Question de Mme CUKIERMAN Cécile (Loire - CRC) publiée le 06/12/2013

Question posée en séance publique le 05/12/2013

Concerne le thème : L'accès à la justice et la justice de proximité

Mme Cécile Cukierman. En touchant principalement les tribunaux d'instance, la réforme de la carte judiciaire a porté sur les juridictions les plus proches des gens. Cette réforme, exemple parmi d'autres de la destruction méthodique du service public de la justice, menée dans la précipitation, sans concertation réelle avec les organisations syndicales, a visé un objectif exclusivement comptable qu'elle n'a même pas atteint, du fait de son coût.

Aujourd'hui, une autre réforme est pressentie. En tout cas, elle semble nécessaire, mes chers collègues.

Il y a un an, notre commission des lois présentait au Sénat, lors d'un débat en séance publique, les conclusions du rapport de Nicole Borvo Cohen-Seat et d'Yves Détraigne sur la réforme de la carte judiciaire dans lesquelles plusieurs pistes étaient envisagées. Récemment, notre collègue Yves Détraigne a poursuivi ses travaux avec Virginie Klès.

Après s'être accordés sur l'intérêt d'une simplification de l'organisation de la justice de première instance, nos collègues ont approfondi l'une des pistes qui était déjà évoquée dans le premier rapport : le tribunal de première instance aurait vocation à réunir en une même juridiction toutes celles – ou pratiquement toutes au terme des dernières réflexions – que nous connaissons actuellement en première instance. Nous savons que vous menez des réflexions à ce sujet dans le cadre de la concertation, madame la garde des sceaux, et que des conclusions seront rendues prochainement. Quelle que soit la piste proposée, pouvez-vous nous assurer que le réseau juridictionnel n'en pâtira pas et que la présence d'un tribunal sur chaque territoire au plus près de nos concitoyennes et de nos concitoyens sera privilégiée ? Par exemple, si la piste du tribunal de première instance était retenue, il ne faudrait pas que cela conduise à la suppression de nouvelles implantations judiciaires.

Il est également nécessaire de préserver la spécialisation des magistrats. Comme le souligne le rapport Klès-Détraigne, « les magistrats spécialisés tiennent à leur spécialisation et peuvent craindre que le tribunal de première instance, entendu comme un outil de mutualisation des effectifs de magistrats et de greffiers, ne tende à diluer cette spécialisation ». Au nom d'une préoccupation d'ordre pratique concernant l'accès du citoyen à la justice, il ne serait effectivement pas pertinent de revenir sur la tradition française de certains tribunaux de première instance, tels les conseils de prud'hommes, les tribunaux pour enfants ou les juridictions sociales.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/12/2013

Réponse apportée en séance publique le 05/12/2013

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je puis d'emblée vous rassurer, madame Cukierman, la réforme judiciaire que nous envisageons ne conduira pas à la fermeture du moindre site judiciaire.

Concernant ce que vous appelez la spécialisation des magistrats, et donc nos juridictions spécialisées telles que les conseils de prud'hommes et diverses juridictions sociales, il y aurait, là aussi, un besoin de cohérence, mais la spécialité de ces juridictions sera préservée.

Nous nous préoccupons d'assurer la proximité, c'est-à-dire que le justiciable dispose au plus près d'un site judiciaire qui lui rende les services attendus. Pour ces raisons, je le répète, aucun site judiciaire ne sera fermé, j'entends par là y compris les maisons de justice et du droit. Le Président de la République s'est engagé sur la proximité, l'efficacité et la diligence de la justice. Ce sont nos objectifs !

Comme vous le savez, j'ai ouvert quatre grands chantiers en vue d'aboutir à une réforme judiciaire. La constitution des groupes, leurs travaux, la consultation des juridictions - je me rends fréquemment sur place - demandent du temps. J'espérais aller plus vite, mais je me suis résignée à prendre le temps nécessaire.

Les 10 et 11 janvier prochain, nous organiserons un grand colloque à la Maison de l'UNESCO au cours duquel seront présentées les préconisations de ces quatre grands chantiers : l'office du juge au XXIe siècle, le magistrat du XXIe siècle et son équipe d'assistants spécialisés, les juridictions du XXIe siècle - chantier auquel se rapporte le travail de très grande qualité de Mme Klès et de M. Détraigne, que j'ai reçus récemment à la Chancellerie -, ainsi que la modernisation de l'action publique. Évidemment, je tiendrai informée la représentation nationale de l'évolution de ces réflexions. Il me reste encore à recevoir deux rapports.

Vous êtes bien sûr invités à ce grand événement, mesdames, messieurs les sénateurs : votre parole compte, elle est extrêmement importante. Je connais la qualité des travaux qui sont produits au Sénat, et nous nous en inspirons. Nous arriverons à écrire une belle réforme judiciaire, dont l'objectif majeur sera de servir le citoyen.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de ces précisions importantes. Elles rassureront à la fois les professionnels de la justice, les organisations syndicales et, plus largement, les citoyennes et les citoyens qui ont affaire à la justice ainsi que les élus locaux, qui se sont sentis parfois pris au dépourvu par la diminution de la présence judiciaire sur leur territoire ces dernières années.

Nous serons bien évidemment attentifs au résultat des travaux qui sont actuellement menés sur la justice du XXIe siècle. La commission des lois du Sénat travaille pour sa part sur un certain nombre de rapports et de propositions. Nous y participons et souhaitons vivement que puisse se construire, dans le pluralisme et la diversité des idées, cette justice nécessaire.

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