Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOC) publiée le 22/11/2013

Question posée en séance publique le 21/11/2013

Concerne le thème : La sécurité : les chiffres de la délinquance

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, à cet instant du débat, j'ai envie de dire à mes collègues : « Soyons justes ! »

D'une part, en ce qui concerne les mineurs, à en juger par les difficultés qu'il faut affronter pour que les jeunes puissent aller à l'école neuf demi-journées par semaines et un peu plus de 140 jours par année, je me dis que nous avons un problème d'instruction et d'éducation que la société doit aussi prendre en charge !

D'autre part, quand je vous entends, cher Jean-Patrick Courtois, énoncer que les policiers se sentent orphelins et que Bercy pose des problèmes, je pense qu'il faut aussi s'interroger sur ce qui s'est passé dans les années précédentes : Bercy devait quand même déjà dire son mot…

M. Jean-Patrick Courtois. Nous ne sommes plus au pouvoir !

M. Jean-Pierre Sueur. … quand on a supprimé des postes de policiers ! Des postes que vous rétablissez d'ailleurs, heureusement, avec beaucoup d'énergie, monsieur le ministre. Je ne pense donc pas que les policiers se sentent orphelins, ni les gendarmes d'ailleurs.

J'en viens à l'objet de ma question, qui a trait aux statistiques, puisque tel est le thème de cette séance de questions cribles.

On a tout dit sur l'état 4001, son inefficacité et son imprécision.

L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales est un organe très important, parce qu'il est indépendant : il faut donc conforter son indépendance.

Nous disposons des statistiques de la police et de celles de la gendarmerie. Une réforme a eu lieu en 2012. À la fin de la même année, l'ONDRP a estimé qu'il existait une rupture statistique. À cela s'ajoute le fait que les statistiques du ministère de la justice reposent sur des bases différentes.

Par conséquent, nous avons trois sources statistiques qui obéissent à des logiques qui ne sont pas parfaitement cohérentes. Or, pour bien appréhender le phénomène de la délinquance, il faut une cohérence entre ces trois sources. Quelles sont vos intentions à cet égard, monsieur le ministre ?

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 22/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/11/2013

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Sueur, vous avez eu raison de rappeler que la décision relative à la géolocalisation, mentionnée par un de vos collègues, émanait de la Cour de cassation. Il nous appartient maintenant de résoudre le problème ainsi posé, et j'y travaille avec Mme la ministre de la justice.

Par ailleurs, vous l'avez dit à juste titre, seule la confrontation, catégorie de faits par catégorie de faits, des données relatives aux auteurs interpellés, sur l'ensemble du champ répressif, de la réitération à la récidive, permet d'évaluer de manière scientifique, avec la plus grande cohérence possible, les conséquences des politiques publiques en matière de sécurité.

J'ai proposé que nous fassions avancer ce chantier dans le cadre du plan « anti-cambriolages et anti-vols à main armée », car il n'existe guère de délinquance plus sérielle que le cambriolage. Aujourd'hui, nous vivons encore au Moyen Âge de la statistique criminologique. La modernisation à peu près concomitante des fichiers de police, de gendarmerie et de justice va nous permettre d'accéder, je l'espère, à un âge véritablement scientifique, avec des croisements fins de données entre auteurs et victimes pour mieux prévenir - je réponds, là encore, à la préoccupation exprimée tout à l'heure par Mme Assassi -, dissuader ou punir. Bien sûr, ces statistiques resteront anonymisées.

Cette exigence de sens et de cohérence illustre l'ambition de la réforme de l'ONDRP que j'ai déjà évoquée et que je conduis avec Christiane Taubira. Nous avons entrepris de renforcer l'indépendance et le professionnalisme de cet organisme, notamment en associant étroitement l'Autorité de la statistique publique à son fonctionnement. Nous veillerons à doter cette instance des moyens nécessaires à la construction, tant attendue en France, d'un diagnostic de la délinquance complet, précis et rigoureux, propre à bâtir des politiques publiques adaptées à la récidive.

Nous avons pris cet engagement cet été, Mme la garde des sceaux et moi-même, lors d'une communication conjointe devant le conseil des ministres. Il est très important que, dès 2014, les deux services statistiques de nos deux ministères puissent enrichir les données recueillies par l'ONDRP et les mettent à la disposition tant du grand public que des chercheurs, sur des séries récurrentes. La police et la gendarmerie disposeront ainsi d'un outil adaptable et efficace.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.

M. Jean-Patrick Courtois. Il ne renonce jamais !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Courtois, vous le savez, il est très difficile de m'empêcher de parler ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)

M. Joël Guerriau. Vous n'hésitez jamais non plus à interrompre les autres ! Épargnez-nous vos leçons de morale !

M. Jean-Pierre Sueur. Je salue la volonté de M. le ministre de renforcer l'indépendance de l'ONDRP afin de garantir l'observation objective indispensable à une réflexion scientifique.

Cette approche objective, monsieur Courtois, sera peut-être de nature à nous débarrasser de polémiques récurrentes où la sécurité fait perpétuellement office d'enjeu politicien, alors que, en la matière, mieux vaudrait unir nos efforts.

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