Question de Mme DAVID Annie (Isère - CRC) publiée le 04/10/2013

Question posée en séance publique le 03/10/2013

Mme Annie David. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Il aura suffi qu'une grande enseigne de distribution obtienne la condamnation d'une entreprise concurrente, qui ouvrait le dimanche en toute illégalité – faut-il le rappeler ? –, pour que le Gouvernement décide de mettre en place un comité interministériel sur la question du travail dominical.

Dans la foulée, vous avez chargé d'une mission un ancien grand patron connu à plusieurs titres, notamment pour avoir déjà participé à l'élaboration d'un rapport du Conseil économique et social, le rapport Salto, dont s'est d'ailleurs inspiré le député Mallié pour multiplier les dérogations au repos dominical dans la loi que nous avons ensemble, à gauche, combattue au Sénat.

Comme vous, je suis, avec mes collègues du groupe CRC, attentive à la situation des salariés qui travaillent aujourd'hui le dimanche.

Comme vous, je ne peux me réjouir que des salariés, du fait que leurs salaires sont trop bas ou qu'ils travaillent dans la précarité, soient contraints, pour subvenir aux besoins de leurs familles, de travailler le dimanche, au risque même de fragiliser les liens non seulement familiaux, mais aussi amicaux, ou encore associatifs.

Comme vous aussi, je ne peux me résoudre à ce que l'on accepte que des étudiants soient contraints de travailler le week-end, et parfois les soirs, pour financer leurs études (Mme Natacha Bouchart s'exclame.), souvent au détriment de la réussite de leurs études. Il y a là d'ailleurs une inégalité d'accès aux savoirs, qui est intolérable.

Comme vous, je l'espère, je suis convaincue que le travail du dimanche n'est pas la solution à la faiblesse des salaires, ni à la détresse des milliers d'étudiants qui revendiquent depuis des années – une revendication à laquelle nous sommes favorables – une allocation d'étude qui leur permettrait d'être autonomes et d'étudier sereinement. (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. Assister !

M. Alain Gournac. Encore plus d'assistanat !

Mme Annie David. D'ailleurs, en 2011, une majorité de gauche au Sénat a adopté la proposition de loi que j'avais déposée pour renforcer le droit au repos dominical, convaincue que nos concitoyens ont besoin de disposer de « temps libéré » pour les retrouvailles familiales, amicales ou associatives. Il s'agit d'un temps qu'André Henry (Marques d'ironie sur les travées de l'UMP.), ancien ministre socialiste du temps libre, qualifiait l'été dernier de « temps choisi qui reste toujours une idée neuve ». Voilà qui est, en somme, à l'opposé de cette société où le « tout-marchand » l'emporte toujours sur l'humain.

Voulons-nous une société où l'argent prime et opprime les plus faibles ou une société d'émancipation des femmes et des hommes créateurs de richesse ?

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. C'est long !

Mme Annie David. Pour ce qui concerne les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen, le choix est clair : ils font celui d'une société émancipatrice, offrant à nos jeunes un avenir de progrès !

M. Alain Gournac. C'est déclaratif !

Mme Annie David. Monsieur le ministre, avez-vous renoncé, avec le Gouvernement auquel vous appartenez, à ce modèle de société ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Corinne Bouchoux et Gisèle Printz ainsi que M. Yannick Vaugrenard applaudissent également.)

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 04/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 03/10/2013

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, vous m'avez interrogé sur la question du repos dominical, un principe ancien,...

M. Jean-Jacques Mirassou. Oui !

M. Michel Sapin, ministre. ... qui n'est pas apparu n'importe comment. Il est le fruit de combats d'hommes et de femmes qui, il y a un siècle ou un peu plus, travaillaient sept jours sur sept,...

M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !

M. Michel Sapin, ministre. ... sans arrêt, parfois jour et nuit, sans qu'il y ait de règle pour fixer, ce qui doit être naturellement le rôle de la loi,...

M. Roland Courteau. Il faut le rappeler !

M. Michel Sapin, ministre. ... les limites à une loi qui était la loi de la jungle.

Le Gouvernement est attaché au maintien du principe du repos dominical.

M. Jean-Vincent Placé. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Chez nous, le repos est dominical. Ailleurs, il a lieu un samedi ou un vendredi. Mais il n'y a pas un pays en Europe où on a le droit de travailler sept jours sur sept.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Il y a toujours un jour de repos dans la semaine, et nous y tenons.

M. Alain Gournac. On est pour, mais pas toujours le dimanche !

M. Michel Sapin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs (M. le ministre regarde les travées de l'UMP.), si je devais vous demander votre avis, je pense que j'aurais du mal à obtenir un avis convergent ! (Oh ! et sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Isabelle Debré. Essayez de nous le demander !

M. Michel Sapin, ministre. Madame David, je constate - et vous le constatez aussi ! - que le problème se pose beaucoup en région parisienne.

Mme Catherine Procaccia. Exactement !

M. Michel Sapin, ministre. Il est vrai que cette région connaît des conditions de vie particulières, contre lesquelles il nous faut peut-être lutter ensemble : lorsque les personnes passent le matin et le soir une heure et demie dans les transports, il leur reste peu de temps pour faire leurs courses, contrairement à ce qui se passe dans l'Isère ou à Argenton-sur-Creuse.

La loi Mallié de 2009, dont l'objet était de permettre aux magasins d'ouvrir mieux, a créé un énorme désordre : les magasins peuvent ouvrir sans ouvrir, dans le désordre. En témoignent les décisions de justice, qui constatent le caractère totalement inapplicable, de manière ordonnée, d'une loi, qui est une mauvaise loi. Il nous faut remettre de l'ordre dans ce désordre créé au travers d'une loi adoptée par cette partie de l'hémicycle. (M. le ministre désigne la droite de l'hémicycle. - Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Assumez !

Mme Isabelle Debré. Vous pourriez au moins nous regarder quand vous vous adressez à nous ! C'est une simple question de correction !

M. Michel Sapin, ministre. Oui, nous allons remettre de l'ordre ! (Nouvelles exclamations sur les travées de l'UMP.) Et nous allons le faire par la concertation !

C'est pourquoi nous avons demandé à une personnalité de travailler vite, en l'espace de deux mois, pour entendre les différents partenaires syndicaux, patronaux, locaux, afin de proposer une solution. Ensuite, le Gouvernement prendra sa responsabilité.

M. Alain Gournac. Pourquoi nous tournez-vous le dos, monsieur le ministre ?

M. Michel Sapin, ministre. Si le Parlement doit être saisi, il le sera.

M. Alain Gournac. Dans combien de temps ?

M. Michel Sapin, ministre. C'est aussi par la concertation que nous combattrons l'une des plus graves inégalités. Il y a des salariés qui travaillent le dimanche et qui gagnent le double,...

M. Alain Gournac. Coucou ! Nous sommes là ! Adressez-vous aussi à nous !

M. Michel Sapin, ministre. ... tandis que d'autres sont payés comme le reste de la semaine. Là aussi, il existe une inégalité contre laquelle nous lutterons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Roland Courteau. Exactement !

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