Question de M. BILLOUT Michel (Seine-et-Marne - CRC) publiée le 07/11/2013

M. Michel Billout attire l'attention de M. le Premier ministre sur les orientations stratégiques d'Aéroports de Paris (ADP) dont l'État est actionnaire majoritaire. Le président du groupe ADP a annoncé en juillet 2013 un plan de départs volontaires de 370 postes alors que, en 2013, le bénéfice net prévu pour ADP devrait s'élever à 280 millions d'euros.
Plus globalement, depuis l'ouverture du capital d'ADP en 2006, 1 100 postes ont été supprimés alors que les bénéfices ont été multipliés par 2,2, ce qui a permis aux actionnaires de se partager 1 191 millions d'euros de dividendes. Entre 2006 et 2012, le nombre de passagers a progressé de 8 %, le chiffre d'affaires de 32 % et le bénéfice net de 78 %. La part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué de 17 % en six ans, tandis que les dividendes n'ont cessé d'augmenter. En mai 2013, la part du résultat net reversé aux actionnaires est passée de 50 % à 60 %.
Le groupe ADP, au nom de la compétitivité, veut continuer d'alléger les dépenses de personnels qui augmentent mécaniquement avec l'ancienneté. Pour casser cette progression des coûts, le précédent président-directeur général s'était engagé en 2010 à réduire ses effectifs de 10 % sur la durée du contrat de régulation économique 2011-2015. 1,7 % de baisse a donc été réalisé sous le précédent gouvernement. Aujourd'hui, l'objectif est de les réduire de 7 %, avec l'accord de l'État. Les 370 suppressions de postes annoncées correspondent aux 5,3 % de baisse à réaliser d'ici à la fin 2015.
La question de la répartition des richesses créées par le travail est ici clairement posée et renvoie au débat concernant le « coût du travail » et le « coût du capital ». Le refus de la direction d'ouvrir des négociations sur l'augmentation des salaires et le maintien des postes est dans la logique de sa stratégie de privilégier les actionnaires au détriment des conditions sociales et salariales de ses employés.
À l'heure où le Gouvernement entend inverser la courbe du chômage et où la question du maintien dans l'emploi des seniors est posée, il lui demande d'apporter des précisions quant à la cohérence de la politique de l'État qui laisse une entreprise en partie publique continuer de supprimer des emplois tout en annonçant vouloir lutter contre le chômage.

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Transmise au Ministère chargé des transports, de la mer et de la pêche


Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 22/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 21/01/2014

M. Michel Billout. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les orientations stratégiques d'Aéroports de Paris, ADP, dont l'État est actionnaire largement majoritaire.

Le président du groupe ADP a annoncé en juillet dernier un plan de départs volontaires concernant 370 postes alors qu'en 2013 le bénéfice net prévu pour Aéroports de Paris s'élève à 280 millions d'euros. Plus globalement, depuis l'ouverture du capital d'ADP en 2006, 1 100 postes ont été supprimés alors que les bénéfices ont été multipliés par 2,2, ce qui a permis aux actionnaires de se partager 1,191 milliard d'euros de dividendes.

Entre 2006 et 2012, le nombre de passagers a progressé de 8 %, le chiffre d'affaires de 32 % et le bénéfice net de 78 %. La part des salaires dans la valeur ajoutée a, quant à elle, diminué de 17 % en six ans tandis que les dividendes n'ont cessé d'augmenter. En mai dernier, la part du résultat net reversé aux actionnaires est passée de 50 % à 60 %.

Le groupe ADP, au nom de la compétitivité, veut continuer d'alléger les dépenses de personnels qui augmentent mécaniquement avec l'ancienneté. Pour casser cette progression des coûts, le précédent président-directeur général s'était engagé en 2010 à réduire les effectifs de 10 % sur la durée du contrat de régulation économique 2011-2015. Une baisse de 1,7 % a été réalisée sous le précédent gouvernement. Aujourd'hui, l'objectif est de réduire les effectifs de 7 %. Les 370 suppressions de poste annoncées correspondent donc aux 5,3 % de baisse à réaliser d'ici à la fin de 2015. D'un point de vue mathématique, les chiffres sont cohérents.

La question de la répartition des richesses créées par le travail est ici clairement posée et renvoie au débat concernant le « coût du travail » et le « coût du capital ». Le refus de la direction d'ADP d'ouvrir des négociations sur l'augmentation des salaires et le maintien des postes est dans la logique de sa stratégie, qui est de privilégier les actionnaires au détriment des conditions sociales et salariales des employés.

Ces suppressions de poste sont d'autant moins acceptables que la santé des aéroports parisiens de Roissy et d'Orly est excellente : ces derniers ont en effet enregistré un nombre record de 90,3 millions de passagers en 2013, en progression de 1,7 % par rapport à 2012.

Dans ce contexte, quelles réponses l'État actionnaire entend-il donner aux revendications des salariés d'ADP concernant le maintien des emplois, l'augmentation des salaires et la lutte contre la précarité ?

À l'heure où le Gouvernement entend inverser la courbe du chômage et où la question du maintien dans l'emploi des seniors est posée, je souhaite obtenir des précisions sur la cohérence de la politique gouvernementale. Alors que le Gouvernement annonce vouloir mener une politique de création d'emplois, comment peut-il accepter qu'une entreprise dégageant d'importants bénéfices et dans laquelle l'État est actionnaire majoritaire continue de supprimer des postes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui a dû se rendre à des obsèques ce matin.

Il ne m'a pas mandaté, et le Gouvernement pas davantage, pour entamer avec vous un débat, qui aurait été fort intéressant, sur les revenus du capital et du travail. Néanmoins, je tâcherai de répondre précisément à vos préoccupations, que j'entends et que je comprends.

Les aéroports s'inscrivent dans une chaîne de transport comprenant d'autres acteurs essentiels tels que les compagnies aériennes et les services de la sécurité aérienne, notamment.

Les principales compagnies françaises traversent depuis maintenant plusieurs années une période difficile, caractérisée par des coûts élevés et des recettes en faible progression, voire en régression. Cette situation est le fait tant de la crise économique mondiale que de la concurrence très vive des transporteurs à bas coûts et des compagnies des pays du Golfe. Ces compagnies sont les principales clientes d'Aéroports de Paris. Je considère que les efforts fournis par les compagnies aériennes doivent être accompagnés par les aéroports, qui se portent plutôt bien dans l'ensemble, comme vous l'avez rappelé. Je suis par conséquent très attentif à ce que cela se traduise par une modération tarifaire des aéroports, laquelle se répercutera évidemment immédiatement sur les compagnies.

Néanmoins, Aéroports de Paris doit être attentif à sa propre compétitivité par rapport aux autres grands aéroports européens, à la fois pour les compagnies aériennes sur le court terme, mais également dans son intérêt sur le moyen et sur le long terme.

Par ailleurs, outre les aspects financiers, il est nécessaire pour ADP de renouveler son personnel et de procéder à des embauches sur des postes où les besoins sont réels, au-delà de ce que lui permettent les départs naturels à la retraite. Il s'agit donc de trouver un point d'équilibre entre ces différentes préoccupations.

Le plan de départs volontaires annoncé par Aéroports de Paris pour cette année porte sur 370 postes au maximum. Le Gouvernement a demandé que ce plan s'inscrive dans une stratégie de long terme visant à maintenir la dynamique des aéroports parisiens et leurs effets positifs sur les plans économique et social pour les territoires voisins.

En particulier, ce plan pluriannuel prévoit un recrutement significatif dans les filières accueil - 120 collaborateurs - et les métiers techniques et de maintenance - 60 collaborateurs -, qui contribuera à soutenir les efforts actuels de l'exploitant pour améliorer la qualité de service, élément central du contrat de régulation économique 2011-2015.

Dès le 1er février prochain, de nouveaux agents d'accueil aux origines diversifiées rejoindront ainsi l'entreprise. ADP ne recrutait plus dans ces métiers, et une réorientation de sa politique devenait nécessaire. Le plan de départs volontaires contribue, dans le contexte général évoqué, à favoriser le redéploiement des moyens.

La procédure d'information et de consultation avec les organisations syndicales a été engagée en octobre 2013 et se poursuivra jusqu'au mois de février prochain. Les négociations en cours s'inscrivent dans le cadre d'un dialogue social intense, mais aussi apaisé, avec l'engagement de discussions sur des sujets tels que l'égalité entre les hommes et les femmes ou la formation des personnels.

Monsieur le sénateur, si Aéroports de Paris a besoin de s'adapter pour préserver sa compétitivité, ainsi que ses performances en termes d'attractivité des plateformes aéroportuaires et de qualité de service, soyez assuré que le Gouvernement reste attentif et cherche à concilier la protection des emplois des seniors et le recrutement d'une nouvelle génération.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

J'avoue que votre tâche n'est pas facile. À l'heure où l'on nous annonce la création d'un pacte de responsabilité, l'État devrait à mon avis montrer l'exemple lorsqu'il est actionnaire majoritaire d'une entreprise qui se porte particulièrement bien. Or il ne paraît pas le faire ici puisque 1 500 emplois ont été supprimés depuis l'ouverture du capital d'ADP, sans signe d'amélioration.

Je peux comprendre qu'il y ait des changements de métiers au sein de l'entreprise. Mais là n'est pas la question puisque les suppressions nettes de poste évoquées s'accompagnent dans le même temps d'un recours accru à la sous-traitance, y compris via la présence de travailleurs détachés dans les aéroports parisiens.

Cette problématique n'est pas sans nous préoccuper. En tout état de cause, monsieur le ministre, elle fera certainement l'objet d'une prochaine question de notre part.

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