Question de M. TESTON Michel (Ardèche - SOC) publiée le 10/10/2013

M. Michel Teston appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur les fortes inquiétudes des producteurs d'huile essentielle de lavande, face à l'évolution envisagée de certaines réglementations européennes.

En effet, à la suite du rapport White de juin 2012, le conseil scientifique des produits de consommation de l'Union européenne a proposé de réduire, le plus possible, la présence de produits potentiellement allergènes dans les cosmétiques et les parfums. Ainsi, le nombre de substances dites « allergènes » qui risqueraient d'être proscrites ou limitées, pourrait être porté de 26 à 80, voire à 130.

Or, le linalol, substance reconnue comme potentiellement allergène, est présent dans l'extrait et l'huile essentielle de lavande ce qui pourrait conduire à la limitation, voire à la suppression de ces ingrédients des préparations destinées aux produits de la parfumerie, de la cosmétique et de la parapharmacie.
Outre les conséquences pour les producteurs de lavande, l'activité des entreprises de la parfumerie et de la cosmétique serait grandement impactée, notamment du point de vue de la qualité et de l'efficacité de leurs produits, faisant peser des risques importants sur des milliers d'emplois.

En outre, le système européen d'enregistrement, d'évaluation, d'autorisation et de restriction des substances chimiques (REACH) considère les huiles essentielles comme des produits chimiques. En conséquence, les producteurs de lavande devront fournir des études toxicologiques très poussées sur leurs produits, entraînant des coûts supplémentaires insupportables pour leurs exploitations.

Alors que les alcools ou les huiles de consommation, autres produits issus de la distillation classique des plantes, sont considérés comme des produits agricoles, il paraît incohérent que les huiles essentielles soient considérées comme des substances chimiques.

Aussi, lui demande-t-il de lui indiquer les réponses qu'il est susceptible d'apporter à l'inquiétude exprimée par les producteurs de lavande face aux évolutions envisagées des réglementations européennes.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 05/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 04/02/2014

M. Michel Teston. Monsieur le ministre, à la suite du rapport du professeur en dermatologie Ian White remis au mois de juin 2012, le comité scientifique des produits de consommation de l'Union européenne a proposé de réduire le plus possible la présence de produits potentiellement allergènes dans les cosmétiques et les parfums. Ainsi, le nombre de substances dites « allergènes » risquant d'être proscrites ou limitées pourrait être porté de 26 à 80, voire à 130.

Or le linalol, substance reconnue comme potentiellement allergène, est présent dans l'extrait et l'huile essentielle de lavande. Les producteurs de lavande et de lavandin craignent que l'évolution de la réglementation européenne ne conduise à la limitation, voire à la suppression, de ces ingrédients des préparations destinées aux produits de la parfumerie, de la cosmétique et de la parapharmacie.

Au-delà, l'ensemble des producteurs de plantes aromatiques et médicinales expriment de fortes inquiétudes quant à l'avenir de leurs productions d'huiles essentielles. En Ardèche, cette filière compte plus d'une centaine exploitations représentant une surface de 540 hectares, dont 497 hectares sont consacrés à la lavande et au lavandin.

En outre, une telle décision aurait de fortes conséquences sur l'activité de l'entreprise française de la parfumerie et de la cosmétique. La qualité et l'efficacité de ses produits en seraient affectées, ce qui ferait peser des risques importants sur des milliers d'emplois au sein de la filière.

Le règlement européen d'enregistrement, d'évaluation, d'autorisation et de restriction des substances chimiques, dit « REACH », considère les huiles essentielles comme des produits chimiques. En conséquence, les producteurs de plantes aromatiques et médicinales devront fournir des études toxicologiques très poussées sur leurs produits, entraînant des coûts supplémentaires insupportables pour leurs exploitations.

Alors que les alcools ou les huiles de consommation, autres produits issus de la distillation classique des plantes, sont considérés comme des produits agricoles, il paraît incohérent que les huiles essentielles soient considérées comme des substances chimiques.

Monsieur le ministre, quelles réponses pouvez-vous apporter à l'inquiétude exprimée par les producteurs de plantes aromatiques et médicinales, en particulier par ceux de lavande et de lavandin, face aux évolutions envisagées de la réglementation européenne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, j'ai eu l'occasion d'évoquer cette question avec les professionnels de la filière à la fin de l'année dernière. J'ai déjà été sensibilisé à ce sujet quand j'étais député européen.

Grâce aux six réglementations mises en place par l'Union européenne, en particulier le règlement REACH, la protection des consommateurs européens contre les molécules chimiques est l'une des plus élevées, sinon la plus élevée du monde.

Vous l'avez évoqué, il se trouve qu'une partie des huiles essentielles, pourtant à base de produits naturels, contient un certain nombre de substances cataloguées comme des produits chimiques et non comme des produits agricoles.

Le ministère de l'agriculture a déjà engagé plusieurs actions en faveur de la filière. Ainsi, en 2008, le pré-enregistrement a été mis en place grâce aux aides de FranceAgriMer. Cet établissement a également financé des actions et des études visant à aider les distilleries au cours des différentes étapes d'enregistrement. En 2013, au total, 160 000 euros ont été affectés à ce secteur.

Sur ce sujet, il nous faut maintenant développer une stratégie à l'échelon européen. En effet, indépendamment des coûts supplémentaires que cela entraîne, les conséquences des directives actuelles en termes d'étiquetage sont importantes. Vous l'avez soulevé, pour l'huile essentielle et les parfums de lavande, le nouvel étiquetage imposé serait dissuasif et serait proche de celui de l'eau de Javel ! C'est un véritable problème.

À la suite de ma rencontre avec des représentants de la filière, j'ai décidé la mise en place d'une mission au sein de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de la région PACA, pour accompagner les responsables de la filière dans la préparation de leurs analyses et démarches visant à plaider auprès de la Commission européenne un traitement spécifique.

En effet, parce que les huiles essentielles contiennent des substances chimiques, il faut veiller à informer les consommateurs. En revanche, il s'agit de produits chimiques traditionnels qui ne peuvent être assimilés à des produits chimiques basiques, car ils n'appellent pas la même utilisation. La lavande est un produit naturel, reconnu depuis des siècles.

Il faut donc obtenir une dérogation pour ces huiles essentielles naturelles, que tout le monde connaît et utilise, afin que les étiquetages de la lavande et des parfums issus de la distillerie ne soient ceux d'un produit chimique.

La mission est créée et a commencé à travailler. Dès que nous aurons défini un cadre juridique, nous plaiderons la défense de la lavande auprès de la Commission européenne.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Je rappelle que la lavande et le lavandin, plus généralement les plantes aromatiques et médicinales, sont des productions particulièrement adaptées aux montagnes sèches et méditerranéennes. Elles peuvent donc difficilement être remplacées.

Je salue par ailleurs l'accompagnement financier apporté par l'État aux distilleries pour le pré-enregistrement et l'enregistrement, qui sont des démarches imposées par le règlement européen REACH.

Enfin, j'approuve la volonté que vous venez d'exprimer de plaider auprès de la Commission européenne en faveur d'un règlement spécifique pour les huiles essentielles. En effet, vous l'avez souligné, il s'agit de produits naturels composés certes d'éléments chimiques, mais qui sont depuis longtemps, et sans doute à raison, reconnus comme ne présentant aucun danger réel pour les consommateurs.

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