Question de M. LENOIR Jean-Claude (Orne - UMP) publiée le 17/10/2013

M. Jean-Claude Lenoir attire l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'opportunité de modifier la réglementation thermique entrée en vigueur au 1er janvier 2013 (RT 2012) pour l'adapter au développement des énergies renouvelables (EnR).

En retenant pour seul critère de performance la consommation d'énergie primaire, en effet, la RT 2012 méconnaît les objectifs majeurs de la transition énergétique que sont la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre et le soutien au développement des EnR. Paradoxalement, elle favorise les énergies fossiles importées au détriment des solutions électriques, pénalisant de facto le développement des EnR qui produisent de l'électricité. Cette situation est d'autant plus regrettable qu'aujourd'hui le solaire photovoltaïque devient de plus en plus compétitif.

Pour qu'il se développe de manière significative et de façon qui soit à la fois utile et soutenable, encore faut-il que le système électrique puisse intégrer cette technologie dans l'habitat, de telle sorte que le consommateur puisse consommer l'électricité produite par son installation au lieu de la renvoyer sur le réseau électrique. Cela suppose à la fois une évolution des conditions de rachat et une adaptation de la réglementation thermique. Il est important que cette réglementation soit ouverte aux solutions électriques innovantes au lieu de les exclure comme c'est, de fait, le cas actuellement avec la RT 2012.

L'annulation, par le Conseil d'État, de l'arrêté du 20 juillet 2011 portant approbation de la méthode de calcul utilisée pour l'application de la RT 2012 doit être l'occasion de remédier aux lacunes de cette réglementation. L'électricité a un rôle important à jouer à la fois comme vecteur des EnR mais aussi comme régulateur de leur caractère intermittent.

Il lui demande les modifications qu'elle envisage d'apporter à la RT 2012 afin d'intégrer ces enjeux.

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 22/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 21/01/2014

M. Jean-Claude Lenoir. Ma question concerne la réglementation thermique 2012.

Vous le savez, un nouveau dispositif a été mis en place et s'applique depuis le 1er janvier 2013. Le critère de performance retenu est celui de la consommation d'énergie primaire.

Un tel dispositif a des effets pervers.

En effet, il favorise l'utilisation d'énergies carbonées, notamment d'origine fossile, au détriment de l'électricité, au moment même où le projet de loi visant à favoriser la transition énergétique affiche différents objectifs, tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en particulier le CO2, ou le développement des énergies renouvelables pour produire de l'électricité.

La réglementation thermique favorise donc paradoxalement l'utilisation d'énergies fossiles, notamment le gaz, et pénalise fortement l'électricité.

Le Conseil d'État a annulé l'arrêté du 20 juillet 2011, qui fixait les modalités de calcul pour déterminer les conditions d'application de la réglementation thermique. Il faut profiter de l'occasion pour corriger la situation actuelle, qui a de lourdes conséquences.

Ainsi, un particulier qui installe des panneaux photovoltaïques pour produire de l'électricité ne peut pas utiliser lui-même cette électricité et doit la mettre sur le réseau, avec tous les problèmes d'intermittence et d'aléa que nous connaissons.

De même, et je sais que vous serez sensible à cet exemple également d'ordre pratique, madame la ministre, dans les territoires ruraux, quand les organismes d'HLM, notamment, construisent des logements sociaux, ils doivent privilégier le gaz au détriment de l'électricité pour respecter les normes BBC, pour « bâtiment de basse consommation » ! Or, si le gaz est plutôt utilisé dans les zones urbaines, il est peu répandu dans le monde rural. Du coup, pour respecter ces normes, on est obligé d'installer des citernes de gaz en pleine campagne !

Nous le voyons, madame la ministre, il faut profiter de l'arrêt du Conseil d'État pour faire évoluer la situation. Au demeurant, l'innovation technologique permet d'utiliser l'électricité dans les meilleures conditions. Je ne demande évidemment pas que l'on privilégie à tout prix l'électricité au détriment du gaz ; je dis simplement qu'un rééquilibrage s'impose.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je sais le spécialiste des questions énergétiques que vous êtes.

Mon collègue Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, se chargera d'approfondir la réponse dont je vais vous donner connaissance, à la lumière des points que vous venez de développer et dont j'ai pris bonne note, comme vous avez pu le constater.

Ainsi que le Président de la République l'a affirmé lors de la Conférence environnementale du mois de septembre 2013, accroître la performance énergétique des bâtiments est une priorité pour le Gouvernement. Cet objectif s'inscrit pleinement dans la dynamique de la transition énergétique qui est la nôtre.

Comme vous le soulignez, la réglementation thermique, ou RT 2012, figure parmi les outils pour y parvenir. C'est une étape majeure sur le chemin de la généralisation des bâtiments à énergie positive, qui devront être la norme pour les bâtiments neufs à l'horizon 2020.

Vous le savez, la réglementation thermique s'attache avant tout aux résultats en termes de consommation d'énergie primaire, de besoin bioclimatique et de confort en été. Elle a pour objectif de limiter la consommation d'énergie primaire des bâtiments neufs à un maximum de 50 kilowattheures par mètre carré et par an, en moyenne. Elle s'accompagne de quelques exigences de moyens, limitées au strict nécessaire. En particulier, la RT 2012 rend obligatoire le recours aux énergies renouvelables en maison individuelle.

La méthode décrite dans l'arrêté du 20 juillet 2011 permet de calculer la production d'électricité par des panneaux photovoltaïques installés sur le bâtiment. Cette production locale d'électricité est ensuite valorisée dans le calcul réglementaire de la RT 2012, puisqu'elle est déduite de la consommation du bâtiment.

Vous l'avez rappelé, le Conseil d'État a annulé l'arrêté du 20 juillet 2011 pour un motif de forme, et non de fond. Le nouvel arrêté approuvant la méthode de calcul a été signé le 30 avril 2013 pour une entrée en vigueur dès le 24 juillet 2013. Cela a permis d'assurer la continuité de l'application de la réglementation thermique 2012.

À ce jour, il n'est pas prévu de modifier cette réglementation, mais cela ne signifie pas que nous ne ferons rien d'ici à l'élaboration de la prochaine réglementation, en 2020.

D'autres dispositions en faveur de la rénovation énergétique seront mises en œuvre dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique. À travers ce texte, Philippe Martin cherchera à atteindre différents objectifs : réduction des émissions de gaz à effet de serre, amélioration de l'efficacité énergétique, avec une réduction de 50 % de la consommation d'énergie à l'horizon 2050, une réduction de 30 % de la consommation de combustibles fossiles à l'horizon 2030 et une diversification du mix électrique, avec le développement des énergies renouvelables et la réduction à 50 % de la part du nucléaire à l'horizon 2025.

Monsieur le sénateur, j'ai bien entendu vos observations sur le photovoltaïque et son utilisation au niveau local, ainsi que sur le recours au gaz dans les zones rurales. J'attirerai tout particulièrement l'attention de Philippe Martin sur ces deux points, afin qu'il vous apporte une réponse propre à apaiser vos inquiétudes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse ainsi que de la courtoisie dont vous faites preuve chaque fois que vous venez dans cet hémicycle.

Les préoccupations que j'ai exprimées restent très fortes. On a aujourd'hui tendance à considérer qu'il faut exclure l'électricité des moyens de chauffage des bâtiments et l'on pousse les utilisateurs et les propriétaires d'immeubles, aussi bien individuels que collectifs, à recourir à des sources d'énergie d'origine fossile, ce qui est en contradiction totale avec les objectifs de la politique de transition énergétique.

On assiste à des comportements qui constituent en fait autant de détournements de la réglementation thermique. Je ne prendrai qu'un seul exemple.

Pour satisfaire aux conditions posées par les textes, certaines personnes font semblant de vouloir se chauffer avec un poêle à bois tout en installant l'électricité ; elles branchent des convecteurs dès la fin des travaux ! C'est finalement la pire des solutions. Au demeurant, grâce à l'isolation des bâtiments, les innovations technologiques permettent de recourir d'emblée à des moyens faisant appel à une source d'énergie plus propre, car décarbonée : l'électricité !

Je tenais à ajouter ces quelques éléments à ma question. Nous avons un grand rendez-vous : l'examen du projet de loi sur la transition énergétique. Je ne manquerai pas de poursuivre le débat avec le ministre chargé de l'énergie.

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