Question de M. BAS Philippe (Manche - UMP) publiée le 18/07/2013

M. Philippe Bas appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de réforme de la justice commerciale.

Le rapport de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le rôle de la justice en matière commerciale, publié le 24 avril 2013, provoque de vives inquiétudes dans les tribunaux de commerce.

Parmi les propositions du rapport, figurent celles d'introduire des magistrats professionnels dans les formations de jugement et de créer des pôles spécialisés en matière de procédures collectives à l'encontre d'entreprises d'une taille relativement importante.

La mise en place d'une mesure « d'échevinage » serait ressentie par les juges consulaires comme un signe de défiance à leur égard, vécu comme d'autant plus injustement qu'il existe déjà une procédure de délocalisation quand les intérêts en présence le justifient.

Les juges consulaires sont certes des bénévoles, mais ils ont une solide expertise et une connaissance incontestée de l'économie et du monde de l'entreprise obtenues de par leur profession. La création d'un pôle de magistrats spécialisés pour aborder des dossiers économiques complexes n'apporterait rien de plus du point de vue de la compétence économique nécessaire à l'appréciation de la situation des entreprises.

Ces dispositions créeraient une justice à deux vitesses, engendreraient une démotivation des juges de commerce et provoqueraient des dépenses inutiles alors que le coût des actions des juges consulaires est quasiment nul pour les finances publiques.

Dans ce contexte, il souhaite savoir si le Gouvernement entend reprendre ces propositions dans son futur projet de réforme de la justice commerciale.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/01/2014

Les juges consulaires ont su utiliser leur connaissance du monde de l'entreprise au service des fonctions juridictionnelles qu'ils exercent et à l'évolution desquelles ils ont largement participé. Au cœur de la vie économique de notre pays, les juridictions consulaires doivent cependant faire face à la complexité croissante du droit et aux difficultés majeures provoquées par la crise économique. Pour relever ces nouveaux défis, les dispositifs de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, l'organisation et le fonctionnement de la justice commerciale doivent être modernisés pour être davantage à la hauteur des enjeux pour nos entreprises et pour l'emploi. En décembre 2012, la garde des sceaux, ministre de la justice a mis en place des groupes de travail, cette large consultation a donné lieu à des travaux très riches. Parallèlement, une mission d'information de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale a présenté, le 24 avril 2013, un rapport sur le rôle de la justice en matière commerciale. L'ensemble de ces propositions ont naturellement alimenté les travaux législatifs en cours de rédaction. Pour le Gouvernement, le volet de la réforme des mesures de traitement des difficultés des entreprises est prioritaire, c'est pourquoi, il a décidé de l'intégrer au projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Cette loi d'habilitation est en cours d'examen au Parlement, dès son vote un projet d'ordonnance sera transmis au Conseil d'État pour une présentation en conseil des ministres dès le début 2014. Les mesures qu'il comportera ont notamment pour objectif d'inciter les entrepreneurs qui rencontrent des difficultés à davantage recourir aux mesures de prévention, de mieux articuler entre eux les dispositifs de prévention et les procédures collectives, de réduire les délais, d'accroître les pouvoirs des créanciers. L'esprit des mesures est d'aboutir à une plus grande réactivité, de donner aux créanciers et aux juges consulaires des outils adaptés, efficaces et fiables pour accompagner et aider l'entreprise en difficulté et par là préserver les emplois. Le second volet de la réforme de la justice commerciale concerne l'organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce et les acteurs de la justice commerciale. Il traitera en particulier de la déontologie, du statut et de la formation des acteurs de la justice commerciale, de l'organisation des juridictions et de l'amélioration du rôle des administrateurs et mandataires judiciaires. Ce texte sera présenté au Parlement en mars. L'échevinage, c'est-à-dire la constitution de formation de jugements mixtes comportant à la fois des magistrats professionnels et des juges élus, est une piste, en particulier au niveau des cours d'appel. Pour faciliter le traitement des dossiers les plus techniques et présentant des enjeux sociaux et économiques majeurs, sont également envisagées la spécialisation du parquet commercial et celle de certaines juridictions consulaires. La réflexion sur ces points doit être ouverte. Le projet de réforme du gouvernement comportera un projet de loi et toutes les mesures nécessaires à sa mise en œuvre. L'efficacité et la confiance dans la justice commerciale sont les enjeux de la réforme, deux qualités sur lesquelles s'appuient les dirigeants d'entreprises en difficulté et qu'attendent leurs salariés qui savent que leurs emplois peuvent en dépendre.

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