Question de M. BERSON Michel (Essonne - SOC-A) publiée le 30/05/2013

M. Michel Berson attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les redressements massifs au titre du crédit d'impôt recherche (CIR) que connaissent les entreprises de services informatiques et d'édition de logiciels depuis quelques mois.

Cette situation a pour origine des difficultés rencontrées par l'administration fiscale pour prendre en compte les activités de ces entreprises en matière de recherche et développement.

Le secteur du numérique a émis un ensemble de propositions, notamment en réponse à ce qui semble être un défaut d'expertise du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche s'agissant de la définition de la recherche et de l'intégration de l'innovation appliquée au numérique. Les redressements croissants que connaissent les entreprises, qui peuvent s'élever à 90 % du crédit d'impôt, touchent à la fois des champions français internationaux et de petites et moyennes entreprises (PME), les conséquences financières, pour ces dernières, pouvant remettre en cause leur modèle économique et mettre en danger jusqu'à leur existence.

Alors que le président de la République et le Gouvernement ont pris l'engagement de sanctuariser le dispositif essentiel du crédit d'impôt recherche qui permet à nos entreprises de préparer la croissance de la qualité de notre production, il lui demande de lui préciser quelles mesures le Gouvernement envisage de mettre en œuvre afin de clarifier la situation et d'améliorer le dispositif pour que l'industrie numérique, l'un des secteurs les plus actifs en termes d'innovation et de création d'emplois, puisse exprimer tout son potentiel.

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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 30/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/10/2013

M. Michel Berson. Madame la ministre, le numérique irrigue aujourd'hui l'ensemble de notre économie et de notre société. Il est au cœur du redressement industriel de notre pays.

Comment développer la compétitivité des écosystèmes numériques ? Comment affirmer l'attractivité de la France en matière de recherche et d'innovation ?

Le crédit d'impôt recherche, le CIR, est un dispositif fiscal particulièrement incitatif qui favorise les efforts de recherche des entreprises, notamment des PME, et tout particulièrement des entreprises du secteur numérique.

Or les contrôles fiscaux relatifs au crédit d'impôt recherche sont en sensible augmentation ces deux dernières années, qu'il s'agisse de contrôles a priori, au moment des déclarations, ou a posteriori. Certes, la croissance de ces contrôles est liée au nombre croissant de sociétés déclarant un CIR, lesquelles sont surtout des PME et, de plus en plus, des entreprises de services informatiques et d'édition de logiciels.

Les contrôles débouchent sur des redressements fiscaux croissants dont le montant peut s'élever à 90 % du crédit d'impôt recherche. Les conséquences financières de ces redressements peuvent remettre en cause le modèle économique des entreprises, voire mettre en danger leur existence.

À l'évidence, il y a une spécificité de la recherche et développement dans le secteur du numérique, ce qui devrait conduire à ouvrir le crédit d'impôt recherche à de nouveaux types d'innovation, que ce soit en termes de service, de design ou de marketing. Cela soulève la question de la nécessité de trouver une définition plus pertinente de la recherche et de l'état de l'art. Madame la ministre, il faudrait aussi que votre ministère intervienne beaucoup plus qu'il ne le fait dans la procédure de contrôle du crédit d'impôt recherche.

Dans la grande majorité des cas, c'est en effet l'administration fiscale qui évalue les travaux de recherche des entreprises pour vérifier qu'ils sont bien éligibles au crédit d'impôt recherche. Or cette administration, à l'inverse du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ne dispose pas de toutes les compétences scientifiques pour juger du respect des critères d'éligibilité au crédit d'impôt recherche.

Je ferai une dernière réflexion relative à la sous-traitance des dépenses de recherche qui sont plafonnées pour pouvoir bénéficier du crédit d'impôt, ce qui entraîne, par conséquent, un plafonnement du CIR lui-même.

La sous-traitance est source de litiges entre l'administration, les entreprises sous-traitantes et les entreprises donneuses d'ordre. Sans remettre en cause l'esprit de la loi, il conviendrait de supprimer les plafonds et de faire de la sous-traitance collaborative le nouveau support du calcul du crédit impôt recherche, avec des taux modulés entre sous-traitants et donneurs d'ordre.

Il est urgent de répondre à un certain nombre de problématiques qui se posent aujourd'hui dans le mécanisme du crédit d'impôt recherche. Il est bien évident que le crédit d'impôt recherche, qui fait couler beaucoup d'encre, ne doit pas être remis en question.

Cependant, au regard de l'évolution de notre société et de notre économie, il convient d'adapter le crédit d'impôt recherche sur un certain nombre de points, qui ne remettent nullement en cause ses fondements. Le Président de la République a pris en effet l'engagement de sanctuariser le crédit d'impôt recherche parce qu'il contribue efficacement à soutenir la compétitivité et la croissance de notre économie.

Madame la ministre, pourriez-vous préciser quelles mesures le Gouvernement envisage de mettre en œuvre pour fluidifier les relations entre les entreprises et l'administration et pour clarifier la situation du crédit d'impôt recherche, notamment dans l'industrie numérique, qui est l'un des secteurs aujourd'hui les plus actifs en termes d'innovation et de création d'emplois ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur les redressements au titre du crédit d'impôt recherche que connaissent, à la suite de contrôles a posteriori ou a priori - au moment de l'établissement de leur demande -, les entreprises de services informatiques et d'édition de logiciels.

Vous mentionnez aussi les difficultés rencontrées par l'administration fiscale pour qualifier les activités de ces entreprises en matière d'assiette à prendre en compte pour la recherche et développement éligible au titre du CIR. Comme vous, j'ai été interpellée à ce sujet par les sociétés elles-mêmes, en particulier les PMI, les PME, les start-up et les entreprises de taille intermédiaire, ou ETI, et par le président de Syntec numérique. En effet, la pérennité de certaines entreprises peut être compromise par ces redressements.

Je voudrais d'abord rappeler que, en février 2012, une instruction fiscale établie en étroite collaboration avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a précisé la définition des opérations de recherche et développement pouvant bénéficier du crédit d'impôt recherche. Cette instruction donne des exemples pour cinq secteurs d'activités, dont celui des technologies de l'information et de la communication. Vous l'avez dit, monsieur le sénateur, les entreprises du numérique représentent une proportion importante des entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt recherche : il est donc essentiel que ce dispositif soit adapté à leurs enjeux et qu'il soit parfaitement lisible.

Néanmoins, le secteur du numérique est, vous le savez, en évolution technologique rapide, ce qui nécessite un travail permanent de clarification des éléments à prendre en compte au titre de la recherche et développement. J'ai donc relancé un groupe de travail en mai dernier avec les principaux représentants des entreprises de ce secteur et les administrations compétentes. Y participent notamment la direction du contrôle fiscal et la direction générale de la recherche et de l'innovation de mon ministère, laquelle - je vous rassure ! - est présente à toutes les étapes.

Le travail réalisé a permis de constater que les définitions utilisées pour les dépenses de recherche et développement, telles que présentées par les experts scientifiques de mon ministère et ceux des organismes de recherche auxquels nous faisons appel au cas par cas, faisaient l'objet d'un accord général. Ce qui pose problème, en réalité, c'est la lisibilité des procédures de contrôle.

Pour clarifier ces procédures, une annexe sectorielle au bulletin officiel des finances publiques, le BOFIP, est en cours de rédaction par la direction de la législation fiscale, à la suite des travaux du groupe de travail. Elle apportera aux entreprises la clarification nécessaire du périmètre éligible pour limiter autant que possible les différends qui pourraient surgir au moment des contrôles, notamment dans certains secteurs comme celui de la veille technologique, ou dans la définition des développements spécifiques par rapport aux standards et à l'état de l'art, c'est-à-dire au regard de l'état des connaissances au niveau mondial, à la réalité des logiciels. Cette annexe, qui sera opposable à l'ensemble de l'administration fiscale, devrait être finalisée au début de 2014.

Quant à la question de la sous-traitance, elle relève de Bercy. J'ai eu l'occasion, avec d'autres ministres, d'attirer l'attention des services et des ministres concernés. Une réflexion est en cours à ce sujet. Vous l'avez dit, et je ne peux qu'adhérer à votre propos, les rapports entre donneurs d'ordre et sous-traitants sont un véritable sujet.

Je rappelle par ailleurs que le Gouvernement est attaché à améliorer globalement le crédit d'impôt recherche, tout en assurant sa stabilité et sa constance. Les ajustements prévus dans le projet de loi de finances pour 2014 simplifieront l'application du crédit d'impôt recherche pour l'ensemble des entreprises du numérique. Une entreprise qui subit des restrictions globales de personnels en raison de difficultés économiques mais qui maintient ses effectifs de recherche et développement ne sera plus pénalisée concernant le doublement du crédit d'impôt recherche pour l'embauche de jeunes chercheurs, en particulier de jeunes doctorants. Je sais, monsieur le sénateur, que cette question vous tient à cœur.

Le crédit d'impôt recherche est maintenu, ce qui est important dans la période actuelle, et il est constamment révisé, notamment pour les secteurs les plus évolutifs comme celui du numérique.

M. le président. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions. Elles confirment que le Gouvernement reste attaché, comme les entreprises, au crédit d'impôt recherche, lequel doit être adapté en fonction de l'évolution de notre économie.

J'aimerais revenir sur un point qui me paraît aujourd'hui crucial. Le nombre d'entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt recherche a été multiplié par deux au cours des cinq dernières années. Aujourd'hui, 20 000 déclarants et 15 000 entreprises bénéficient du crédit d'impôt recherche.

Si cette croissance est très importante et extrêmement positive, le nombre d'experts du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche chargés, conjointement avec l'administration fiscale, du contrôle de ce dispositif n'a quant à lui pas augmenté. Cela pose un véritable problème d'ordre budgétaire : il faut davantage de crédits pour recruter davantage d'experts.

Il s'agit d'une voie de progrès essentiel, je dirais même prioritaire, pour que ces contrôles se passent dans de meilleures conditions et que les entreprises puissent in fine bénéficier du crédit d'impôt recherche auquel elles ont droit et qui leur permette véritablement de financer leurs projets.

Ma seconde remarque concerne le débat contradictoire.

À ma connaissance, aucun décret ne définit, pour l'heure, ce qu'est le débat contradictoire dans les entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt recherche. Si le principe du débat contradictoire existe dans notre droit public, il n'est pas véritablement codifié. Je souhaite qu'il puisse l'être de façon précise, de manière à rendre le débat plus serein et, in fine, plus positif pour les entreprises, notamment pour les sous-traitants et les donneurs d'ordre.

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