Question de M. BILLARD Joël (Eure-et-Loir - UMP) publiée le 13/12/2013

Question posée en séance publique le 12/12/2013

M. Joël Billard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, à la suite de la publication de votre décret concernant les rythmes scolaires, l'inquiétude et la colère des élus, des enseignants et des parents d'élèves ne s'apaisent pas.

À l'évidence, proposer au niveau national une réforme de ce genre, qui puisse s'adapter à la fois à une école isolée dans une zone rurale et à un groupe scolaire implanté dans une grande ville est tout simplement irréaliste.

Un cadre national ne peut se concevoir sans dérogations tenant compte des contraintes locales et, bien entendu, de la spécificité des territoires ruraux. Comment, par exemple, faire venir une heure chaque jour une personne diplômée pour encadrer les enfants, à moins de mettre en place une garderie, ce qui ne correspond pas à l'esprit du décret, sans parler de l'organisation et du coût des transports ?

C'est la raison pour laquelle le groupe UMP du Sénat a déposé, sur l'initiative de son président, une proposition de loi visant à permettre à chaque commune de s'organiser comme elle le souhaite pour proposer aux enfants et aux familles l'organisation la plus favorable.

Il semblerait que votre réforme ne permette pas d'agir positivement sur les rythmes biologiques de l'enfant, pourtant à la base du débat. Par ailleurs, si l'on en croit les expériences passées, les aménagements des rythmes scolaires seraient sans incidence sur les résultats des élèves. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

MM. François Marc et Yannick Vaugrenard. C'est faux !

M. Joël Billard. Il est facile de le constater, cette nouvelle organisation est techniquement très difficilement réalisable et financièrement inacceptable, d'autant que les communes doivent faire face, sur trois ans, à une baisse des dotations de fonctionnement. À titre d'exemple, cela représenterait, pour ma commune, environ dix points de fiscalité. Eu égard au ras-le-bol fiscal de nos concitoyens, cette nouvelle imposition n'est pas envisageable.

Monsieur le ministre, j'ai adressé une lettre à tous les maires de mon département pour demander au Gouvernement de renoncer à ce décret ou de laisser aux communes le libre choix de l'organisation du temps scolaire, tout en garantissant à celles-ci la compensation intégrale des charges.

M. David Assouline. C'est national !

M. Joël Billard. Je me suis toujours posé en défenseur de la ruralité et, aujourd'hui, je continue d'aider mes collègues maires, qui se débattent contre les multiples difficultés rencontrées.

M. Didier Guillaume. Il faut y mettre de la bonne volonté !

M. Joël Billard. Monsieur le ministre, écoutez les voix qui montent de la France profonde et apportez aujourd'hui à nos concitoyens la réponse qu'ils attendent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 13/12/2013

Réponse apportée en séance publique le 12/12/2013

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, votre question comprend de nombreux éléments.

Tout d'abord, si les rythmes scolaires n'ont véritablement aucune incidence sur les résultats scolaires, je ne m'explique pas pourquoi les groupes parlementaires, y compris le groupe UMP, avaient engagé, avec mon prédécesseur Luc Chatel, une si longue consultation, qui a abouti à la même conclusion...

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

M. Vincent Peillon, ministre. ... que celle de l'Académie nationale de médecine et de l'ensemble des pédopsychiatres. Dans votre jeunesse, vous aviez quatre jours et demi de classe !

M. Didier Guillaume. C'est la réalité !

M. Vincent Peillon, ministre. Il n'est pas légitime que la France soit le seul pays du monde à avoir, depuis 2008, quatre jours de classe. Vous l'avez vu récemment, cette situation a des conséquences sur le niveau scolaire des élèves.

M. Jacques Gautier. D'accord, mais qui paye ?

M. Vincent Peillon, ministre. À moins d'avoir totalement changé d'avis en l'espace de deux ans, ce qui serait étonnant, vous ne pouvez donc pas considérer que l'instauration de nouveaux rythmes scolaires ne serait pas bonne pour l'apprentissage, alors que tout le monde l'a établi et que c'est ce que vous affirmiez vous-mêmes lorsque vous étiez aux responsabilités.

Concernant votre autre question, il ne faut pas confondre deux choses : notre Constitution et le code de l'éducation. L'éducation est un service public national et il revient à l'État de fixer le temps scolaire.

M. Alain Gournac. Qu'il paye !

M. Vincent Peillon, ministre. Heureusement, l'organisation du temps scolaire est décidée par l'État. Cela a toujours été le cas et, en 2008, le retour aux quatre jours a été décidé sans consultation,...

M. Jean-Pierre Sueur. Aucune !

M. Vincent Peillon, ministre. ... contrairement à ce que j'ai fait pour ma propre réforme.

En revanche - c'est sans doute ce qui pose un certain nombre de problèmes -, pour la première fois dans l'histoire des relations entre l'école et les collectivités, nous avons souhaité demander l'avis des maires... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Demander ?

M. Alain Gournac. Ils sont là pour payer !

M. Vincent Peillon, ministre. ... et les impliquer dans ce que l'on appelle « la coéducation », afin de construire non seulement le temps scolaire, mais aussi le temps périscolaire.

M. Christian Cambon. Et les financements ?

M. Vincent Peillon, ministre. Le temps périscolaire, vous êtes absolument libre, aujourd'hui comme hier, de l'organiser ! Il n'y a aucune contrainte. Le temps scolaire est géré par l'éducation nationale, qui assumera les cours du mercredi matin, tandis qu'il revient aux collectivités locales d'organiser, comme elle le faisait hier, le temps après la classe. En la matière, vous devrez, les uns et les autres, prendre vos responsabilités.

M. Alain Gournac. Prendre notre carnet de chèques !

M. Vincent Peillon, ministre. Toutefois, il y a, vous avez raison, une nouveauté : pour la première fois, l'État prend part au financement, au travers, par exemple, de la Caisse nationale d'allocations familiales,... (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. C'est faux !

M. Vincent Peillon, ministre. ... afin de vous permettre de mieux vous organiser. J'aimerais savoir ce que vous faisiez avant !

Le président de l'Association des maires ruraux de France a mis en place cette réforme dans sa commune et l'Association des maires de France, dont le président est un représentant de l'UMP, a indiqué que 80 % des maires ayant mis en place ce nouveau rythme scolaire en étaient satisfaits et que cela se passe mieux en milieu rural qu'ailleurs. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Antoine Lefèvre. Bref, tout va bien !

M. Vincent Peillon, ministre. N'hésitez donc pas à consulter vos collègues ! Ils vous montreront comment ils font.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Rendez-vous au mois de mars prochain !

M. Didier Guillaume. Nous y serons !

M. Vincent Peillon, ministre. Pour le reste, il y a peut-être une part de mauvaise volonté. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Finalement, peut-être ne portez-vous pas aux élèves et aux enfants un intérêt qui soit à la hauteur des exigences de notre pays. D'ailleurs, vous l'avez prouvé lorsque vous étiez aux responsabilités : vous n'avez rien fait pour l'école de la République, si ce n'est la détruire progressivement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n'avez rien compris !

M. Alain Gournac. Rendez-vous aux élections de mars prochain !

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