Question de M. LE MENN Jacky (Ille-et-Vilaine - SOC) publiée le 20/06/2013

M. Jacky Le Menn attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la formation médicale et le choix des jeunes générations pour la filière hospitalière.

Depuis quelques années, certaines professions médicales hospitalières ont plus de difficultés que d'autres à pourvoir les postes disponibles. Se manifeste une autre forme de déserts médicaux à l'intérieur même des hôpitaux, certains métiers étant délaissés par la jeunesse.

Face à cette pénurie, plusieurs hôpitaux ont fait appel à des médecins ayant des diplômes européens ou extra européens ou à des agences d'intérim. Parmi ces diplômés, nombreux sont des Français qui partent étudier la médecine, en particulier, en Belgique, en Roumanie ou au Maghreb, pour plusieurs raisons, notamment afin de contourner le numérus clausus. Un quart des nouveaux médecins français auraient acquis leur diplôme à l'étranger selon le Conseil national de l'ordre des médecins.

Il lui semble important aujourd'hui de faire un bilan de cette situation et d'apporter une vision d'ensemble afin que les jeunes générations de médecins n'aient pas à contourner un système éducatif et puissent être dirigées harmonieusement sur le territoire et dans les différents services des hôpitaux.

Il lui demande donc comment elle compte réguler sur le territoire les hôpitaux, la formation et le choix de carrière des futurs médecins.

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 30/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/10/2013

M. Jacky Le Menn. Depuis quelques années, certains hôpitaux ont plus de difficultés que d'autres à pourvoir les postes médicaux disponibles. Nous assistons à la constitution d'une autre forme de déserts médicaux au sein même des hôpitaux, certains métiers étant délaissés par la jeunesse.

Face à cette pénurie, des hôpitaux ont fait appel à des médecins ayant des diplômes européens ou extra-européens, ou à des agences d'intérim. Parmi ces diplômés, nombreux sont les Français qui sont partis étudier la médecine à l'étranger. Selon Le Figaro, 15 000 étudiants seraient dans ce cas, en particulier en Belgique, en Roumanie ou au Maghreb pour plusieurs raisons, notamment afin de contourner le numerus clausus. Un quart des nouveaux médecins français auraient acquis leurs diplômes à l'étranger, selon le Conseil national de l'Ordre des médecins.

Je souligne, par exemple, que 22,2 % des médecins diplômés hors de France sont allés en Algérie, 17,7 % en Roumanie, et entre 8 % et 9 % en Belgique.

Il semble important, aujourd'hui, de faire un bilan de cette situation et d'apporter une vision d'ensemble afin que les jeunes générations n'aient pas à contourner le système éducatif et puissent être dirigées de manière équilibrée sur le territoire et dans les différents services des hôpitaux. Sans oublier qu'un autre désert médical se prépare hors de hôpitaux : d'ici à 2018, il manquera près de 5,5 % de médecins généralistes !

Comment comptez-vous, madame la ministre, réguler sur notre territoire et même hors des hôpitaux la formation et le choix de carrière de nos futurs médecins ? Je précise que, bien souvent, le corps professoral qui enseigne à l'extérieur est composé de professeurs de médecine français.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, la problématique dont vous traitez est bien connue de la ministre des affaires sociales et de la santé, comme d'ailleurs de moi-même. Les départements ruraux, mais de plus en plus aussi les départements urbains, sont effectivement confrontés aux difficultés que vous avez évoquées, notamment au fait que les étudiants en médecine français partent étudier à l'étranger.

Je vais m'efforcer de vous apporter les éléments de réponse de nature à vous rassurer sur la politique suivie par le Gouvernement, tout spécialement par la ministre des affaires sociales et de la santé, qui a à cœur de défendre et de promouvoir la filière hospitalière. C'est d'ailleurs ce qui l'a conduite, dès septembre 2012, à demander à Édouard Couty d'élaborer un « pacte de confiance pour l'hôpital ».

Les pouvoirs publics agissent sur cinq leviers pour améliorer l'attractivité des carrières médicale.

Le premier levier a trait aux modalités de rémunération. L'indemnité d'engagement de service public exclusif est désormais versée aux praticiens des hôpitaux à temps partiel et aux praticiens attachés. Son extension aux assistants des hôpitaux est envisagée. Les modalités d'une retraite surcomplémentaire pour les personnels enseignants ont, quant à elles, d'ores et déjà été améliorées.

Par ailleurs - c'est le deuxième levier -, il convient de relever les efforts réalisés afin d'améliorer les conditions d'exercice elles-mêmes. Les modalités d'indemnisation de la permanence des soins ont été revues afin de mieux prendre en charge le temps de travail accompli pendant les astreintes, et les modalités d'utilisation du compte épargne temps ont été améliorées.

En outre - c'est le troisième levier -, il faut citer l'amélioration de l'attractivité des carrières médicales, qui passe également par la diversification des modes d'exercice.

Le « pacte territoire-santé » mis en place par la ministre des affaires sociales et de la santé comporte douze engagements cohérents visant à apporter des solutions à ces situations au travers d'évolutions dans la formation et la facilitation de l'installation des jeunes médecins, et par la transformation des conditions d'exercice des professionnels de santé.

Le dispositif novateur proposé dans le pacte prévoit la possibilité, pour un praticien hospitalier, d'exercer une activité ambulatoire dans les territoires fragiles.

Les premiers résultats sont là, comme le montrent par exemple les débuts encourageants des praticiens territoriaux de médecine générale. Alors que ce dispositif est opérationnel depuis le 16 août, plus de cinquante contrats ont été signés, et cent sont en cours de signature. Dans les prochaines semaines, ce sont deux cents médecins généralistes qui viendront renforcer l'offre de soins dans les territoires fragiles.

Ensuite - c'est le quatrième levier -, je rappelle que les médecins à diplôme étranger sont accueillis en France conformément au droit européen, qui organise la reconnaissance automatique de la formation médicale de base et de la formation de médecin spécialiste des ressortissants de l'Union européenne. Les titulaires de diplômes acquis hors Union européenne exerçant en France sont, quant à eux, soumis à la procédure législative d'autorisation d'exercice qui prévoit un concours, un stage en établissement de santé, puis un passage en commission.

Une réflexion est en cours afin de faire évoluer la législation existante.

Enfin - c'est le cinquième levier -, des dispositifs de régulation au niveau de la formation ont été mis en œuvre.

Le doublement du numerus clausus qui avait été tant réclamé - passage de 3 850 à 8 000 places -, associé à la filiarisation des postes pour les épreuves classantes nationales a permis une hausse des effectifs d'internes en formation, notamment dans les spécialités dont la démographie médicale laisse présager des difficultés.

Voilà, monsieur le sénateur, tout un ensemble de mesures qui tendent à une amélioration de la situation dont vous avez dit à quel point elle était grave et pénalisante pour nos territoires.

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Madame la ministre, j'ai pris note avec beaucoup de satisfaction de toutes les dispositions qui sont actuellement mises en œuvre dans le cadre du pacte territoire-santé.

Néanmoins, je reviens sur le doublement du numerus clausus et aux 8 000 places, pour souligner que la formation d'un médecin requiert tout de même entre huit ans et dix ans. Lors de son instauration en 1971, le numerus clausus rendait possible l'admission en deuxième année de médecine de 8 588 étudiants ; en 1992, on était tombé à 3 500 !

Il faudrait donc augmenter ce numerus clausus beaucoup plus fortement encore pendant un certain nombre d'années, compte tenu du désert qui risque d'apparaître en médecine générale, comme c'est déjà le cas dans certaines parties du territoire, notamment dans votre département, madame la ministre. En effet, entre les départs en retraite et le moment où les étudiants sont en poste dans les établissements, il faut tenir compte de la durée incompressible des études.

Peut-être faut-il réfléchir au numerus clausus lui-même. La sévérité des notations qui conditionnent le passage en deuxième année est selon moi excessive. Les médecins issus des facultés de médecine d'autres pays européens ne sont pas moins bons - tant s'en faut parfois - que les nôtres. Cette question doit être revue profondément. Échouer deux fois à l'admission en deuxième année interdit toute poursuite des études de médecine, ce qui décourage beaucoup de candidats, puisque, ensuite, il n'y a pas véritablement de réorientation possible. Les futurs candidats essaient donc de trouver d'autres voies.

Cette sélection trop exigeante risque de nous pénaliser. Il faut remettre en chantier la réflexion sur le numerus clausus, au-delà de toutes les excellentes dispositions qui ont été prises et que vous avez bien voulu rappeler, madame la ministre.

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