Question de M. FICHET Jean-Luc (Finistère - SOC) publiée le 02/05/2013

M. Jean-Luc Fichet indique à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt que la filière bois française est, aujourd'hui, en pleine phase de redéfinition de ses enjeux stratégiques.
Les moyens financiers qui y sont consacrés ne sont plus à la hauteur des nouveaux défis auxquels elle doit répondre. Les forêts françaises sont insuffisamment exploitées et leur bois trop peu valorisé.
Le secteur doit faire face à une concurrence violente, notamment en Asie, où les exportations s'accélèrent, favorisées par des normes sanitaires très différentes et défavorables aux producteurs de bois de notre pays. On constate un déficit très élevé de la balance commerciale en produits bois transformés.
Face à un tel constat, il convient de dynamiser la gestion forestière en France et de la développer, notamment par la construction et l'utilisation du bois, matériau renouvelable aux qualités exceptionnelles. De nombreux pays producteurs de bois, tel le Brésil, ont, depuis de nombreuses années, favorisé et soutenu la production de produits transformés sur place et non l'exportation de grumes, arbres abattus simplement ébranchés et laissés avec leurs écorces.
L'engagement de l'État en faveur de la forêt française est une constante. Aujourd'hui, il s'agit de définir l'avenir de la filière bois : les acteurs de la filière attendent l'encouragement de l'État au renouvellement de la forêt, à l'amélioration des peuplements, au développement de la desserte et à la modernisation de l'exploitation forestière.
En conséquence, il souhaite l'interroger sur les actions qui pourraient être engagées par le Gouvernement pour la redynamisation de la filière bois française selon trois axes : harmoniser les règles sanitaires françaises entre matière première et matière transformée ; établir un constat actualisé des coupes sanitaires nécessaires et inscrire dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'agroalimentaire et de la forêt actuellement en discussion un plan de gestion de la forêt française articulé sur une efficacité économique et une protection durable.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 24/07/2013

Réponse apportée en séance publique le 23/07/2013

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, deux rapports viennent d'être rendus pour alimenter le volet forêt du futur projet de loi portant sur l'avenir de l'agriculture.

M. Jean-Yves Caullet, député de l'Yonne et par ailleurs président de l'Office national des forêts, à qui le Premier ministre a confié une mission de réflexion sur l'avenir de la forêt et de la filière bois, a récemment rendu son rapport ; ce dernier, qui s'appuie sur les travaux et l'expérience des différents acteurs de la filière, identifie les obstacles et propose des choix stratégiques ainsi que des outils opérationnels pour atteindre les objectifs suivants : relever le défi de la forêt et la filière bois face au changement climatique, face à la transition énergétique, aux enjeux de la biodiversité et au déséquilibre de la balance du commerce extérieur. Il préconise notamment la création d'un fonds stratégique de 100 millions d'euros, qui pourrait financer toute la filière forêt-bois.

Un second rapport interministériel, complémentaire, propose un plan national de la forêt et du bois ambitieux, qui concilie les enjeux économiques et environnementaux. Ce rapport, intitulé Vers une filière intégrée de la forêt et du bois, a été rédigé par la mission interministérielle menée par Christophe Attali. Il prévoit l'élaboration d'un plan national de la forêt et du bois, qui serait la clé de voûte des instruments d'orientation et de conduite de la politique nationale forestière.

Le Gouvernement, je le note, est très sensible à la problématique forestière et aux enjeux économiques portés par la sylviculture.

Ma question vise à nourrir le volet forêt du futur projet de loi d'avenir pour l'agriculture devant être présenté au conseil des ministres cet automne. Je porte les réflexions qui m'ont été soumises par les exploitants forestiers et les scieurs finistériens, soulignant cependant qu'il ne s'agit pas d'une problématique spécifiquement finistérienne.

La filière bois française est aujourd'hui en pleine phase de redéfinition de ses enjeux stratégiques. Ce secteur doit faire face à une concurrence violente, notamment venant d'Asie, où les exportations s'accélèrent, favorisées par des normes sanitaires très différentes et défavorables aux producteurs de bois français. On constate d'ailleurs un déficit très élevé de la balance commerciale en produits bois transformés.

Face à un tel constat, il convient de dynamiser la gestion forestière en France et de la développer, notamment par la construction et l'utilisation du bois, matériau renouvelable aux qualités exceptionnelles. De nombreux pays producteurs de bois, tel le Brésil, favorisent et soutiennent depuis de nombreuses années la production de produits transformés sur place et non l'exportation de grumes, arbres abattus, simplement ébranchés et laissés avec leur écorce.

L'engagement de l'État en faveur de la forêt française doit être constant.

Monsieur le ministre, il s'agit aujourd'hui de définir l'avenir de la filière bois : les acteurs de la filière attendent l'encouragement de l'État au renouvellement de la forêt, à l'amélioration des peuplements, au développement de la desserte et à la modernisation de l'exploitation forestière.

En conséquence, je souhaite vous interroger sur les actions qui pourraient être engagées par le Gouvernement pour la redynamisation de la filière bois française selon trois axes : harmoniser les règles sanitaires françaises entre matière première et matière transformée ; établir un constat actualisé des coupes sanitaires nécessaires ; inscrire dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'agroalimentaire et de la forêt, actuellement en discussion, un plan de gestion de la forêt française articulé autour d'une efficacité économique et d'une protection durable.

Le secteur de la forêt est un secteur stratégique pour l'emploi. Le 20 juin dernier, la filière forêt-bois a ainsi déclaré être « capable de s'engager pour créer 25 000 emplois d'ici à 2020 ».

Vous connaissez mon engagement à défendre la filière économique agricole bretonne, monsieur le ministre.

M. le président. Mon cher collègue, je vous remercie de cette question à laquelle je m'associe volontiers !

La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, je connais votre engagement et, de manière générale, celui du Sénat sur cette question de la forêt, puisque, lors des discussions que nous avions eues sur le Fonds Carbone, nous avions trouvé un accord global pour qu'une partie de ce fonds soit mobilisée en faveur de la forêt.

Vous l'avez dit, deux rapports ont été publiés sur ce sujet, l'un de Jean-Yves Caullet, et l'autre du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux ; ils définissent des objectifs globaux à cette filière qui, vous l'avez rappelé, présente un réel potentiel, à condition que l'on s'organise pour le valoriser.

Quel est ce potentiel ?

D'abord, nous avons la troisième forêt d'Europe, comprenant à la fois des résineux et des feuillus. Cette forêt souffre néanmoins de deux handicaps majeurs : son renouvellement et son adaptation au réchauffement climatique, deux vrais enjeux concernant les essences qu'il faudra choisir.

Ensuite, dans cette forêt, l'effet patrimonial est supérieur à l'effet économique. Par conséquent, nous devrons pouvoir déstocker une partie des bois qui restent en réserve. Cette question va sans doute être l'objet de discussions et de modifications fiscales afin d'essayer de favoriser la sortie du bois.

Comment utilise-t-on ce bois ? La France a perdu depuis des années sa capacité à transformer les bois de grumes, et l'on en est donc arrivé aujourd'hui à exporter des grumes en Asie, mais quelquefois aussi dans des zones européennes beaucoup plus proches, comme l'Autriche, pour être sciées et débitées. Cela nous fait perdre la valeur ajoutée de la transformation et, surtout - je le souligne ici -, l'ensemble des co-produits de ce sciage qui pourraient servir à faire de la cogénération et du bois énergie. Par conséquent, sur ces deux sujets, nous sommes vraiment perdants.

À partir de là, nous devons avoir une ambition, couplée avec un troisième axe, à savoir les débouchés : le bois comme matériau de construction et d'isolation. Cette utilisation du bois doit être complètement revue.

Ce sont ces trois axes qui vont être l'objet du projet de loi que nous allons examiner : mobiliser et renouveler notre forêt, restructurer et investir dans des outils de transformation, enfin, développer des débouchés.

Au-delà - et sur les questions sanitaires, je vous rejoins -, nous allons devoir engager une discussion sur les bois et les coupes, ainsi que sur les meubles, même si, juridiquement, les difficultés sont nombreuses. Pour progresser, il faut partir des trois grands principes que j'évoquais et structurer cette filière, en ayant pour objectif - vous l'avez dit - de retrouver le potentiel de création d'emplois que nous avons perdu après l'avoir laissé dépérir.

Cette discussion aura lieu au début de l'année prochaine, sur la base des rapports de Jean-Yves Caullet et du CGAAER, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, qui devra aussi intégrer un certain nombre de points que vous avez évoqués. L'un d'entre eux présente beaucoup plus de difficultés que les autres : l'instauration d'une taxe supplémentaire à l'export.

D'une part, cette redevance pourrait avoir pour conséquence une diminution de nos exportations. La question est juridiquement très compliquée.

D'autre part, il vaut mieux dynamiser la filière en amont plutôt que d'essayer de récupérer des recettes en aval, dans une situation où, justement, il faut plutôt favoriser la sortie du bois, sa transformation et sa valorisation.

En tout cas, monsieur le sénateur, je vous sais attaché, comme certains de vos collègues ici, à cette belle filière.

Nous disposons d'un atout majeur et devrons être capables de valoriser au maximum cette richesse, notamment économique, écologique et en biodiversité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je compte sur vous, dans les débats à venir, pour soutenir ce projet de loi d'avenir pour l'agriculture afin de donner un avenir à la forêt française.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse très précise. Les professionnels français de la filière du bois, notamment bretons, sont très attentifs à la question de savoir comment ils vont pouvoir poursuivre leur activité.

Vous avez souligné le problème des exportations : nous sommes effectivement dans un système un peu aberrant, puisque nous exportons nos bois et en importons d'autres - par exemple des meubles -, qui proviennent d'usines étrangères.

J'évoquerai aussi les co-produits, au moment où nous examinons de très près la question du chauffage au bois, des chaudières à bois, car ces co-produits permettent d'alimenter ces dernières.

Tous ces éléments font partie de la filière bois, qui constitue un ensemble économique important. C'est la raison pour laquelle les discussions que vous vous proposez de conduire, monsieur le ministre, devront porter tant sur la préservation de l'aspect patrimonial que sur l'aspect économique de cette filière. Quoi qu'il en soit, je transmettrai votre réponse à toutes les personnes qui m'ont interrogé.

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