Question de M. GUERRIAU Joël (Loire-Atlantique - UDI-UC) publiée le 22/11/2013

Question posée en séance publique le 21/11/2013

Concerne le thème : La sécurité : les chiffres de la délinquance

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes interrogations portent sur la délinquance des mineurs, sujet humainement délicat.

Depuis dix ans, l'Observatoire de la délinquance et des réponses pénales rapporte que les mineurs commettent 18 % de l'ensemble des délits et un tiers de la totalité des vols. En moyenne, entre 2007 et 2012, cela a représenté 140 000 mises en cause par an, soit 400 par jour. Il n'est pas rare qu'un policier soit amené à interpeller le même jeune plus de dix fois dans la même année !

J'illustrerai mes propos par un exemple. En mai 2012, à Nantes, un barrage de police a été forcé par une voiture volée, blessant sept policiers. Le chef de la bande avait treize ans. Le week-end précédent, il avait été présenté devant le parquet pour une série de cambriolages et pour vol de voitures.

Ce mois-ci, les mêmes auteurs, toujours mineurs, viennent d'être arrêtés pour une nouvelle série de cambriolages.

Cet exemple montre que l'absence de réponse adaptée à la gravité des faits conduit à une escalade de la violence. Le sentiment d'impunité confère aux auteurs un statut de caïd et affaiblit l'autorité des représentants de l'État.

Pour ne rien arranger, la Chancellerie vient de complexifier la tâche de la police en interdisant l'utilisation de la géolocalisation lors de l'enquête préliminaire sans l'autorisation du juge.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas la Chancellerie, c'est la Cour de cassation !

M. Joël Guerriau. Mais la Chancellerie a confirmé !

M. Jean-Pierre Sueur. La Cour de cassation est indépendante !

M. Joël Guerriau. Nous n'attendons pas une nouvelle réforme pénale, mais l'application de mesures permettant de protéger ces jeunes d'eux-mêmes. La question est de savoir si nous disposons du personnel, formé et en nombre, qui soit capable de ramener ces mineurs dans le droit chemin. Je reste persuadé que l'action préventive et le travail éducatif sont déterminants.

Concernant les actions préventives, la police de proximité et les brigades spécialisées subissent des contraintes supplémentaires avec l'accroissement du temps passé à la rédaction d'actes.

Concernant les actions éducatives, le programme du candidat Hollande contenait l'engagement de doubler le nombre de centres éducatifs fermés. Or, aujourd'hui, les intentions du Gouvernement à cet égard sont confuses.

Malheureusement, le durcissement des actes de délinquance pose le problème des récidivistes que les centres éducatifs ne réussissent pas à réinsérer.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, j'ai deux propositions à vous faire et deux questions à vous poser.

Nous proposons, tout d'abord, qu'une mission parlementaire d'information permette de mesurer l'efficacité des centres éducatifs.

Nous proposons, ensuite, la rédaction d'un texte législatif pour préciser le cadre d'utilisation par la police de moyens techniques de surveillance, de traçage téléphonique ou de localisation.

Enfin, les promesses de la campagne pour l'élection présidentielle seront-elles tenues ? Quels moyens envisagez-vous concrètement pour lutter contre la récidive des mineurs, qui empoisonne nos concitoyens et met en danger les auteurs eux-mêmes ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 22/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/11/2013

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Guerriau, vous avez raison de partir des chiffres relatifs à l'augmentation de la part des mineurs dans les violences aux personnes entre 2002 et 2012. Il s'agit d'un phénomène de société qui doit être examiné sur le long terme.

Je tire deux enseignements des statistiques que vous avez rappelées.

D'une part, la délinquance violente des mineurs s'est aggravée. Les barrières que sont censées ériger l'éducation, la morale ou les valeurs qui fondent notre société ne sont plus des remparts suffisants pour préserver contre l'appât du gain, les atteintes à l'intégrité physique, voire à la vie humaine.

D'autre part, nous constatons une professionnalisation accrue de cette délinquance des mineurs. On retrouve en effet ces jeunes dans toute une série de réseaux, ce qui pose d'ailleurs des problèmes majeurs.

Vous entendez prendre des initiatives au niveau du Parlement : c'est évidemment votre droit. Ces enseignements me conduisent, moi, à deux séries de conclusions.

Premièrement, il est urgent, pour lutter contre cette inscription dans l'illégalité d'individus de plus en plus jeunes et de plus en plus déterminés, de réinvestir tous les territoires de la République, par une approche à la fois globale et très fine, comme nous le faisons à Marseille, mais aussi sur de nombreux autres territoires, en particulier dans les zones de sécurité prioritaires.

Deuxièmement - et ceci relève de ma responsabilité et de celle de la ministre de la justice -, nous devons adopter une attitude sans concession à l'égard de cette forme de criminalité qui procède d'une détermination que nous ne pouvons pas sous-estimer, je le répète, même chez les mineurs. Sans le respect des valeurs que j'évoquais, sur lesquelles nous pouvons « faire société » et que défendent souvent les parents de ces mêmes mineurs, le travail social, l'éducation, l'instruction, la justice même, ne pourront faire leur œuvre et dissuader ces jeunes de céder à l'appât du gain et aux facilités de l'économie criminelle.

De mon point de vue, les centres éducatifs fermés représentent une réponse. Vous proposez, quant à vous, de les évaluer. J'insiste sur le fait qu'il faut apporter à la fois une réponse éducative et une réponse pénale : c'est en nous appuyant sur ces deux piliers que nous pourrons combattre ce phénomène particulièrement grave.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, vous n'avez pas pleinement répondu à ma question.

Pendant la campagne pour l'élection présidentielle, votre candidat a parlé de doubler le nombre des centres éducatifs fermés : pour l'instant, seule la création d'un nouveau centre éducatif à Marseille a été annoncée par le Premier ministre. Il sera donc important d'évaluer les résultats de ces centres.

Je constate, sur le terrain, l'agacement des policiers qui doivent interpeller plusieurs fois les mêmes auteurs, avant même qu'ils puissent être condamnés, avec une efficacité manifestement nulle. Je rends d'ailleurs hommage à ces policiers qui ne se découragent pas pour autant, dans un contexte extrêmement difficile : locaux vétustes, moyens de plus en plus limités, etc.

L'interprétation par la Cour de cassation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a mis fin à la possibilité, pour les policiers, de travailler avec la géolocalisation. Il faut réagir à cette situation et la première solution consiste à accorder à la police des outils supplémentaires, car quelques millions d'euros d'investissements en plus ne suffiront pas.

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