aujourd'hui, soit le taux que nous avions trouvé en 1997 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) C'est pour cela que nous allons revoir la formation professionnelle, ainsi que le parcours d'orientation, d'information et de rapprochement avec les entreprises. Au mois de juin prochain, le Premier ministre et moi-même installerons le conseil éducation-entreprise.

Enfin, la troisième mission de l'école est de transmettre les valeurs qui nous permettent de vivre ensemble. Dans la tradition républicaine, politique et morale sont inséparables. Il faut obéir à la loi non pas uniquement par crainte du châtiment et sous la contrainte, mais mû par une obligation intérieure. Cette tradition commune a été perdue, oubliée. Or la morale laïque incarne précisément cela.

J'ai bien noté les craintes que suscitait l'instauration de ce nouvel enseignement.

En premier lieu, la morale laïque serait contraire aux orientations religieuses et aux choix de certains. C'est l'inverse ! Celui qui fut, il y a longtemps, président de cette assemblée, le grand républicain Jules Ferry, que ne quittait jamais L'Enseignement du peuple d'Edgar Quinet, avait dit de la laïcité qu'elle était la seule qui permettrait à toutes les convictions de vivre pacifiquement dans l'espace commun de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

Notre laïcité n'est pas antireligieuse. Elle est au contraire la garantie de la liberté de chacun. C'est celle-ci qui est en question aujourd'hui.

En second lieu, certains craignent l'instauration d'une morale d'État. Or notre tradition, c'est celle de l'individualisme républicain. Il n'y a pas de morale d'État. C'est précisément parce qu'il y a eu une morale laïque que nous avons été capables, ensemble, république sociale et république libérale, de nous lever au moment de l'affaire Dreyfus, quand la liberté et la justice se sont conjuguées.

Voilà ce que nous devons offrir aux enfants de la République. Le redressement économique que nous conduirons devra s'accompagner d'un redressement intellectuel et moral. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)

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