Question de M. CHARON Pierre (Paris - UMP) publiée le 20/09/2013

Question posée en séance publique le 19/09/2013

M. Pierre Charon. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.

Madame le garde des sceaux, la remise en liberté d'un détenu en raison de conditions de détention jugées insalubres à Bois-d'Arcy, la libération de trois délinquants en Eure-et-Loir faute de places en prison, le régime de semi-liberté dont a bénéficié le présumé auteur récidiviste de viols sous la menace d'une arme à Colombes cet été ou l'attaque de trains en toute impunité sont autant d'exemples récents qui témoignent de la cacophonie du système pénal, de l'incurie, par faute de moyens, des services de contrôle et de l'ineptie, comme de l'inefficience, des mesures d'aménagements de peine pour des cas d'une telle gravité.

Nous sommes, je le pense, unanimement d'accord sur ces travées pour déplorer le manque cruel de places dans nos établissements pénitentiaires. Au 1er septembre, on comptait en effet 67 088 détenus pour 57 238 places opérationnelles. Ce sont des conditions de détention inadmissibles.

Nous divergeons en revanche sur la manière de traiter la question, tant nos visions de la société s'opposent.

M. David Assouline. Ça, c'est vrai !

M. Pierre Charon. Laxisme, angélisme, dogmatisme président à toutes vos décisions (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), prises sous la haute surveillance du syndicat de la magistrature.

M. David Assouline. C'est totalement faux !

M. Pierre Charon. Vous êtes garde des sceaux, pas la gardienne du « mur des cons » ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Simon Sutour. Toujours aussi nuancé !

M. Pierre Charon. Ce sont 100 000 places qu'il faut atteindre pour avoir une politique pénale qui fonctionne à peu près, avec une exécution des peines sans délais. Il est irresponsable de savoir que 100 000 peines de prison ferme sont actuellement en attente d'exécution. Il est tout aussi irresponsable d'interrompre le programme immobilier de construction.

Vous préférez pourtant traiter l'engorgement des prisons par la suppression des peines plancher ou innover avec votre projet de contrainte pénale, qui n'est autre qu'une variation du sursis de mise à l'épreuve. De la com, toujours de la com, encore de la com !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est vous qui en faites en parlant de laxisme !

M. Pierre Charon. Vous préférez bannir la peine elle-même du vocabulaire pénal, installant, par là même, dans notre pays une situation d'impunité, signal désastreux pour les délinquants et méprisant pour nos forces de police. C'est une manière dangereuse, mais très sûre de nourrir les extrêmes !

Mme Éliane Assassi. Oh !

M. Pierre Laurent. Dites-le à François Fillon !

M. Pierre Charon. Quelles suites comptez-vous donner aux travaux conduits par l'administration pénitentiaire en 2009 et 2010, travaux qui fixaient, en tenant compte des aménagements de peine, un chiffre optimum du nombre de places de prison nécessaires ? C'était pourtant un exercice de prospective fort intéressant, mais déjà dépassé, malheureusement, dont il serait utile de s'inspirer pour ne pas voir la situation devenir ingérable.

Pourquoi ne pas poursuivre un vrai programme de construction de places de prison ? Les syndicats du personnel pénitentiaire le souhaitent, les forces de l'ordre et même les avocats et les détenus le souhaitent pour des raisons de dignité humaine.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela va être fait !

M. Pierre Charon. Je ne vous parle pas du Conseil de l'Europe, qui a pointé dans son rapport de mai dernier la surpopulation de nos prisons.

Ce que la surpopulation carcérale démontre, c'est qu'il n'y a pas assez de prisons, pas qu'il y a trop de condamnés !

Madame le garde des sceaux, ma question se résume en une phrase : pensez-vous pouvoir avoir longtemps raison contre la société française ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/09/2013

Réponse apportée en séance publique le 19/09/2013

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Charon, manifestement, il faut vous rafraîchir la mémoire sur les politiques conduites par les gouvernements que vous ne vous êtes pas contenté de soutenir, mais que vous avez accompagnés au jour le jour...

Le Gouvernement a le courage moral et politique d'attaquer les vrais problèmes, d'affronter les réalités et de tirer constat des résultats désastreux produits par ces politiques pénales et carcérales - je dis bien « politiques » au pluriel, tant elles furent disparates et divergentes - conduites par l'ancien gouvernement.

Ces politiques pénales, monsieur le sénateur, étaient notamment marquées par une exécution de la peine absolument confuse et inefficace. Elles étaient marquées par des injonctions contradictoires puisqu'il fallait tout à la fois incarcérer de plus en plus et, dans le même temps, aménager les peines de plus en plus. Voilà une capacité illogique de désarticuler la société pour laquelle vous avez fait des miracles !

Ces politiques pénales étaient également marquées par une gestion calamiteuse des flux carcéraux. Vous avez introduit dans le code de procédure pénale des mécanismes qui n'ont jamais fonctionné, la surveillance de fin de peine, par exemple. Et à quoi ont abouti vos résultats désastreux ? À un taux de condamnation en récidive légale qui a presque triplé en dix ans ! À un taux exorbitant et dangereux de sorties sèches de nos établissements pénitentiaires ! Dans toute l'Europe et en Amérique du Nord, on sait que les sorties sèches sont des facteurs d'aggravation de la récidive. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Joël Guerriau. Ce n'est pas une réponse !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Alors, oui, nous avons le courage moral et politique d'affronter cette réalité, de mettre un terme aux facteurs d'aggravation de la récidive, de préserver la sécurité des Français !

Nous le faisons à partir de travaux de recherche, de rapports parlementaires, dont certains ont été cosignés par des élus de votre sensibilité.

M. David Assouline. M. Lecerf !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous le faisons à partir des conclusions de la conférence de consensus à laquelle ont participé certains élus de votre sensibilité.

Nous le faisons après une large concertation.

Nous avons le courage, nous, d'affronter la lutte contre la récidive !

Nous allons construire des places de prison. Nous avons commencé à le faire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Nous avons des financements, là où vous affichez des places de prison avec zéro euro de financement. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Le temps de la démagogie est terminé ! Le temps du courage politique, du courage moral, et le temps de l'efficacité sont advenus, ne vous en déplaise ! (Vifs applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

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