Question de M. LENOIR Jean-Claude (Orne - UMP) publiée le 25/10/2013

Question posée en séance publique le 24/10/2013

Concerne le thème : La politique énergétique européenne

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, pour accéder au pouvoir, François Hollande a fait un cadeau très coûteux aux écologistes : il a indiqué qu'il allait fermer la centrale nucléaire de Fessenheim. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe écologiste.)

Vous-même, à peine nommé ministre, avez fait une déclaration retentissante dans le Journal du dimanche du 21 juillet dernier : « Je fermerai Fessenheim d'ici au 31 décembre 2016. »

Monsieur le ministre, cette décision est absurde.

Absurde, d'abord, parce que Fessenheim produit beaucoup d'électricité : 88 % des besoins de l'Alsace, 3 % des besoins de la France.

Absurde, ensuite, parce que Fessenheim rapporte entre 400 millions et 500 millions d'euros de recettes à EDF, fait travailler 800 salariés directement et un peu plus de 1 000 indirectement.

J'ajoute que, pour mener à bien cette entreprise, il faudrait que soient remplies au moins deux conditions, ce qui n'est pas le cas.

D'une part, ce n'est pas le Gouvernement qui pilote la centrale de Fessenheim, ni elle ni une autre, d'ailleurs. Une centrale nucléaire, monsieur le ministre, est pilotée par un exploitant sous le contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN. Or, il y a peu de temps, l'ASN a autorisé EDF à poursuivre l'exploitation de Fessenheim pendant dix ans, sous réserve d'un certain nombre de travaux, qui sont, pour l'essentiel, achevés ou qui le seront d'ici à la fin du mois de décembre.

D'autre part, Fessenheim n'est la propriété d'EDF qu'aux deux tiers. Le dernier tiers est partagé entre l'allemand EnBW, et un consortium suisse.

M. Alain Gournac. Oui !

M. Philippe Bas. Exactement !

M. Jean-Claude Lenoir. Dès lors, la fermeture de Fessenheim expose dangereusement la France.

Premièrement, nous allons manquer d'électricité. (Protestations sur les travées du groupe écologiste.)

M. Ronan Dantec. Mais non !

M. Jean-Vincent Placé. Non !

M. Jean-Claude Lenoir. Deuxièmement, nous allons devoir verser des dédommagements à ceux qui sont propriétaires, avec EDF, de la centrale.

Troisièmement, vous contrevenez à la décision de l'Autorité de sûreté nucléaire.

Quatrièmement, rien dans la loi ne permet à un gouvernement de se substituer à ceux qui gèrent une centrale nucléaire.

Alors, monsieur le ministre, merci de répondre à ces questions importantes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Alain Gournac. Très bien !

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 25/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 24/10/2013

M. Philippe Martin, ministre. Monsieur Lenoir, le Président de la République et le Premier ministre ont défini une méthode et des objectifs.

La méthode, c'est la diversification de notre mix énergétique. Les objectifs, ce sont la réduction de la part du nucléaire à 50 %, la réduction de 50 % de notre consommation finale d'énergie à l'horizon de 2050, la réduction de 30 % de notre consommation d'énergies fossiles, et 23 % d'énergie d'origine renouvelable en 2020.

Monsieur le sénateur, les décisions à venir sur la gestion du parc nucléaire de la France devront être compatibles avec cette méthode et ces objectifs.

Pour l'ensemble du parc nucléaire, les décisions devront être prises sous réserve, bien sûr, de l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire. Mais, monsieur Lenoir, et c'est ce qui nous différencie, vous, vous n'aimez pas que l'État soit stratège, et vous préférez vous en remettre à EDF et à une autorité de sûreté ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. L'État est le principal actionnaire d'EDF !

M. Philippe Martin, ministre. Nous, nous voulons redonner à l'État le rôle qui doit être le sien !

L'Autorité de sûreté nucléaire, c'est vrai, peut donner son avis pour des raisons de sûreté. EDF peut donner son avis pour des raisons économiques. L'État, lui, doit être le garant de la stratégie énergétique.

M. Jean-Vincent Placé. Voilà !

M. Philippe Martin, ministre. C'est la raison pour laquelle, monsieur Lenoir, je vous confirme que la loi sur la transition énergétique verra le retour de l'État stratège. (Mme Sophie Primas s'esclaffe.)

M. Jean-François Husson. Et quel stratège !...

M. Alain Gournac. En effet !

M. Philippe Martin, ministre. Que vous le vouliez ou non, monsieur le sénateur, la fermeture de Fessenheim sera bien effective à la fin de l'année 2016 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Alain Gournac. Bien sûr que non !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour la réplique.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, je vous donne rendez-vous à la fin de l'année 2016 : vous n'aurez pas fermé la centrale de Fessenheim ! Vous pouvez éventuellement l'arrêter en ne la nourrissant pas en combustible. Je vous rappelle néanmoins que les règles de la sûreté nucléaire interdisent à l'exploitant de conserver plus de deux ans une centrale qui ne fonctionnerait pas. Au-delà, il faudrait se soumettre aux prescriptions très précises de la loi, qui confie à l'ASN le soin non pas de donner des avis, mais de prendre des décisions.

Et, puisque l'on parle de la politique européenne de l'énergie et que votre référence est visiblement l'Allemagne, permettez-moi de vous rappeler que notre voisin allemand est en train d'augmenter sa production d'électricité à partir de charbon et de lignite en provenance des États-Unis !

Actuellement, le problème de l'émission de CO2 et de gaz à effet de serre ne se pose pas en France, grâce au nucléaire ; en revanche, il se pose bien en Allemagne !

Alors, monsieur le ministre, mettez toute la fougue dont je vous sais capable pour convaincre les Allemands d'arrêter de produire de l'électricité à partir du charbon ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

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