Question de M. REBSAMEN François (Côte-d'Or - SOC) publiée le 15/11/2013

Question posée en séance publique le 14/11/2013

M. François Rebsamen. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

En quelques jours, notre pays a vu se succéder un certain nombre de faits inacceptables, alarmants quant à l'état de notre société.

Il y a les injures racistes dont a fait l'objet Mme la garde des sceaux. Bien que, retenue à Marseille, elle n'ait pu être présente aujourd'hui dans cet hémicycle, je veux lui dire solennellement, en mon nom, au nom de mes collègues sénateurs socialistes et, je le crois, au nom de l'ensemble des membres de la Haute Assemblée, notre indignation devant ces attaques inqualifiables et l'assurer de notre soutien, de notre estime, de notre respect et de notre amitié. (Applaudissements prolongés.)

Il y a les incidents honteux qui ont flétri la commémoration du 11-novembre, au mépris du respect et de la reconnaissance dus aux combattants morts pour la France.

Il y a les coups de couteau portés à un député-maire et à ses adjoints. Je veux exprimer ici ma solidarité et celle de mon groupe à ces élus agressés dans l'exercice de leur mandat républicain.

M. Philippe Dallier. Très bien !

M. François Rebsamen. Il y a les débordements dangereux des manifestations contre l'écotaxe.

Il y a enfin les appels à la désobéissance civile de la part d'élus qui refusent d'appliquer la loi ; je parle ici de la réforme des rythmes scolaires. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. Ce n'est pas tout à fait la même chose !

M. François Rebsamen. Tous ces faits n'ont pas la même gravité, ni les mêmes racines.

M. Philippe Dallier. C'est gentil de le dire !

M. François Rebsamen. Certains portent la marque ou l'empreinte de l'extrême droite. Ils sont très préoccupants, car ils montrent que les digues ont été rompues, que les actes et les paroles de haine sont libérés et que notre pacte républicain est en danger.

D'autres faits découlent de comportements politiciens de l'opposition, mais ils n'en sont pas moins graves, car ils sèment confusion et malaise parmi des Français fragilisés par la crise, inquiets pour leur avenir et impatients de voir les résultats des efforts qu'ils ont consentis. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le Premier ministre, depuis dix-huit mois, vous conduisez une politique courageuse pour redresser notre pays dans la justice et mener à bien les réformes indispensables.

Au nom des sénateurs socialistes, je tiens à rendre hommage à votre action et à celle de votre gouvernement. Cette politique va porter ses fruits, nous en sommes certains. (Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. François Rebsamen. Monsieur le Premier ministre, pour rassurer les Français qui en doutent, pouvez-vous retracer les grandes lignes de votre action et nous dire quels résultats vous en attendez dans les semaines à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 15/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 14/11/2013

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Rebsamen, je vous remercie du soutien que vous venez d'exprimer au Gouvernement.

Nous sommes effectivement engagés dans une œuvre difficile : celle du redressement de la France. Cela demande des efforts, cela demande des réformes, souvent de nature structurelle.

Je prendrai un exemple : croyez-vous qu'il ne soit pas nécessaire d'entreprendre la refondation de l'école, pour permettre la réussite de tous les enfants ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

MM. Christian Cambon et Jean-Claude Carle. Pas comme ça !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Croyez-vous qu'il ne soit pas nécessaire d'en faire une priorité du Gouvernement et de la France ? Il le faut, dans l'intérêt du pays,...

M. Rémy Pointereau. Et l'intérêt de l'enfant ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ... pour préparer l'avenir, pour faire en sorte que tous nos jeunes aient les mêmes chances de réussite. Cela ne se fait pas facilement !

M. Alain Gournac. Qui paie ?

Un sénateur du groupe UMP. Ce sont les maires qui paient !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il y a des conservatismes. Il y a des rigidités. Il y a des corporatismes. Nous le savons. Le Gouvernement accepte le dialogue (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.), n'hésite pas à négocier, à modifier son projet, mais il ne doit pas perdre le cap, celui du redressement de la France : il faut faire reculer le chômage, faire reculer les inégalités territoriales et sociales !

M. Alain Gournac. C'est bien parti !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Cela demande de l'énergie, cela demande du courage, cela demande de la constance, de la cohérence et de la ténacité.

M. Alain Gournac. Qui paie ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président du groupe socialiste, je vous remercie de m'apporter votre soutien (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.), dans l'intérêt de la France !

Une rigueur dans les comportements, une exigence éthique, une exigence morale, le respect de nos lois, de nos règles, de tout ce qui permet à la France d'assurer le vivre-ensemble dans la durée sont nécessaires.

Vous avez eu raison de rappeler que, dans ces périodes difficiles, il y a des laisser-aller, des dérives qui sont immoraux, contraires à notre droit, contraires à nos principes - je pense au racisme, à la xénophobie, à l'antisémitisme -, qui portent atteinte à la République, qui affaiblissent la France et l'empêchent de réussir ! C'est pourquoi il ne faut rien laisser passer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, des applaudissements se sont fait entendre sur toutes les travées de la Haute Assemblée lorsque François Rebsamen a évoqué les attaques immondes contre Mme la garde des sceaux. Je vous en remercie.

Mme Taubira l'a dit elle-même, parce qu'elle est une femme politique, elle sait accepter des attaques parfois injustes, mais, au-delà de sa personne, il y a des proches, il y a une famille. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.) Il faut dénoncer les adultes qui ont instrumentalisé, à Angers, ces enfants brandissant des bananes, les tenants d'un tea-party à la française qui non seulement portent atteinte à une personne, mais infligent une blessure à la République ! Aucun républicain ne devrait laisser passer de tels comportements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Je vais répéter devant la Haute Assemblée ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale : le Gouvernement est décidé à engager toutes les procédures nécessaires ; je l'ai fait moi-même en recourant à l'article 40 du code de procédure pénale. Il reviendra ensuite à la justice de se prononcer.

Quoi qu'il en soit, toute atteinte à nos lois, à nos règles, au bien public sera condamnée avec la plus grande fermeté (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.), car il n'y a pas de cohésion nationale, de cohésion sociale, d'adhésion au pacte républicain si l'autorité de l'État, issue des lois votées par le Parlement, n'est pas respectée ! En tant que chef du Gouvernement, j'entends tout faire pour que la loi républicaine soit respectée partout et par tous !

Je sais les souffrances que peuvent endurer nos compatriotes dans telle ou telle région soumise à des mutations, dans certains secteurs économiques en difficulté, dans des quartiers abandonnés. J'étais vendredi dernier à Marseille : croyez-vous qu'il soit digne de la République de laisser des quartiers entiers à l'abandon pendant des années ? Le Gouvernement a décidé de relever le défi du redressement économique, social et territorial ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Je dialoguerai avec tous ceux qui sont prêts à jouer le jeu. C'est vrai pour la Bretagne, mais aussi pour d'autres régions. La France n'est pas une addition de régions et de territoires. La France n'est pas une addition de corporations. La France est une République une et indivisible, laïque, démocratique et sociale !

Tel est le programme du Gouvernement : agir pour réduire les fractures sociales et territoriales, pour permettre à la France de se retrouver ; elle ne se retrouvera que si elle est suffisamment ferme sur ses principes et ses valeurs. En aucun cas ceux qui sont chargés d'appliquer la loi - je pense aux élus - ne doivent y déroger, parce que l'exemplarité, c'est aussi la garantie de l'adhésion au pacte national et républicain ! (Mmes et MM. les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste se lèvent et applaudissement longuement. - Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe CRC et du groupe RDSE.)

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